Intervention de Jean Jacques Vlody

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Jacques Vlody :

Monsieur le ministre, je tiens en premier lieu à vous féliciter ainsi que le Gouvernement pour la rapidité avec laquelle vous nous proposez ce projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer.

La situation économique et sociale de nos territoires a souvent provoqué des manifestations ou des révoltes, tant la situation y est tendue et difficile.

Je salue l'initiative du Gouvernement qui mesure l'urgence de nos réalités en soumettant à la représentation nationale, trois mois et demi après notre installation, le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer, avec la sagesse de ne pas attendre de nouvelles manifestations ou grèves.

Souvent, les députés déplorent – et j'en fais partie – les procédures accélérées qui nous laissent peu de temps pour étudier les textes. Mais dans ce cas précis, la nécessité de faire en sorte que le quotidien de nos concitoyens s'améliore nous oblige à agir rapidement.

Les Ultramarins, et les Réunionnais en particulier, ont assez souffert du manque de considération de leurs difficultés par les gouvernements précédents. Avec ce texte, le Gouvernement montre aujourd'hui que cette période est bel et bien révolue.

Mes chers collègues, ce projet de loi est indispensable et répond avec pertinence à la situation de nos territoires.

L'insularité, l'étroitesse des marchés, l'éloignement par rapport à l'hexagone, un manque d'investissement et de capitaux à disposition, tout cela concourt à ce que les marchés des régions ultrapériphériques génèrent des situations structurelles de quasi-monopoles ou d'oligopoles.

Dans un tel contexte, la supposée concurrence livrée à la seule loi des marchés est bien souvent faussée et des cas d'entente illicite ont déjà été sanctionnés par l'Autorité de la concurrence. Nous savons donc que les conditions d'une saine concurrence ne sont pas toujours réunies ou peuvent souvent être détournées. Il est par conséquent indispensable d'introduire une régulation spécifique des marchés sur nos territoires. C'est le sens de ce projet de loi.

En d'autres termes, et cela peut paraître paradoxal, si l'État doit intervenir sur les marchés ultramarins, ce n'est pas pour encadrer la concurrence, ce n'est pas pour la limiter, c'est bien pour qu'elle puisse tout simplement avoir lieu et jouer son rôle qui, nous l'espérons, permettra la baisse des prix de vente aux consommateurs.

Le Gouvernement a bien compris qu'il fallait sortir de ce cercle vicieux de la vie chère. Les pouvoirs publics ont donc le devoir d'une vigilance accrue. Il faut, pour ce faire, leur donner un arsenal législatif leur permettant d'agir plus efficacement.

La réalité des situations de nos territoires n'est plus tolérable, non seulement pour ceux qui y vivent et subissent la cherté de la vie comme une fatalité, mais aussi pour notre République qui ne doit plus accepter qu'une partie de ses citoyens soit prise en otage par des fournisseurs ou des distributeurs qui les étouffent par des prix exagérément élevés.

C'est la France tout entière, au nom de l'égalité entre les territoires, qui ne doit plus accepter que ces situations d'abus touchent une population, fût-elle ultramarine, qui souffre déjà de conditions économiques et sociales difficiles, encore aggravées par la crise, des territoires où les salaires moyens sont plus bas, les chômeurs plus nombreux mais où les prix sont plus chers. À La Réunion, les prix sont en moyenne 35 % plus élevés que dans l'hexagone, allant jusqu'à 200 % pour les pièces détachées automobiles.

Sachez aussi qu'au nom de la compétitivité supposée les conventions collectives ne sont pas toutes appliquées dans les outre-mer, en particulier dans le commerce, et le chantage à l'emploi y est récurrent dès que l'on aborde cette question.

Le projet qui nous est soumis traite en profondeur du problème de la vie chère pour apporter, je le crois, des changements sur le moyen et long terme. Il a été enrichi par des mesures de portée immédiate, agissant sur le court terme, en prévoyant des accords de modération sur les produits de première nécessité.

Certains articles peuvent cependant être améliorés ou complétés, notamment sur la transparence des prix et sur les critères de notification ou de contrôle des concentrations économiques.

Je soutiens, par ailleurs, les amendements de mes collègues qui visent à étendre la portée de ce texte aux secteurs bancaires et de la téléphonie dont on connaît les pratiques et les tarifs prohibitifs.

Ce projet de loi constitue une avancée certaine dans la lutte contre la vie chère. Mais il ne faudra pas s'arrêter en si bon chemin : il faudra l'inscrire dans un ensemble de mesures visant à répondre aux réalités des outre-mer, et en particulier, aux problématiques de la desserte aérienne et de la continuité numérique.

Dans le même esprit, j'appelle de mes voeux la mise en place d'une loi d'orientation agricole pour les outre-mer. Par ailleurs, avec l'ensemble des députés ultramarins, je serai bien évidemment extrêmement vigilant quant au maintien du dispositif de défiscalisation, fondamental pour le fonctionnement de nos économies insulaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

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