Intervention de général Denis Mercier

Réunion du 8 octobre 2013 à 17h15
Commission de la défense nationale et des forces armées

général Denis Mercier, chef d'état-major de l'armée de l'air :

C'est toujours avec fierté et plaisir que je m'exprime devant la commission de la Défense de l'Assemblée nationale. Après une année passée à la tête de l'armée de l'air, j'ai pu mesurer avec beaucoup de satisfaction combien les hommes et les femmes de l'air savaient être au rendez-vous lorsque notre pays fait appel à eux quand les circonstances l'exigent. Ce fut le cas en début d'année au Mali, où la totalité nos capacités ont été mobilisées avec une extrême réactivité et une grande efficacité. C'est le cas aussi et il ne faut pas l'oublier, au quotidien lorsque nous assurons nos missions de dissuasion et de protection sur le territoire national. Partout où ils sont engagés, les aviateurs forcent mon admiration par leur motivation et leur niveau opérationnel fondé sur une formation et un entraînement de haut niveau mais aussi et surtout sur leur aptitude à toujours innover, à travailler ensemble et avec leurs partenaires des autres armées ou d'armées de l'air alliées et à s'adapter à toutes les situations. Ils sont la première capacité de l'armée de l'air et ce sont eux qui nous ont permis les nombreux succès que nous avons connus dans l'exécution de nos missions permanentes ou d'intervention.

Dans le cadre des travaux de rédaction du dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale auxquels j'ai eu l'honneur de contribuer, j'ai toujours défendu l'idée que, au-delà des formats, le maintien de la cohérence entre les capacités est essentiel. Les choix que nous avons proposés et qui ont été repris dans le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019 permettent à l'armée de l'air de maintenir cette cohérence.

Même si d'importants efforts nous sont demandés, la poursuite de la modernisation de nos équipements et la priorité donnée à l'activité opérationnelle sont les leviers qui préservent cette cohérence. Ces efforts s'accompagneront aussi d'une diminution des effectifs que le contexte budgétaire rend nécessaire pour atteindre les objectifs fixés dans la LPM. Ces trois points sont pour moi essentiels : ils concernent directement les aviateurs à travers leur aptitude à assurer leurs missions, la garantie de leurs conditions de vie et de travail et la valorisation de leurs compétences. C'est ce projet de loi de programmation et sa première déclinaison, avec le projet de loi de finances (PLF) 2014, que je souhaiterais aborder avec vous avant de répondre à vos questions.

Depuis le début des années 60, l'armée de l'air s'est structurée autour de deux missions permanentes : la protection de notre espace aérien national et la mission de dissuasion, avec la mise en oeuvre de la composante aéroportée. Deux missions dont l'importance est confirmée dans le dernier Livre blanc.

Ces deux missions exécutées 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, nécessitent un système de détection performant, la mise en réseau de nos bases aériennes avec des centres de commandement et de conduite armés en permanence, une capacité d'appréciation juste et précise des situations, des équipements, des systèmes d'armes et un personnel très entraîné en raison de la complexité et de la grande réactivité des missions qui leur sont confiées.

La mission de sûreté aérienne est une mission permanente qui garantit la souveraineté de notre espace aérien national. Grâce à la couverture radar de cet espace aérien et la mise en oeuvre de capacités d'intervention immédiates nous sommes en mesure de faire face à l'ensemble des situations qui peuvent se présenter comme l'interception d'un aéronef hostile ou l'assistance à des appareils en difficulté. La LPM 2008-2013 a décalé de plusieurs années la rénovation de nos radars. La 4e étape du programme SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations) a été scindée en deux phases dans la précédente LPM, avec un décalage de trois ans a minima de la livraison de nouveaux radars de surveillance et de défense aérienne. Nous ne pouvons plus décaler les livraisons de ces radars car les obsolescences profondes du parc actuel, à la disponibilité de plus en plus précaire, et aux coûts de maintenance élevés, fragilisent la protection du territoire national.

Le projet de LPM 2014-2019 a pris en compte ce besoin avec l'inscription de la poursuite du programme SCCOA qui amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN en 2015 et débutera le renouvellement indispensable des radars de défense aérienne. Dans ce cadre, le PLF 2014 prévoit la livraison de trois radars haute et moyenne altitude ainsi que la poursuite du processus de qualification de nos centres de détection et de contrôle.

Deuxième de nos missions permanentes : la mise en oeuvre de la composante aéroportée de la dissuasion. C'est une mission dont nous célébrerons le cinquantième anniversaire l'année prochaine. Depuis 1964 l'armée de l'air contribue à la préservation de nos intérêts vitaux. C'est une composante, dont le coût actuel ne représente que 7 % du budget global alloué à la dissuasion et qui a été réduite d'un tiers lors de la précédente LPM, puisque nous sommes passés de trois à deux escadrons de chasse, suivant le respect du principe de stricte suffisance. La modernisation de cette composante a été inscrite dans la prochaine LPM et se traduira notamment dès l'année prochaine par le lancement de l'acquisition de la flotte d'avions ravitailleurs de type MRTT. En outre, l'année 2014 verra la poursuite des travaux liés à la rénovation à mi-vie de l'ASMP-A et les premiers travaux pour la définition de son successeur. Le PLF 2014 prévoit des mesures de modernisation des transmissions nucléaires ainsi que les livraisons de Rafale biplace destinés à remplacer nos Mirage 2000N. Ces derniers équiperont notre second escadron nucléaire qui sera transformé sur Rafale, au cours de la LPM à venir. Je souligne que les avions des forces aériennes stratégiques (FAS) ne sont pas dédiés exclusivement à la mission nucléaire. Ils sont aussi capables d'agir sur tout le spectre des missions conventionnelles. Ce fut le cas lors des opérations en Libye et au Mali où des avions et des équipages des FAS ont été engagés avec succès. La préparation et l'exécution des raids lointains de Rafale armés de missiles de croisière SCALP présentent de nombreuses similitudes avec les missions exécutées dans le cadre de la dissuasion.

Je tiens à le préciser car nos deux missions structurantes de défense aérienne et de dissuasion nous ont permis de construire, autour d'une permanence forte centrée sur la réactivité, nos capacités de planification et de conduite des opérations aériennes, notre aptitude à recueillir et à fusionner tous les types de renseignement, à travailler en réseau, à basculer instantanément du temps de paix au temps de crise et à conduire des missions longues et complexes depuis le territoire national. Agrégées, ces capacités nous permettent d'être capables d'intervenir en toute autonomie dans une vraie cohérence d'ensemble. Si une de ces capacités venait à manquer, c'est l'efficacité globale du dispositif qui serait menacée.

Aujourd'hui, l'armée de l'air dispose d'une véritable capacité d'intervention dans un large spectre de crises. Parce que nous disposons d'avions ravitailleurs nous sommes en mesure d'agir, à partir de nos bases aériennes, avec une très forte réactivité pour atteindre n'importe quel point dans la zone géographique d'intérêt définie par le Livre blanc. C'est ce que nous avons pu démontrer en Libye en 2011 et au Mali cette année. Capable de monter en puissance de façon très discrète au sein de nos bases aériennes, ou au contraire de façon visible, l'armée de l'air a démontré qu'elle pouvait offrir au décideur politique une large variété de modes opératoires, réversibles et dont la force peut être adaptée au contexte particulier de chaque crise.

La LPM 2014-2019 nous garantit le maintien de cette cohérence parce que, justement, elle préserve ces capacités socles en les modernisant, sans en privilégier une par rapport à une autre. Une modernisation qui se fera à un rythme moins rapide que nous l'avions souhaité initialement, une modernisation qui se fera sur des formats plus réduits, mais une modernisation qui privilégiera la cohérence de notre capacité opérationnelle globale. Le PLF 2014, avec les livraisons et commandes prévues, s'inscrit dans la poursuite de notre modernisation. Mais il est indispensable pour cela qu'il s'appuie sur une loi de programmation qui garantit la cohérence pour l'avenir et permet un meilleur contrôle des engagements.

L'opération Serval au Mali a démontré le potentiel et le niveau d'expertise acquis par l'armée de l'air qui, pour la première fois depuis très longtemps, a mené une opération multinationale en assumant, sous l'autorité du chef d'état-major des armées, le commandement de la composante aérienne. Nous avons pu planifier et conduire des opérations aériennes complexes à partir de la métropole, comme le 13 janvier lorsque nous avons conduit le raid aérien le plus long de l'histoire de l'armée de l'air et comme le 27 janvier avec l'opération aéroportée sur Tombouctou. Cette capacité de commandement et de contrôle sera modernisée dans la LPM avec la poursuite, que j'évoquais précédemment, de l'évolution de nos centres d'opérations et de nos centres de contrôle vers le système ACCS (Air Command and Control System) de l'OTAN, un système otanien mis en oeuvre par les Européens et développé avec l'industrie européenne. L'interopérabilité avec nos partenaires de l'Alliance atlantique et européens constitue un axe majeur de la modernisation de ces moyens. La poursuite de la rénovation de nos centres de contrôle locaux et de nos avions AWACS contribuera à améliorer encore cette capacité de commandement et de contrôle. Le premier avion AWACS rénové sera livré l'année prochaine.

Ces avions AWACS participent également à notre capacité à recueillir du renseignement. Au coeur de la fonction connaissance anticipation, l'armée de l'air possède une aptitude naturelle à recueillir du renseignement parce qu'elle agit dans tout le spectre de la troisième dimension. Sur la période 2014-2019 cette capacité bénéficiera de l'acquisition de nombreux équipements comme en atteste la commande prévue de quatre systèmes de drones MALE (moyenne altitude longue endurance) représentant 12 vecteurs. Afin de répondre au besoin opérationnel immédiat, deux drones Reaper ont été commandés pour être déployés en opérations et compléter l'action de nos Harfang très sollicités sur le théâtre malien puisqu'ils viennent récemment de franchir la barre des deux mille heures de vol depuis leur engagement le 17 janvier dernier.

Des avions légers de surveillance et de renseignement, dont l'emploi répond au besoin mutualisé des services de renseignement, permettront de compléter le dispositif d'évaluation et de suivi des crises. L'acquisition d'une première capacité est inscrite dans le PLF 2014. Les capacités de renseignement d'origine électromagnétique du Transall Gabriel, appareil indispensable présent sur tous les théâtres d'opérations, seront remplacées, à l'horizon de l'arrêt de la flotte Transall, avec l'entrée en service de la charge universelle de guerre électronique (CUGE), qui sera mise en oeuvre sur un vecteur à déterminer. Enfin, le domaine spatial bénéficiera de la consolidation de moyens existants de surveillance de l'espace extra-atmosphérique ainsi que de la mise sur orbite durant la LPM de deux nouveaux satellites d'observation MUSIS et du développement du programme CERES, prévu pour une mise en service au plus tard en 2020.

Comme vous pouvez le constater, la LPM nous permet d'accroître notre capacité à recueillir du renseignement. C'est pourquoi nous travaillons actuellement sur l'organisation destinée à tirer le meilleur parti de tous ces capteurs afin d'être capables de traiter la considérable quantité d'informations qu'ils permettront d'obtenir, en temps différé ou en temps réel selon la situation.

Nos capacités d'intervention vont se moderniser avec la poursuite de la montée en puissance de la flotte Rafale dont la livraison s'effectuera à un rythme différent de celui qui était prévu : 19 Rafale rejoindront l'armée de l'air sur la période de la LPM. L'année prochaine ce sont neuf avions issus de la quatrième tranche qui nous seront livrés, avec des évolutions majeures puisqu'ils seront notamment équipés du nouveau radar à antenne active, une première pour un appareil de combat en Europe, ainsi que d'une nouvelle version du système SPECTRA de guerre électronique. Parallèlement à ces livraisons, les capacités des Rafale en service vont évoluer puisque la LPM prévoit l'intégration sur cet appareil du missile air-air longue portée METEOR et du pod de désignation de dernière génération.

Le ralentissement des livraisons de Rafale sera compensé par la rénovation des Mirage 2000D et l'utilisation prolongée de flottes plus anciennes comme celle des Mirage 2000-5, ce qui nous permettra de préserver la cohérence de notre aviation de chasse en suivant le principe de différenciation des forces défini par le livre blanc. La répartition Rafale-Mirage 2000 évoluera dans le temps en fonction des besoins de remplacement de la flotte Mirage 2000 après 2020 et nous travaillons à un schéma directeur de l'aviation de combat qui éclairera l'avenir afin d'y intégrer les réflexions sur les futures évolutions du Rafale et l'arrivée des futurs systèmes de combat aériens.

Je rappelle que le format de notre aviation de chasse aura été diminué deux fois d'un tiers en deux lois de programmation. La première diminution en 2008 a été compensée par la polyvalence du Rafale. Celle à venir le sera grâce aux efforts portés sur le MCO et à la différenciation de l'entraînement possible avec la mise en place du projet « Cognac 2016 ». Cette dernière évolution est la dernière marche pour que notre aviation de chasse reste encore une capacité de combat majeure capable d'être engagée sur tous les théâtres d'opérations extérieures et sur le territoire national.

La cohérence passe nécessairement par la détention de capacités de projection qui sont essentielles à l'ensemble de nos missions.

Les avions ravitailleurs sont la clé de voûte de toutes nos opérations aériennes. Sans eux, nous ne pouvons disposer de la réactivité, de l'allonge et de l'endurance nécessaire pour assurer nos missions de dissuasion et d'intervention. Sans eux, l'emploi de notre aviation de chasse serait peu ou prou limité au territoire national. Sans eux il n'y aurait pas de composante aéroportée de la dissuasion. Le raid du 13 janvier vers le Mali a nécessité cinq ravitaillements en vol impliquant trois C135. L'âge avancé de ces 14 appareils, bientôt cinquante ans, fait peser un risque de rupture capacitaire constant et leur utilisation impose de nombreuses heures de maintenance. Leur remplacement constitue pour moi une priorité essentielle. Je suis heureux de voir que la commande de 12 avions de type MRTT (Multi Role Tanker Transport), dont deux seront livrés sur la période de la LPM, est prévue dans le PLF 2014. Il s'agit d'une avancée importante, mais qui nous impose une vigilance accrue sur nos C135 que nous allons conserver de nombreuses années encore en raison du calendrier de livraison. Si nous devions connaître une embellie budgétaire dans les années à venir, je recommande que la priorité soit donnée à l'accélération des livraisons des MRTT, projet par ailleurs porteur de belles coopérations européennes. Par leur polyvalence et leurs performances ces avions vont nous offrir de nombreuses et nouvelles perspectives d'emploi. Ils remplaceront nos C135 et ces avions nous sont indispensables pour le transport de troupes sur de très longues distances.

Dans le domaine du transport tactique nous disposerons en fin de LPM de 15 A400M. L'opération Serval a démontré combien cette composante était indispensable à la manoeuvre aéroterrestre pour se poser au coeur des zones de combat sur des terrains sommaires. L'A400M va donner une nouvelle dimension à notre aviation de transport et la faire entrer dans une nouvelle ère. L'arrivée officielle du premier appareil, baptisé « ville d'Orléans » a été marquée par une cérémonie la semaine dernière en présence monsieur le ministre de la Défense. Un deuxième avion devrait bientôt rejoindre la base aérienne orléanaise ainsi que quatre autres en 2014, comme le prévoit le PLF.

Le décalage du calendrier de livraisons de ces appareils nous oblige à maintenir en service 14 C160 afin de préserver les compétences tactiques de nos équipages et notre capacité opérationnelle. C'est le même principe qui a prévalu pour l'aviation de chasse : maintenir des flottes plus anciennes pour pallier l'étalement des livraisons et préserver la cohérence d'ensemble. C'est une nécessité mais aussi un défi. Je suis également très satisfait de la rénovation des 14 C130, utilisés notamment par les forces spéciales, indispensables pour l'exécution de leurs missions dans l'avenir.

Enfin la modernisation de nos équipements prévue dans la LPM prend également en compte nos capacités d'entraînement qui sont essentielles pour que nous disposions d'équipages prêts à intervenir sans délais. Pour cela la refonte de l'entraînement et de la formation des pilotes de chasse dans le cadre du projet « Cognac 2016 » est fondamentale. Ce projet s'appuie sur l'acquisition d'avions d'entraînement turbopropulsés de dernière génération. Ils nous permettront de mieux former nos jeunes pilotes et de mettre en oeuvre le principe d'un entraînement différencié qui garantira notre aptitude à soutenir les opérations dans la durée dans un format réduit. C'est une approche innovante, dont je constate qu'elle intéresse de nombreuses armées de l'air, qui permet de nous adapter de façon réaliste au contexte budgétaire tout en modernisant nos capacités de formation. Ce projet permettra en outre de diminuer significativement les coûts de fonctionnement de notre flotte école. C'est pourquoi je lui accorde tant d'importance en visant un lancement au plus tôt, pour être au rendez-vous de la livraison des appareils en 2017.

La modernisation de nos équipements constitue donc ma priorité pour préserver la cohérence de l'armée de l'air. Elle est indissociable du maintien d'une activité aérienne suffisante qui représente aussi une priorité. Une priorité essentielle parce que toutes les opérations récentes ont démontré que, pour réaliser les missions les plus difficiles, notamment l'entrée en premier sur un théâtre d'opérations, qui se joue toujours en quelques heures après la décision du Président de la République, il est indispensable de disposer d'équipages entraînés au meilleur niveau.

Notre capacité opérationnelle repose sur le maintien en conditions de nos matériels aéronautiques qui nécessite un pilotage au plus près des forces et de leur activité réelle et une dotation suffisante en entretien programmé du matériel (EPM).

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique est le coeur du domaine d'expertise de la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle de la défense (SIMMAD) et de l'armée de l'air. Nous avons réorganisé nos structures et mobilisé tous les acteurs du MCO, les forces bien sûr mais aussi l'industrie étatique et privée. La SIMMAD, aux côtés des unités de soutien aéronautique et en lien avec les industriels et la direction générale de l'armement (DGA), a ainsi fait évoluer les marchés d'une logique de disponibilité vers une logique d'activité, en préservant la flexibilité exigée par les engagements opérationnels et avec un souci constant de maîtrise et de réduction des coûts. Le plus important est de disposer du nombre suffisant d'aéronefs disponibles lorsque nous en avons vraiment besoin. La mise en place de plateaux techniques dans la dynamique du pôle de MCO aéronautique bordelais, a très rapidement porté ses fruits. L'identification des difficultés technico-logistiques et la définition en commun de solutions appropriées ont permis d'aboutir à des résultats significatifs. À Saint-Dizier par exemple, la qualité de l'activité des Rafale a été considérablement augmentée alors que la disponibilité en OPEX reste exceptionnelle. Ces résultats démontrent la pertinence et la cohérence des choix qui ont été faits dans le domaine de la gouvernance du MCO, tant au niveau de la SIMMAD qu'à celui du soutien opérationnel sur les bases aériennes. Ces succès nous encouragent à poursuivre dans cette voie mais il ne s'agit que d'une première étape, de nombreux efforts restent à faire.

Le MCO aéronautique nécessite également de disposer d'une dotation suffisante en entretien programmé du matériel, l'EPM. Cela n'a pas été le cas lors de la précédente LPM puisque la sous affectation de crédits budgétaires pour l'EPM a conduit à un déficit, sur la période 2009-2014, de plus d'un milliard d'euros de crédits d'activité par rapport au besoin. En 2013, l'armée de l'air a dû limiter l'activité des équipages et prendre des mesures affectant le niveau de formation et d'entraînement.

Les perspectives 2014-2015 conduisent à maintenir le niveau d'activité de 2013, grâce à l'effort financier important consenti sur l'EPM par la LPM, mais cette activité restera insuffisante (environ -20 % par rapport aux normes d'entraînement). Elle ne pourrait être maintenue à ce niveau dans le temps sans dégradation considérable du niveau opérationnel. C'est pour moi une préoccupation majeure car le maintien de certaines compétences est dès à présent fragilisé. Notre objectif est de remonter l'activité aérienne au niveau requis après 2016, en s'appuyant sur le développement du nouveau modèle, sur la mise en place de l'entraînement différencié et sur un plan d'optimisation du MCO élaboré par la SIMMAD en associant bien sûr la DGA.

Enfin, la dernière priorité, la plus importante, que je souhaiterais aborder devant vous, concerne les hommes et les femmes de l'armée de l'air. Au cours de la dernière LPM, ils ont su faire face avec beaucoup d'abnégation aux différentes réformes qui les ont directement touchés. Je rappelle que suite aux réformes annoncées en 2008 nous avons dû procéder à la fermeture de 12 bases aériennes et à la dissolution d'une quinzaine d'unités majeures, ainsi qu'à la diminution de nos effectifs de 15 900 personnes sur la période de la LPM précédente, ce qui correspond à une baisse du quart de nos effectifs.

De nouveaux efforts importants seront demandés aux aviateurs. Les cibles en effectifs définies dans le projet de LPM prévoient une réduction de 34 000 postes au sein du ministère sur la période 2014-2020. Pour 2014, la cible de déflation de nos effectifs est de 2 400 personnes sur les 7 881 du ministère de la Défense, soit 30 % du total.

Pour l'armée de l'air, qui vient de mener une réforme importante depuis 2008, il n'y a quasiment plus de réduction d'effectifs possibles par des réorganisations fonctionnelles. Nous les avons faites lors de la précédente LPM. Réduire les effectifs nécessite donc la mise en place d'un nouveau plan de restructurations. Les mesures à venir en 2014 ont été annoncées la semaine dernière par le ministre de la Défense et concernent de nombreuses de nos implantations. Parmi ces mesures je souligne à titre d'exemple la fin de l'activité aérienne à Dijon et le transfert à Cazaux de l'escadron d'entraînement 22 « Côte d'Or », la dissolution de l'escadron de défense solair de Luxeuil, la fermeture du détachement air de Varennes sur Allier, la transformation des bases de Saintes et de Châteaudun en éléments air. Pour parler franchement, ce plan me paraît indispensable car certains rapprochements nous permettront de mieux fonctionner avec une armée de l'air resserrée mais dont la réussite opérationnelle est conditionnée par son aptitude à engager toutes ses capacités dans une manoeuvre d'ensemble.

Ces restructurations ne peuvent être conduites isolément. Elles prennent en considération les bases de défense, dont j'aime souligner qu'elles participent aux missions opérationnelles de l'armée de l'air qui opère au quotidien à partir de ses implantations, que ce soit pour les missions permanentes ou pour les missions d'intervention. Elles intègrent aussi les services et directions interarmées dans lesquels travaillent 22 % des aviateurs.

Nous conduisons une vaste réflexion sur le modèle futur de ressources humaines de l'armée de l'air intégrant notamment le recrutement, l'avancement dans le contexte de limites d'âge allongées, la mobilité, etc. C'est un chantier important qui prend en compte les aspirations de notre personnel et vise avant tout à le valoriser car comme je le soulignais au début de cette intervention, il constitue notre première capacité opérationnelle. Ce travail s'accompagne d'une réflexion sur l'identité de l'aviateur dans le contexte interarmées que nous connaissons.

Pour conclure je souhaiterais vous indiquer que les aviateurs sont conscients de l'effort que la Nation réalise à travers cette loi de programmation pour préserver leur capacité à exécuter leurs missions. Ils sont aussi conscients des efforts qui leur seront demandés pour que les objectifs de cette loi de programmation soient atteints.

Avec eux j'ai souhaité mettre en place un projet « Unis pour Faire Face » afin de ne pas subir notre destin, mais de le prendre en main. C'est un projet qui s'inscrit dans les priorités du Livre blanc et de la loi de programmation que nous venons d'évoquer : modernisation de nos capacités, activité aérienne, simplification de nos structures, ouverture vers l'extérieur, valorisation des aviateurs, sont autant d'axes d'effort portés par ce projet. Ce dernier donne à l'armée de l'air une direction cohérente avec les moyens qui nous sont alloués. Cette modernisation est lancée, elle nous permettra de nous ouvrir toujours plus vers l'extérieur car les projets qu'elle porte sont des viviers de coopération formidables, notamment au niveau européen.

L'A400M, porté par sept pays européens, va donner une dynamique encore plus forte au commandement du transport aérien européen (EATC) qui est engagé sur une voie d'ouverture et de standardisation des normes européennes. S'agissant des ravitailleurs MRTT, nous travaillons à la mutualisation de leur emploi avec six autres nations européennes dans des domaines ciblés comme la formation et la maintenance. L'acquisition de drones Reaper ouvre la voie à la création d'un groupe d'utilisateurs européens, l'évolution du SCCOA vers le système ACCS va renforcer les coopérations, la mise en oeuvre de normes européennes communes est un chantier prometteur. Ces quelques exemples montrent que la future LPM ouvre de nombreuses opportunités dans le domaine aéronautique que nous devons absolument saisir pour avancer de façon réaliste et pragmatique vers une défense plus européenne, sans abandonner notre autonomie d'action et de décision.

Vous le constatez notre projet est résolument tourné vers l'avenir. Un avenir qui nous est ouvert par les perspectives de la loi de programmation. La vertu d'une loi de programmation est de fixer les engagements pour les années à venir. C'est pourquoi nous en avons tant besoin, notre modèle nécessitant ces engagements sur l'avenir qui sont ensuite déclinés par les PLF. En revanche, c'est de sa réalisation, plus tendue que les précédentes, mais je l'espère plus vertueuse, que dépendront notre cohérence et notre capacité à assurer nos missions. L'exercice est difficile mais je peux vous assurer que notre pays pourra compter sur les capacités d'adaptation et d'innovation des aviateurs pour parvenir aux objectifs fixés.

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