Intervention de Gaby Charroux

Séance en hémicycle du 5 novembre 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Explications de vote communes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaby Charroux :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, chers collègues, selon le rapport présenté il y a un peu moins d’un mois par nos collègues Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan, la fraude fiscale entraîne un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros chaque année pour notre pays et représenterait une perte de 2 000 milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne. Ces chiffres, issus d’une étude réalisée à la demande de la Commission européenne, donnent le tournis, tout simplement.

Nous apprenons ainsi que la fraude à la TVA représente en Europe plus de 190 milliards d’euros par an, que les fameux « carrousels de TVA » constitueraient à eux seuls le tiers de la fraude, et 10 milliards d’euros en France.

Au total, selon une estimation découlant des travaux de Gabriel Zucman, de l’Ecole d’économie de Paris, il y aurait dans les paradis fiscaux près de 220 milliards d’euros d’avoirs appartenant à des grandes fortunes françaises, soit l’équivalent de 10 % de la richesse nationale, et près de 360 milliards d’euros d’avoirs appartenant à de grandes entreprises.

Face à l’ampleur de ce vol organisé – comment le nommer autrement ? –, de nombreuses associations sont mobilisées, souvent depuis des années. Nos concitoyens, sans cesse mieux informés de la réalité des faits, sont de plus en plus nombreux à considérer que la lutte contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales doit être une priorité de l’action politique. Nous le pensons aussi !

Dès le début de la discussion du présent projet de loi, notre groupe s’est positionné avec la volonté de rendre le dispositif plus efficace, en le dotant de la plus grande capacité opératoire possible.

Ce projet de loi constitue une inflexion majeure dans les politiques conduites jusqu’à présent dans notre pays et recèle des potentiels que nous devons désormais valoriser et exploiter pleinement.

Nous approuvons, oui, nous approuvons les améliorations apportées par nos deux assemblées en matière d’aggravation des sanctions, de renforcement de la coopération entre l’administration fiscale et les autorités judiciaires, ou de protection des lanceurs d’alerte. Nous nous réjouissons également de l’adoption d’amendements que nous avions proposés, tel celui sur la prévention de la fraude à la TVA dite « carrousel », ou celui qui facilite les poursuites en matière de blanchiment. Ils permettent d’élargir l’éventail des instruments de poursuite et de sanction.

Enfin, nous sommes favorables à la création d’un procureur financier de la République, illustration de la volonté de doter notre pays de moyens renouvelés de lutte contre la fraude fiscale et la corruption. Ce texte pose la première pierre de ce qui doit permettre de bâtir une véritable stratégie nationale de lutte contre ces phénomènes. Le combat contre la fraude et l’optimisation fiscales ne fait que commencer. Il importera, au cours des prochains mois et des prochaines années, de nous montrer encore plus offensifs si nous voulons lutter efficacement contre les pratiques d’évitement fiscal, qui non seulement mettent en péril nos économies mais en outre sapent le principe républicain d’égalité de tous devant l’impôt.

Il faut mettre fin à la faiblesse des États face aux mafias de la fraude et aux intermédiaires, banques ou avocats, qui favorisent l’optimisation fiscale. Tous portent une responsabilité. La Cour des comptes a récemment insisté sur la nécessité de mieux organiser la communauté du renseignement. Le rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale, remis le mois dernier, a formulé de nouvelles propositions pour mieux combattre et prévenir les contournements des règles par la structuration financière. Le rapport d’information de nos collègues Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan a souligné plusieurs exigences : actualiser les conventions fiscales, mieux contrôler les sous-traitances et les prix de transfert, taxer les restructurations internationales à l’exemple de l’Allemagne et créer un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale afin de mieux s’adapter au vrai visage des systèmes qui façonnent l’évasion des capitaux.

Il a également rappelé la nécessité d’accroître les moyens des administrations et des superviseurs, qui ne peuvent plus faire face matériellement. Mieux combattre, cela consiste aussi à élargir le champ de l’intervention des services judiciaires. C’est pourquoi nous regrettons que le présent projet de loi n’offre pas davantage de souplesse procédurale ni n’entame le fameux monopole de Bercy, où la réduction de postes prévue dans le budget 2014, en particulier dans les douanes, ne nous semble pas compatible avec les objectifs affichés. Le travail qui reste à accomplir est immense mais il n’est pas hors de portée. Notre pays doit continuer à peser de tout son poids dans les négociations internationales et ne pas craindre de montrer l’exemple. Vous pouvez compter, madame la garde des sceaux, sur la détermination des parlementaires du Front de gauche à vous soutenir dans ce combat et à faire reculer les pratiques financières prédatrices dont l’évasion et l’optimisation fiscales ne sont qu’un maillon. En ce sens, nous émettons un vote favorable.

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