Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 8 octobre 2013 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air :

Monsieur Villaumé, la base de Luxeuil restera ouverte. Le Livre blanc a prévu de réduire de dix à huit le nombre de systèmes SAMP, et il y a une vraie logique opérationnelle à privilégier les sites nucléaires, d'où la fermeture de l'escadron de défense sol-air de Luxeuil. Luxeuil continuera néanmoins à accueillir à la fois une base aérienne et la base de défense de Luxeuil-Épinal. Nous réfléchissons actuellement aux moyens de densifier cette implantation, pour optimiser l'usage de ses infrastructures dans un cadre interarmées. En tout état de cause, les moyens mis en oeuvre pour étendre de 7 000 à 9 000 heures la durée d'activité de nos Mirage 2000-5 constituent un gage de pérennité pour la composante aérienne de cette base, qui constitue en outre une base de déroutement.

Monsieur le Déaut, comme vous le soulignez, la chaîne de pilotage du drone et celle de pilotage des capteurs sont en effet imbriquées dans le Reaper Block 1, mais ces appareils pourront être « rétrofités » à partir de 2017 dans une configuration identique à celle du Reaper Block 5, ce qui permettra la francisation – ou, plutôt, l'européanisation – de ces capteurs. Nous y réfléchissons en effet en lien avec l'Italie, ainsi qu'avec le Royaume-Uni et nous pourrons y associer d'autres pays qui se doteraient du même type de drones. C'est un programme de travail qui comporte trois volets : d'abord, l'autonomie d'emploi des matériels, dans la lignée des enseignements de nos opérations au Sahel. Ensuite, l'intégration dans l'espace aérien européen, selon une démarche dont l'efficacité suppose, à mon sens, d'avancer de manière pragmatique et bilatérale, en débutant par exemple avec nos partenaires italiens. J'ajoute que le fait que nous ayons pu faire voler nos Harfang au-dessus des Champs-Élysées le 14 juillet 2012 démontre que nos capacités en matière d'intégration de drones dépassent à certains égards celles de tous nos partenaires. Enfin, nous pourrons travailler dans le futur à l'intégration de capteurs européens.

L'important pour notre autonomie, dans l'immédiat, était de pouvoir choisir librement le satellite que nous utiliserons pour nos deux premiers Reaper. Ce point essentiel est acquis. Certes, le personnel de maintenance de ces appareils est pour l'instant fourni par les États-Unis, mais il n'aura pas accès aux cabines d'opérateurs sans notre autorisation.

Si elle était décidée, la mise en place d'une véritable chaîne de drone MALE en Europe se projetterait à l'horizon 2023–2025. La constitution d'une telle chaîne, dans son ensemble, représenterait, de mon point de vue, un enjeu important, car elle permettrait de répondre à un besoin sur des marchés extra-européens – pour des pays qui ont de longues frontières à surveiller – sur lesquels, en même temps que nous vendrions des appareils européens, nous ferions partager les standards et les normes européens que nous aurions définis. C'est autant du point de vue des normes que du point de vue des vecteurs qu'il y a une véritable concurrence entre l'espace aérien américain et l'espace aérien européen. Personne ne sous-estime cet enjeu, et pourtant, les projets peinent à être mis en oeuvre concrètement : les investissements ne suivent pas la prise de conscience. In fine, il faut savoir si oui ou non, on veut « vendre » des standards européens.

L'achat de drones Reaper ne nous empêche pas de poursuivre ce projet : il nous permet simplement de répondre à un besoin capacitaire immédiat. En effet, nos drones Harfang ne pourront pas raisonnablement être exploités après 2017 : le Reaper constitue ainsi une capacité indispensable dans l'attente d'un hypothétique drone européen.

Monsieur Vitel, la construction d'un nouvel avion de combat constitue un véritable enjeu, mais on ne peut pas dire que celui-ci soit totalement négligé. En effet, on finance d'ores et déjà des études sur un drone européen de combat, qui fera partie du système de combat du futur. À cet égard, je crois qu'il ne faut pas opposer avion de combat et drone de combat : les systèmes de combat du futur seront en réalité des architectures mettant en lien des capteurs – qu'il s'agisse de satellites, de drones, d'appareils embarqués sur des aéronefs ou des navires, etc. – et des vecteurs de toute nature – qu'il s'agisse d'avions, de drones ou de navires – qui attaqueront la menace. L'important est de réfléchir aujourd'hui, à l'échelon européen, à nos systèmes de combat du futur au sein d'une architecture globale où il faudra définir notamment la place de l'homme. Quant au Rafale, s'il fallait le qualifier comme relevant de telle ou telle « génération » d'avions – avec tout ce que cela a d'artificiel –, je dirais volontiers qu'il est par bien des aspects un avion de cinquième génération plutôt que de quatrième génération. On pourrait m'objecter qu'il n'est pas assez furtif, mais je ne crois guère à la pertinence de la furtivité.

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