Intervention de Yves Fromion

Séance en hémicycle du 26 novembre 2013 à 21h30
Loi de programmation militaire 2014-2019 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen et le vote de la loi de programmation militaire constituent pour le Parlement un acte majeur, comme cela vient d’être dit à plusieurs reprises. Pour être agréable à Mme Adam, je rappellerai la formule devenue historique du général de Gaulle : « La défense ! C’est là, en effet, la première raison d’être de l’État. Il n’y peut manquer sans se détruire lui-même ». Je vous remercie, madame la présidente Adam, de nous l’avoir rappelée en commission.

Nous légiférons donc sur la matière régalienne par excellence. Traduisant les dispositions ou les orientations arrêtées dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité, la loi de programmation militaire concourt « à l’organisation, la gestion et la mise en condition d’emploi de l’ensemble des forces ainsi que de l’infrastructure militaire », mission confiée au ministre de la défense par le code de la défense.

Après le Sénat, monsieur le ministre, notre assemblée s’est donc saisie du projet de loi que vous avez élaboré. La commission de la défense vous a auditionné, de même que vos grands subordonnés. De la même façon, elle a entendu les représentants de la communauté industrielle de la défense et les représentants des personnels civils. Ce long travail a eu pour effet de faire émerger un certain nombre de points d’inquiétude ou d’interrogations. Des explications ou des tentatives d’explications nous ont été apportées, mais force est de constater qu’elles n’ont pas contribué à fournir les apaisements souhaités.

La construction budgétaire de votre loi de programmation militaire constitue, monsieur le ministre, une source de préoccupation majeure, comme on l’a déjà dit abondamment, et j’aborderai ce point dans la suite de mon propos. L’adéquation de votre modèle d’armée, puisqu’il s’agit bien du vôtre, aux menaces recensées par le Livre Blanc ne laisse pas non plus d’inquiéter car, à des menaces récurrentes, voire croissantes ou nouvelles, il est singulier de se targuer de répondre avec des moyens en forte réduction.

Au-delà de la question du formatage de nos forces se pose celle de la soutenabilité des contrats opérationnels, avec des effectifs fortement réduits et des équipements qui, pour une part d’entre eux, atteignent un niveau de vétusté peu compatible avec les exigences du combat. Or, sur cette interrogation majeure, aucune réponse satisfaisante n’a été apportée.

Le quatrième point que j’aborderai, évoqué pendant les travaux en commission, mérite une réflexion particulière ; il s’agit de l’impact qu’aura sur nos personnels civils et militaires la réforme que vous envisagez. Nous avons la preuve qu’une forte inquiétude, et le mot est faible, s’est répandue dans nos armées. Le nier n’est pas de bonne politique, et refuser de communiquer au Parlement une synthèse du rapport sur le moral est affligeant. Je vous en reparlerai au fil de mon développement.

Auparavant, madame la présidente de la commission de la défense, je souhaite manifester la réprobation du groupe UMP sur les conditions dans lesquelles s’est déroulé, mercredi 13 novembre, l’examen en commission du projet de loi de programmation militaire. En effet, plus de 1 180 amendements ont été expédiés à la cadence du pas des chasseurs à pied, voire à celle des bersaglieri italiens ! Certains de ces amendements méritaient, me semble t-il, un meilleur sort et une discussion approfondie.

J’en veux pour exemple les amendements visant à ce que les exportations d’équipements de défense fassent l’objet d’un contrôle a posteriori par la délégation au renseignement, en complément du contrôle des fonds spéciaux que vous envisagez de lui confier. Vous avez rejeté cet amendement, madame la présidente, au motif que le contrôle des contrats d’exportation constituerait une charge trop lourde pour les membres de la délégation. Mais avez-vous idée du travail que représente le contrôle sur pièces et sur place des fonds spéciaux ? J’ai assuré la présidence de cette commission et je peux en témoigner : outre les séances de contrôle en administration centrale, il importe de se rendre « de par le monde » – je ne préciserai pas davantage – pour vérifier l’exactitude et le bien-fondé des dépenses engagées. Cela n’a rien à voir avec la charge, bien plus modeste, qui résulterait d’une vérification à Bercy des quelques contrats d’exportation qui le mériteraient. Ainsi, madame la présidente, cédant peut-être aux pressions du ministre, vous avez décidé de bâillonner le Parlement et de le priver de son droit de contrôle en évacuant, par une argumentation assez ridicule, un sujet pourtant majeur, qui aurait dû être débattu en responsabilité par notre commission.

Cette volonté délibérée d’entraver ou d’étouffer le débat n’est pas à la hauteur de l’enjeu qui nous est proposé. M. Urvoas a quitté l’hémicycle, mais je vous renvoie à son long propos pour démontrer combien il est indispensable que le Parlement exerce ses prérogatives en matière de renseignement, puisqu’il s’agit là d’une matière apparentée.

Je reviens, monsieur le ministre, aux différents points que j’ai précédemment mentionnés. La construction budgétaire de votre LPM est étayée par un échafaudage branlant. Tel est, parmi d’autres avis autorisés, celui que M. Jean Launay a formulé au titre de la commission des finances. Il écrit que « la trajectoire financière est crédible mais repose sur des équilibres fragiles ».

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