Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 8 octobre 2013 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air :

En effet Mme la Présidente, c'est nécessaire. En tout état de cause, je serais heureux de recevoir des suggestions en ce sens.

J'en viens au remplacement des C160 et C130. Initialement, nous anticipions une livraison plus rapide des A400 M pour remplacer les C160. Comme la montée en puissance des A400 M ne se produira pas aussi rapidement que prévu mais également parce que nous l'avons choisi afin de privilégier d'autres capacités – nous allons garder 14 C160 jusqu'en 2023. Nous garderons également 14 C130 mais, comme le prévoit la LPM, ces C130 seront modernisés ; il s'agira notamment d'une modernisation tactique pour les opérations spéciales.

Sur l'Europe de la défense, nous avons beaucoup de projets sur lesquels nous allons continuer à travailler. Prenons le cas du MRTT. Deux groupes travaillent sur un projet européen à ce sujet : un groupe « acquisitions » et un groupe « soutien, formation, pôle commun ». Nous avons choisi de ne pas participer au groupe « acquisitions » car nous devons à tout prix passer la commande en 2014. Par ailleurs, quant à l'expression des besoins, nous avons des spécificités liées à la dissuasion que l'on peut difficilement partager. En revanche, je suis prêt à mettre le premier MRTT en « pool » avec nos partenaires dès qu'il sera livré. Nous allons travailler avec l'EATC dans ce domaine. En effet, même si l'on commandait 20 A330 de plus au niveau européen, cela ne changerait rien en termes de coûts car Airbus enregistre les commandes des compagnies civiles par centaines d'appareils. En revanche, sur l'emploi commun des matériels, un certain nombre d'actions intéressantes peuvent être envisagées. Il convient de donner des capacités à l'EATC dans ce domaine. Je suis persuadé que si nous commandons effectivement 12 MRTT en 2014, cela aura un effet d'entraînement sur nos partenaires. Nous sommes une des plus fortes armées en Europe et il nous incombe donc de jouer un rôle moteur dans la construction de l'Europe de la défense.

La mutualisation des pilotes de chasse est un projet qui avait bien avancé à une certaine époque. Comme je l'ai précédemment indiqué, si l'on traite ces sujets par le haut, on court le risque que chaque pays avance ses propres idées nationales. Ce projet, Advanced European Jet Pilot Training (AEJPT), comportait deux volets : Euro Training et Euro Trainer.

Euro Training constituait « le syllabus » commun de formation, ce qui faisait tout son intérêt. Euro Trainer concernait les moyens. Certains pays souhaitaient proposer leurs avions dans le projet, d'autres leurs bases aériennes. Les efforts se sont focalisés sur ces sujets accessoires au détriment de l'essentiel, ce qui in fine a fait capoter le projet. Il aurait mieux valu initier les actions par le bas.

Il existe toutefois un projet, porté par l'AED, qui pourrait voir le jour : il concerne la formation des pilotes de transport et, à mon sens, son avenir est plus assuré que le projet de formation commune des pilotes de chasse, pour lequel nous continuerons de travailler avec nos partenaires belges et tous ceux qui souhaiteraient nous rejoindre. Mais à l'heure actuelle, les différentes nations intéressées adoptent, pour ce qui concerne les pilotes de chasse, des positions trop divergentes.

Sur la partie transport, je rappelle que nous allons procéder à une mutualisation de la partie soutien avec les Britanniques, et de la partie formation avec les Allemands. Il y a quelques jours, à Orléans, nous avons signé un arrangement technique avec nos partenaires allemands : ils procéderont à toutes les qualifications de type tandis que nous aurons la charge des qualifications tactiques. Certains journalistes nous ont demandé pourquoi nous n'ouvrions pas cette initiative à d'autres pays. Mais en réalité, elle est ouverte ! Nous allons débuter ce projet à deux partenaires et si cela fonctionne, d'autres nous rejoindront naturellement. En tout état de cause, nous ne pouvions pas attendre de mettre tout le monde d'accord pour lancer une telle initiative. En conclusion, dans ce domaine, je suis persuadé qu'il faut débuter avec des « briques » bilatérales ou trilatérales, et ouvrir progressivement la coopération aux pays intéressés.

Les forces spéciales constituent un vaste sujet et je vous remercie pour votre question ! Deux équipages de l'armée de l'air volent en effet à Pau. Le Livre blanc nous enjoint de faire un effort sur les forces spéciales. Nous avons la chance d'avoir, dans le Sud-Ouest, tous les ingrédients pour que les armées qui concourent aux forces spéciales puissent travailler. On y trouve le régiment d'hélicoptères de combat avec ses Tigre et ses Caracal ; l'escadron Pyrénées qui mène des actions de combat search and rescue et qui pourrait être davantage mis à disposition des opérations spéciales car son savoir-faire – y compris dans le haut du spectre – est à mon sens sous-utilisé ; le CPA 10 et l'escadron Poitou basés à Orléans, le CPA 30 à Bordeaux, etc. Même les marins sont présents, au sein de l'escadron Pyrénées. Nous réfléchissons à l'évolution de l'organisation et l'emploi de nos trois commandos parachutistes de l'air afin de les impliquer davantage aux opérations spéciales. Actuellement, l'escadron Poitou et le CPA 10 sont directement placés sous l'autorité des opérations spéciales. La marine a conservé son commandement propre, ALFUSCO, qui fournit les moyens requis par les opérations spéciales sur demande de celles-ci. Cette méthode me paraît intéressante. Je l'ai d'ailleurs évoquée avec le nouveau commandant du COS, le général de Saint-Quentin. Le but n'est en effet pas de créer une quatrième armée avec les opérations spéciales. Ce qui importe, ce n'est pas le fait d'exercer le commandement direct mais d'avoir une possibilité de « tirage » plus fort sur certaines capacités. Je vais donner à l'escadron de Rafale Normandie-Niemen de Mont-de-Marsan le rôle de « référent opérations spéciales » afin de pouvoir travailler avec les hélicoptères de combat et le 13e RDP de Souges. Ils s'habitueront ainsi à travailler ensemble et pourront porter leur expérience aux autres escadrons de chasse, notamment les escadrons Rafale. Je précise par ailleurs qu'ils sont colocalisés avec le Centre d'expériences aériennes militaires. En résumé, on trouve dans le Sud-Ouest tous les outils pour augmenter considérablement la capacité de travail interarmées qui fait la force des opérations spéciales.

C'est dans ce cadre que s'inscrit le rapprochement des Caracal. L'armée de terre souhaiterait les baser à Pau. Personnellement, je préférerais les implanter à Cazaux, qui abrite déjà un escadron interarmées multi-missions. En outre, Eurocopter y est présent et mène des actions de maintenance de niveau soutien industriel. Or même si nos Caracal se retrouvent à Pau, ils devront revenir à Cazaux pour ce type de maintenance. Même si nous avons des points de vue divergents, nous abordons le sujet de façon dépassionnée avec mon homologue de l'armée de terre. La question sera tranchée, mais on peut évoquer au crédit de Cazaux la proximité d'un champ de tir qui permet de décoller et de tirer immédiatement, ou encore une base aérienne avec d'excellentes infrastructures pour les hélicoptères. Toutefois le vrai sujet n'est pas la localisation, mais la manière dont on fait travailler toutes ces unités ensemble. Nous avons des commandants remarquables à la tête de toutes les unités concernées.

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