Intervention de Ibrahim Aboubacar

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIbrahim Aboubacar :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, chers collègues, en montant à cette tribune, je pense entre autres aux quarante-quatre jours du mouvement contre la vie chère qui ont secoué Mayotte en octobre 2011 et dont les conséquences sont encore présentes dans l'esprit des Mahorais : accentuation du ralentissement économique, aggravation des difficultés financières des collectivités locales, coups portés à l'attractivité de l'île et montée de l'insécurité.

Lors des négociations au cours de ce conflit, j'ai été frappé par quatre éléments : l'impuissance des pouvoirs publics à intervenir, l'opacité des mécanismes de formation des prix, la défiance de la société civile à l'égard des informations mises sur la table, et l'incapacité du département à agir lorsqu'il était sollicité dans ses compétences fiscales et douanières.

Monsieur le ministre, je suis heureux de voir que le projet de loi qui nous est soumis apporte des réponses à au moins trois de ces quatre préoccupations. En effet, il n'était pas possible, à législation constante, de remédier aux abus décriés. De même, personne ne pense que nous y parviendrons du jour au lendemain, mais le défi est relevé, et de quelle manière !

Je voudrais saluer la souplesse de la démarche proposée, qui permet de s'attaquer au coeur du problème de la meilleure manière possible, tout en prenant en compte des situations différentes d'une collectivité à l'autre. Je pense au prix exorbitant, chez nous, des matériaux de construction comme le sable et le gravier, alors qu'ils ne sont pas importés.

Le texte se donne les moyens d'obtenir la transparence dans les prix. Il ne s'agit pas d'une intrusion indiscrète dans la liberté du commerce ou le secret des affaires : cette transparence ramènera la sérénité dans les débats et les négociations à venir, et évitera que soient accusés, éventuellement à tort, les acteurs économiques. C'est ainsi que les chefs d'entreprises doivent comprendre ce texte.

Ce texte donne également aux pouvoirs publics les moyens d'agir, non pas contre les entreprises, mais en considérant, pour paraphraser un auteur célèbre, que toute personne détenant un pouvoir sans contre-pouvoir avec un sentiment d'impunité est portée à en abuser. Ceci est vrai pour une personne physique comme pour une personne morale, et c'est le cas chez nous.

Chacun sait combien la mobilisation des services déconcentrés de l'État et des organismes appelés à intervenir sera nécessaire pour la réussite de ce combat. Dans le département-région de Mayotte, ces services, quand ils existent, sont souvent limités dans leurs actions : il s'ensuit une insuffisance de données économiques générales et une quantification lacunaire des phénomènes abordés ici. L'INSEE, la DGCCRF et les douanes doivent être mis en capacité d'assurer pleinement leurs missions.

Les collectivités locales ont aussi leur rôle à jouer, et la coordination de leur action avec celle de l'État est parfois nécessaire pour parvenir à des résultats. Cependant, ceci requiert un dialogue entre l'État et ces collectivités dont les difficultés objectives limitent, pour certaines d'entre elles, leur capacité à intervenir. C'est aussi pour cela que je salue, en particulier, les dispositions de l'article 8 du présent projet de loi ; il faudra certainement aller plus loin sur ce point.

Il sera également nécessaire de mobiliser les acteurs de la société civile qui ont su faire prendre en compte, comme l'a expliqué mon collègue Alfred Marie-Jeanne, la gravité de la problématique de la vie chère. Nous devons les respecter et leur donner les moyens d'agir, et je voudrais leur rendre hommage. Bien qu'il ne m'ait pas autorisé à le dire à la tribune, je voudrais rendre un hommage particulier à mon collègue Boinali Said, qui a été dignement à la tête de ce mouvement à Mayotte, avec lucidité et responsabilité. Là-bas, nous l'appelons « député de la vie chère ».

Enfin, ce texte comporte dans une seconde partie des dispositions diverses tendant notamment à mettre en oeuvre la départementalisation de Mayotte et à préparer son accès au statut de région ultra-périphérique au 1er janvier 2014. C'est un défi formidable ! Nous souhaitons qu'à cette occasion, le Gouvernement précise le sens et le calendrier de cette action, selon les engagements pris par François Hollande à Mamoudzou le 31 mars dernier. Je ne doute pas de la détermination du Gouvernement sur ce sujet.

Monsieur le ministre, je dois évoquer un dernier point qui impactera les prix chez nous : il s'agit de la réforme fiscale et douanière prévue pour le 1er janvier 2014, sur laquelle les élus de Mayotte n'ont encore que peu d'informations.

Nous mesurons le chemin qui reste à parcourir. Monsieur le ministre, nous devrons préciser ensemble à nos concitoyens le mode d'emploi de tout ceci et les étapes à venir, pour rendre effective cette volonté de faire baisser dans nos collectivités les prix des produits de première nécessité. Nous sommes sur la bonne voie. Vous pouvez compter sur notre mobilisation pour cette cause. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

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