Intervention de André Chassaigne

Réunion du 9 octobre 2012 à 17h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Je prends la parole au nom du groupe GDR. Je m'exprimerai, moi aussi, avec le coeur, en évitant de faire comme l'histoire n'avait pas été, pour reprendre les propos qui viennent d'être tenus.

Les ouvriers et les artisans de la coutellerie thiernoise, qui n'ont pas la chance, au contraire d'autres, de pouvoir utiliser certains réseaux de communication, se sentent souvent bafoués. Permettez-moi de faire un peu d'histoire. La coutellerie française, qui s'est principalement implantée autour de Thiers, s'est développée à partir de couteaux de région. Ces derniers ont été créés par des forgerons, comme c'était le cas à Laguiole, ou par des couteliers thiernois. Ils étaient destinés à être vendus sur les foires. Thiers a porté la fabrication et le développement de ces couteaux, y compris le couteau laguiole. Permettez-moi de rappeler que le premier dépôt de marque d'un couteau laguiole a été fait au tribunal de commerce de Thiers, par la coutellerie Roddier-Fauchery, le 27 août 1868. Cela ne signifie pas qu'il n'y avait pas de coutellerie à Laguiole, mais simplement que la fabrication des couteaux avait massivement lieu à Thiers. Thiers continue d'ailleurs, et c'est heureux, à utiliser des noms de couteaux régionaux, qui ne sont fabriqués que là : le Saint-Amand, le Montpellier, le Roquefort, l'Aurillac, le Sauveterre, l'Issoire, l'Yssingeaux, le Rumilly, le Châtellerault, le Saint-Guilhem.… C'est ainsi que la coutellerie thiernoise est devenue la coutellerie phare de notre pays.

Thiers n'a pas seulement permis le développement industriel et technologique du laguiole : il l'a sauvé. Entre 1950 et 1987, il ne se fabriquait plus de couteaux à Laguiole, exceptions faites de quelques assemblages par des commerçants. Durant ces trente-sept années, les couteliers thiernois ont continué à en produire, sauvant ainsi la marque Laguiole. Ils ne peuvent donc que s'émouvoir d'entendre dire, au fil de grandes opérations de communication et avec des trémolos dans la voix, qu'ils ne pourront plus utiliser ce nom dans leurs productions. Si IGP il y a, elle doit concerner l'ensemble du territoire historique de la production des laguioles, dont celui de Thiers. La production française doit être protégée – c'est ce que nous avons le plus grand mal à obtenir.

Certes, il existe actuellement 140 marques de catégorie 8 – couteaux, couverts, outils tranchants – comportant le nom de Laguiole. Ce n'est pas une raison pour humilier les centaines de couteliers de Thiers et le patrimoine de la coutellerie thiernoise en réservant l'usage du nom « laguiole » à une aire géographique restreinte à la commune de Laguiole. Si c'est vers quoi l'on s'achemine, vous perdrez d'autres procès : ceux qui ont participé au développement d'un produit ne s'en verront jamais priver.

La réalité est ce qu'elle est : plus de 80 % des laguioles français sont aujourd'hui fabriqués par les artisans thiernois ; une grande partie des couteaux vendus à Laguiole sont fabriqués à Thiers, et sans les fournitures venues de Thiers, il y aurait bien peu de couteaux fabriqués à Laguiole. C'est donc un message d'unité que je vous adresse : construisons ensemble, produisons français et protégeons une marque qui doit profiter à tous.

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