Intervention de Michel Combes

Réunion du 15 octobre 2013 à 18h30
Commission des affaires économiques

Michel Combes, directeur général du groupe Alcatel-Lucent :

Madame Erhel, vous m'avez interrogé sur la régulation et la concurrence dans le secteur des télécoms. Ma réponse sera relativement brutale. Je ne m'abrite certes pas derrière cela : je le redis, la première raison des difficultés d'Alcatel-Lucent tient à l'entreprise elle-même, et d'ailleurs, les autres entreprises du secteur, y compris nos concurrents européens, qui ont su prendre les mesures nécessaires pour faire face à la crise, gagnent aujourd'hui de l'argent et ont les moyens d'investir. Mais en matière de régulation des télécoms, on a tout faux en Europe – le constat est désormais largement partagé. L'Europe est devenue le continent oublié des télécommunications. S'y est enclenché un cercle vicieux tandis que s'enclenchait un cercle vertueux aux États-Unis. Outre-Atlantique, les entreprises investissent massivement – notre chiffre d'affaires d'équipementier y est en très forte croissance. Ces investissements, tirés par Verizon, AT&T, Sprint, etc, permettent à des start-up et des PME, voire des entreprises de plus grande taille, de créer un écosystème numérique dynamique, propice à l'innovation, avec des clients prêts à payer le juste prix puisqu'ils ont accès à des services de qualité et que l'écosystème est porteur. Cela permet aux opérateurs de réaliser des marges satisfaisantes et donc de réinvestir. Ce cercle vertueux tire le PIB des États-Unis, qui croît plus fortement que celui des autres pays. En Europe, à l'inverse, du fait du manque d'investissements, il n'existe pas de véritable écosystème numérique. Les clients n'ont alors pour seul critère de choix que le prix puisqu'il n'y a pas de réelle différence entre les opérateurs qui, vu la compression de leurs marges, n'ont plus les moyens d'investir. Les États-Unis ont connu un tel cercle il y a une dizaine d'années et ont payé un prix encore plus élevé que l'Europe : cela a été fatal à Motorola et Nortel, et l'a presque été à Lucent, racheté par Alcatel. Il est urgent de briser ce cercle vicieux et de redonner la capacité aux industriels du secteur d'investir, seuls des investissements étant de nature à pouvoir inverser la tendance.

Pour avoir été numéro deux d'Orange puis de Vodafone, et avoir fait toute ma carrière dans le secteur des télécommunications, je mesure mieux que quiconque l'urgence qu'il y a d'agir. Au moment où l'Union européenne s'apprête à prendre des décisions, il est important que la France parle d'une voix forte. Nous pouvons y contribuer. Dans la situation dans laquelle se trouve Alcatel-Lucent, il lui est bien sûr difficile de donner des leçons – c'est plus facile pour Ericsson ! Pour autant, nous essayons de nous faire entendre.

Je me réjouis de plusieurs mesures prises par l'actuel Gouvernement mais aussi ceux qui l'ont précédé. Le crédit d'impôt recherche est une bonne mesure pour soutenir l'innovation : elle est même indispensable pour maintenir nos emplois de R&D en France. De même, le plan Souveraineté Télécoms va-t-il dans le bon sens. Je me félicite que Philippe Keryer ait été choisi pour le copiloter. La relance de la filière industrielle des télécoms en France sera pour moi l'un des enjeux majeurs dans les semaines et les mois à venir. Je me réjouis également que les ministres Fleur Pellerin et Arnaud Montebourg aient appelé l'ensemble des opérateurs à la solidarité nationale et les aient invités à faire davantage appel aux équipements proposés par Alcatel-Lucent. Il n'est bien sûr pas question de leur imposer des produits qui ne leur donneraient pas satisfaction. Mais nos produits sont de qualité, comme en atteste le fait qu'ils sont choisis dans le monde entier par quantité d'opérateurs.

Madame de la Raudière, l'innovation est un sujet-clé. Une entreprise qui n'innove plus est condamnée. Pendant longtemps, Alcatel-Lucent n'a pas souhaité modifier l'organisation et le fonctionnement de sa R&D. C'est ainsi qu'on en est arrivé à la situation actuelle, avec une R&D fragmentée, qui ne s'est pas recentrée sur les technologies du futur et est en train de mourir sur place. La moitié de nos dépenses de R&D dans le domaine du mobile sont consacrées à la 2G et la 3G, produits pour lesquels nous n'avons quasiment pas de positions de marché et sur lesquels, en tout cas pour la 2G, nos clients n'investissent plus. Seule la moitié de nos dépenses de R&D sont consacrées à la 4G. Nous devons faire des choix. Nous n'avons pas les moyens financiers de gaspiller ainsi nos maigres ressources.

Nous devons piloter l'innovation en interne tout d'abord, avec nos équipes de recherche. Alcatel-Lucent possède l'atout d'abriter en son sein les Bell Labs, plus formidable machine à innover qui soit dans le domaine des télécommunications. Plus de dix prix Nobel ont été attribués à des chercheurs de ces laboratoires dans les années récentes. Pour autant, cela ne suffit pas. Nous devons aussi nous rapprocher des start-up et de l'univers très mouvant des nouvelles technologies. Nous pouvons nous appuyer sur des start-up internes comme Nuage pour le SDN (software-defined networking) ou Cloudband pour la virtualisation des réseaux. J'étais la semaine dernière en Israël où nous possédons une start-up qui innove au coeur de l'écosystème technologique israélien.

Mais le temps où il était possible de tout inventer au sein d'une seule entreprise est révolu. Est arrivé celui de la « co-innovation ». D'où les partenariats que j'ai conclus dès mon arrivée à la tête d'Alcatel-Lucent avec une entreprise comme Qualcomm. Celle-ci se trouve être dirigée par un Américain qui a fait ses études à Toulouse, qui connaît donc bien et aime la France. Cela nous a aidés à nouer un partenariat fort dans le domaine des small cells, que nous codévelopperons ensemble. Pour témoigner de sa confiance en Alcatel-Lucent, le PDG de Qualcomm a décidé que son groupe prendrait une participation minoritaire au capital du groupe.

La co-innovation se passe aussi avec les clients, nationaux et internationaux. Quelques semaines seulement après mon arrivée, nous avons noué un partenariat technologique avec Orange dans le domaine des small cells mais aussi du FTTx – technologie permettant d'amener la fibre optique au plus près de l'utilisateur final. Stéphane Richard et moi-même avons la volonté de faire travailler ensemble des équipes de nos deux entreprises et de « co-innover » pour reprendre le leadership mondial de ces technologies.

La co-innovation peut aussi associer des PME. Il est prévu que la Cité de l'innovation qui verra le jour à Villarceaux accueille des PME, nombreuses autour de Saclay. Installées auprès de nous, elles pourront utiliser nos équipements, et nous espérons pouvoir innover ensemble.

L'innovation, c'est aussi une culture au sein de l'entreprise. Elle doit être le fer de lance du développement. J'ai relancé les prix Bell Labs qui récompensent chaque année dix chercheurs du groupe ayant contribué de manière décisive à une innovation. Je remettrai moi-même les récompenses en novembre.

Ce n'est là qu'un début, mais le plan Shift vise bien à replacer l'innovation au coeur du groupe Alcatel-Lucent. C'est ma priorité absolue.

Monsieur Piron, la dispersion actuelle des efforts s'explique par deux raisons principales. La première tient à ce qu'une vision de généraliste, selon laquelle un industriel devait pouvoir répondre à toutes les demandes des opérateurs, a longtemps prévalu au sein du groupe. Pour avoir travaillé chez des opérateurs, je sais qu'ils organisent depuis longtemps leurs achats par filières technologiques et recherchent dans chacune les meilleurs fournisseurs. Ils préfèrent même ne pas avoir le même fournisseur dans tous les domaines afin d'éviter une dépendance excessive. L'approche généraliste qu'Alcatel-Lucent a voulu maintenir à tout prix, qui fut sans doute pertinente à une époque, a cessé, au fil des ans, de correspondre à l'attente des clients. Si le groupe avait eu les moyens financiers de cette stratégie, on aurait pu comprendre qu'on la poursuive – c'est par exemple celle de Huawei. Mais lorsqu'on manque de moyens, il importe de se recentrer sur ses points forts et de jouer sur les quelques domaines technologiques où on peut espérer se hisser au niveau de numéro un ou numéro deux mondial, au plus numéro trois. Au-delà, on est condamné à être hors course.

Une autre raison de la dispersion des sites tient au fait que le groupe s'est constitué par acquisitions successives. Lucent et Nortel notamment ont chacun apporté leurs propres sites. Les implantations n'ont pas été rationalisées et nous en payons aujourd'hui le prix fort.

S'agissant de nos brevets, ils sont en effet gagés, mais j'ai la ferme volonté, je l'ai clairement affichée, d'en récupérer la pleine possession. Pour l'instant, nous n'en avons pas les moyens. Cependant, cet été, nous avons remboursé 500 millions sur les deux milliards d'euros du prêt qui nous avait été accordé en contrepartie. Nous avons aussi renégocié certaines conditions de ce prêt, afin d'avoir un peu plus de flexibilité et pouvoir sortir quelques-uns de ces brevets. Pour l'instant, ils ne sont que gagés, ils ne nous ont pas encore échappé. Je pars du principe que nous serons capables de rembourser ce prêt et par conséquent de les récupérer.

Pour les choix géographiques, plusieurs critères entrent en ligne de compte. En matière commerciale, le critère essentiel, voire le seul critère, est l'endroit où s'exerce l'acticité. Moins de 5 % de notre activité commerciale se situe encore en France : nous ferons très prochainement davantage en Espagne. Pour nos activités commerciales et de support opérationnel, il nous faut nous adapter à la réalité économique et à la localisation de nos clients.

En matière de R&D, plusieurs critères sont pris en compte. Le premier, ce sont les compétences et la formation. En ce domaine, la France est plutôt bien placée. C'est l'une des raisons qui m'a poussé à y ramener de l'activité de R&D. Elle sera le seul pays où sera créé un nouveau centre de compétences, dans le domaine des small cells. C'est aussi en France que j'ai décidé de développer notre activité de mathématiques appliquées, indispensable à la conception des logiciels. Le deuxième critère est le coût. Hors crédit d'impôt recherche, le coût de la recherche serait plus élevé en France que dans tous les pays où nous intervenons. C'est ce crédit d'impôt qui place notre pays au même niveau de coût que les autres en Europe et me permet aujourd'hui de le privilégier dans l'allocation de nos moyens de R&D. En Asie, les coûts sont bien sûr inférieurs. Mais il faut prendre en compte un troisième critère, de nature géopolitique. Dans la mesure du possible, nous préférons avoir la maîtrise de notre recherche. Pour autant que nous y disposions des compétences voulues et que les coûts y soient convenables, nous cherchons à conserver les emplois de R&D dans les pays qui nous conviennent le mieux. Je suis très attaché à maintenir des compétences importantes de R&D en France.

Quant aux partenariats, ils se nouent sur la base de critères technologiques : nous cherchons à travailler avec des entreprises possédant une avance technologique, qui nous permettront de sortir de nouveaux produits plus tôt que nos concurrents. Entrent également en ligne de compte des critères financiers : ainsi lorsque Qualcomm prend une participation au capital d'Alcatel-Lucent au travers d'une augmentation de capital, cela nous apporte des ressources dont nous ne disposerions pas autrement et qui nous serviront à financer notre développement dans le domaine des small cells. Nous prenons enfin en compte la force de frappe commerciale de nos partenaires.

Monsieur de Rugy, parmi les « erreurs stratégiques du passé », j'en ai cité deux, même si, essayant plutôt de me projeter dans le futur, je ne me complais pas à les rappeler. Mais, j'en suis d'accord avec vous, on apprend des erreurs du passé. La première a été le virage manqué de la 3G. Alcatel-Lucent était un acteur significatif dans le domaine de la 2G. Lorsqu'au début des années 2000, les opérateurs ont acquis à prix très élevé les licences de troisième génération, nul ne savait alors très bien ce qu'ils en feraient puisqu'il n'existait pas encore de terminaux permettant d'utiliser ces fréquences – l'iPhone n'était pas né ! Alcatel a pensé que les réseaux 3G ne se déploieraient pas immédiatement et, contrairement à ses concurrents, n'a pas investi en ce domaine à ce moment-là. La vague 3G a démarré alors que le groupe n'avait pas fourni l'effort nécessaire de recherche et d'innovation. La solution alors imaginée pour tenter de rattraper le terrain perdu a été de fusionner avec Lucent, qui possédait quelques compétences en 3G mais était également limité, et avec Nortel. Mais cette fusion à trois a été trop compliquée et, de toute façon, trop tardive. Nous n'en finissons pas de payer le prix qu'Alcatel n'ait pas été prêt au moment où il l'aurait fallu. Ce sont Huawei et Ericsson, lequel s'était restructuré quelques années auparavant, qui ont raflé la mise. C'est en profitant du fait que beaucoup d'acteurs européens étaient hors jeu, que Huawei a pris une part totalement disproportionnée des investissements dans le domaine du mobile en Europe.

La deuxième erreur stratégique d'Alcatel-Lucent a été de se retirer des marchés de croissance. Cette décision m'interpelle encore. En effet, les grandes dépenses de télécommunications s'effectuent aujourd'hui dans les zones en croissance, l'Asie-Pacifique ou l'Afrique, où Alcatel-Lucent avait historiquement des positions fortes. Le groupe n'était plus présent sur ces marchés au moment où ils ont explosé et n'a donc pas tiré profit de ce boom, comme Ericsson ou NSN (Nokia Solutions ans Networks).

Quelles leçons tirer de ces erreurs passées ? Tout d'abord, qu'il faut écouter les clients et comprendre leurs attentes. Mon expérience antérieure chez des opérateurs m'est précieuse pour anticiper leurs besoins et repérer les technologies sur lesquelles ils devront investir.

La deuxième leçon est qu'il faut éviter toute surconcentration de l'effort commercial. Alcatel-Lucent s'était recentré presque exclusivement sur les opérateurs de télécommunications, et dans quelques zones du monde seulement. À un moment, le groupe avait même envisagé de se limiter à l'Amérique du Nord et à la Chine. Dès mon arrivée, j'ai exprimé le souhait qu'il se développe de nouveau en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique, au même titre qu'en Amérique et en Asie, et trouve, au-delà des opérateurs de télécommunications, des clients complémentaires comme les câblo-opérateurs, les grands acteurs de l'internet – ces sociétés over the top qui sont celles qui ont aujourd'hui les moyens d'investir et se dotent d'ailleurs de réseaux d'infrastructures très denses –et bien sûr les très grandes entreprises stratégiques telles les banques ou les compagnies d'assurance qui s'équipent de réseaux de plus en plus semblables à ceux des opérateurs de télécommunications.

Comment pourrait-on favoriser le déploiement des small cells ? Il faut bien entendu pouvoir proposer les produits nécessaires, d'où le partenariat technologique avec Qualcomm. Il faut ensuite disposer de compétences en interne sur l'architecture des réseaux, que les small cells vont révolutionner. Par le passé, les réseaux ont été construits de out vers in, c'est-à-dire qu'on plaçait les sources d'émission le plus loin possible de la population. Dès lors que l'objectif devient d'offrir les débits les plus élevés possible, il faut au contraire implanter les émetteurs le plus près possible des clients finals, d'où les émetteurs miniaturisés et les small cells. Ceux-ci nécessiteront une multitude de sites, notamment dans les agglomérations. Pour travailler à cette nouvelle architecture des réseaux, nous nous appuierons sur les Bell Labs et sur des équipes internes spécialisées. Je rencontrais hier les responsables de SFR qui nous demandent d'étudier comment SFR pourrait réorganiser l'architecture de son réseau à Paris.

Une autre leçon est que le système d'autorisation pour le déploiement des réseaux doit être le plus léger possible pour les opérateurs. Le « paquet télécoms » présenté par la commissaire européenne Neelie Kroes visait, entre autres, à harmoniser les procédures d'attribution des fréquences et d'autorisation des sites pour le déploiement des small cells.

Un dernier mot sur Orvault. C'est un site important d'Alcatel-Lucent qui, depuis des années, pose des problèmes au groupe. Sa charge n'ayant cessé de diminuer au fil des ans, lui ont été transférées diverses activités, éparpillées. Il n'existe aucune perspective de lui fournir une charge suffisante à moyen terme et la dispersion de ses activités ne nous permet pas d'assurer seuls son avenir. J'ai clairement dit d'emblée qu'Alcatel-Lucent ne pourrait pas maintenir seul ce site et qu'il était indispensable d'engager, dès à présent, des discussions avec d'autres entreprises afin d'y amener de la charge et d'utiliser les compétences que nous y avons développées au fil du temps. Il est vrai que des équipes y travaillent sur le LTE (Long Term Evolution), la plus récente des normes de téléphonie mobile. Mais elles sont beaucoup plus restreintes que celles qui travaillent sur le même sujet à Villarceaux et à Lannion. Il serait déraisonnable de conserver les trois sites. Le souci d'efficacité commande de regrouper sur deux sites notre effort de développement en LTE.

Monsieur Chassaigne, je suis d'accord avec vous s'agissant de la confiance des salariés. Après les plans sociaux qui se sont succédé dans le groupe, je comprends qu'ils puissent avoir du mal à me croire aujourd'hui et que mon discours soit difficile à entendre pour eux. C'est l'un des défis majeurs que j'aurai à relever.

Contrairement aux plans précédents, notamment le dernier, le plan Shift est d'abord un plan industriel, qui repose sur des choix stratégiques clairs. L'entreprise a souffert d'un manque de clarté sur ses choix stratégiques et ses priorités d'investissement. Shift replace l'innovation au coeur de l'entreprise. Il vise aussi à restaurer la compétitivité de l'entreprise : en effet, sans une structure de coûts adaptée, nous serions condamnés soit à être hors marché, soit à manquer de moyens pour investir, ce qui obérerait l'avenir. Ce plan est un plan global, à la fois industriel, opérationnel et financier, visant à régler l'ensemble des problèmes que rencontre aujourd'hui l'entreprise. Je suis convaincu qu'il peut et qu'il va lui permettre de reprendre son destin en mains. Mon ambition est en tout cas qu'Alcatel-Lucent écrive seul la prochaine page de son histoire.

Je suis le premier convaincu de la nécessité d'écouter et d'entendre les salariés. À mon arrivée, j'ai durant deux mois organisé cette écoute. Beaucoup d'entre eux se sont exprimés. Nous avons analysé les milliers de propositions qui nous ont été remises et y avons répondu. En accord avec le président du conseil d'administration, Philippe Camus, j'ai fait circuler au sein du Board les propositions des organisations syndicales et le Board en a débattu. Certaines ont inspiré notre projet industriel. Vous le voyez, je ne suis pas autiste, je suis d'ailleurs quatre jours par semaine sur cinq hors de mon bureau, à la rencontre et à l'écoute de nos collaborateurs, en France à l'étranger. Mais, en tant que dirigeant de l'entreprise, il m'appartient de faire des choix.

Il n'est pas question de faire table rase de l'existant, simplement de tenir compte de l'évolution des besoins de nos clients. Ils s'orientent de la 2G3G vers la 4G, du fil de cuivre vers la fibre optique, d'un coeur de réseau voix vers un coeur de réseau IP. Il nous faut répondre à ces attentes. Cela ne signifie pas vider notre portefeuille des produits plus anciens. Mais nous devons piloter nos dépenses de R&D en fonction des dépenses prévisionnelles d'investissement de nos clients.

Depuis longtemps dans le secteur des télécoms, les centres de R&D ne sont plus nécessairement situés à proximité des centres de production. Les premiers, à très forte expertise, ont été maintenus en France et en Europe, tandis que les seconds ont été progressivement délocalisés dans des pays à plus bas coûts. C'est le seul moyen de faire face à la structure de coûts de nos concurrents, asiatiques notamment. Mais, je le redis, je suis très attaché à maintenir en France et en Europe nos capacités et nos compétences de R&D.

S'agissant du financement du groupe et de son éventuelle recapitalisation, lors de la présentation du plan Shift en juin, j'ai dit qu'au-delà des volets industriel et opérationnel, il fallait un volet financier car le groupe était étranglé. Lorsque je suis arrivé à la tête du groupe, une crise de liquidités était imminente puisqu'il n'était pas en mesure d'honorer les échéances de ses prêts. Grâce à la confiance que le plan a permis de rétablir, j'ai pu desserrer quelque peu cette contrainte en renégociant durant l'été deux milliards de dette. Mais le niveau de cette dette reste trop élevé en valeur absolue. Sur la durée du plan, soit 2013-2015, nous ferons donc appel à nos actionnaires pour recapitaliser l'entreprise et céderons quelques actifs.

Enfin, mon objectif est bien de donner la priorité à l'investissement. Restaurer la compétitivité de l'entreprise et réduire sa structure de coûts n'ont d'autre but que de lui redonner des marges de manoeuvre financières afin d'investir, dans la R&D essentiellement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion