Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la vie chère constitue manifestement un frein majeur au développement économique des outremers. Il s'agit d'une réalité incontestable à laquelle ce gouvernement aura eu le grand mérite et le courage de s'attaquer rapidement avec ce projet de loi, prouvant ainsi que les outre-mer constituent une préoccupation de premier rang pour la nouvelle majorité. Et je veux à nouveau féliciter Victorin Lurel pour avoir porté avec ténacité ce texte qui ne fait pas l'unanimité.

Cependant, cette réponse urgente, adaptée pour s'attaquer à la problématique de la vie chère dans les DOM, ne l'est pas obligatoirement pour les collectivités d'outre-mer. En effet, la petite taille de Saint-Martin, Saint-Barthélemy ou de Saint-Pierre-et-Miquelon fait que la question ne se présente pas toujours selon les mêmes termes. Par exemple, la régulation de la concurrence, qui constitue bien un impératif dans les DOM, aura chez nous un impact beaucoup plus limité, car la majeure partie des acteurs économiques d'envergure se trouve souvent en situation de monopole naturel et inévitable. Aussi, une approche au cas par cas s'imposera.

Concernant Saint-Pierre-et-Miquelon, les sources de la vie chère sont bien identifiées. Tout d'abord, la desserte en fret dont dépend l'archipel pour la quasi-totalité de sa consommation demeure encore pénalisante pour l'économie locale, alors que l'État mobilise – et il faut s'en féliciter – de très importants moyens, notamment dans le cadre d'une délégation de service public pour le fret maritime, qui devra être renégociée.

Ensuite, notre faible population entraîne de faibles volumes d'importation, qui mettent en situation désavantageuse les importateurs lorsqu'il s'agit de négocier avec leurs fournisseurs.

Notre économie est également directement exposée aux fluctuations, plutôt défavorables ces dernières années, du taux de change entre l'euro et le dollar canadien.

Le régime douanier et le système de taxation en vigueur pèsent sur le coût de la vie et méritent une refonte en profondeur. Mais dans la mesure où ces compétences dépendent directement du Conseil territorial, l'État ne pourrait ici avoir qu'un rôle d'accompagnement si tel était, bien entendu, le souhait de la collectivité.

En tout état de cause, il est incontestable que notre archipel subit une inflation structurelle très élevée. Il s'agit donc de mener une action en amont pour s'attaquer aux causes de l'inflation, afin de réduire le coût de la vie à Saint-Pierre-et-Miquelon. Ceci passe par la régulation des prix de certains produits essentiels, ce qui est déjà le cas, par exemple, pour le carburant. L'Observatoire des prix et des revenus pourrait ici être un support utile… Encore faudra-t-il lui en donner les moyens humains et financiers – je rejoins ici Serge Letchimy, pour qui le mot « marges » pourrait fort bien se substituer au mot « revenus » dans son intitulé.

Toujours concernant les conditions de formation des prix, une intervention directe de l'État, étendant aux échanges avec le Canada l'aide aux intrants et aux extrants mise en place par la LODEOM, serait hautement bénéfique. C'est en tout cas une demande déjà formulée par l'ensemble des acteurs locaux.

À cette action structurelle en amont, il est aussi nécessaire d'ajouter une action en aval pour remédier aux conséquences de la vie chère. C'est tout le sens de notre combat, et pour cela il nous faut rattraper les retards pris par l'archipel. Je pense ici notamment au pouvoir d'achat des retraités de la caisse de prévoyance sociale et de l'ENIM, qui attendent que l'État respecte enfin ses engagements politiques, pris lors du vote de la LODEOM. Et je compte sur votre soutien, monsieur le ministre, pour que ce soit chose faite avant la fin de l'année.

Je souhaiterais également vous remercier, monsieur le ministre, pour l'évidente volonté du Gouvernement de voir aboutir dans ce projet de loi certaines mesures tant attendues par mes concitoyens, comme l'extension à l'archipel des aides au logement et des modalités de financement de l'action sociale.

Il nous reste cependant à réduire certaines inégalités. C'est le but de mon action en faveur d'une adaptation du fonctionnement des aides à la continuité territoriale, et tout particulièrement du passeport-mobilité, pour tenir compte des spécificités géographiques et économiques de notre territoire. Et j'espère, monsieur le ministre, que le travail que nous avons entamé ensemble et avec vos services, à l'image de celui qui a été effectué pour les territoires du Pacifique, aboutira bientôt à l'adoption du décret nécessaire.

Quant au climat, il n'est nullement comparable à celui que connaissent les autres DOM ou COM et a des conséquences financières importantes sur le budget des ménages et des entreprises, dont l'illustration la plus parlante est la nécessité spécifique de se chauffer douze mois sur douze. Cette situation appelle une réponse tout aussi spécifique de la part de l'État : à ce titre, ne pourrait-on pas envisager une pérennisation à Saint-Pierre-et-Miquelon du dispositif de prime à la cuve mis en place il y a quelques années de cela ?

Enfin, une action s'impose afin de clarifier la perception que peuvent avoir les différents acteurs, notamment publics, de ce décalage du coût de la vie entre l'archipel et la métropole – de 30 % à 60 %. Ceci passe effectivement – comme vous l'avez confirmé en première lecture de ce projet de loi au Sénat, monsieur le ministre – par une révision impérative du calcul du PIB ou encore des indicateurs fournis dans le cadre des travaux budgétaires annuels, qui laissent apparaître une situation en totale déconnexion avec les réalités économiques du terrain et qui ne correspondent en rien au pouvoir d'achat réel des Saint-Pierrais et Miquelonnais dans le contexte spécifique de vie chère que nous venons d'évoquer.

En tout état de cause, concernant les collectivités d'outremer, et tout particulièrement Saint-Pierre-et-Miquelon, il est clair que ce texte, pour nécessaire qu'il soit, ne constitue qu'une première étape d'un travail que nous avons cinq ans pour mener à bien.

Pour Saint-Pierre-et-Miquelon, il s'agit, d'une part, du développement des équipements structurants de l'archipel, avec notamment l'inévitable remise à niveau des ports et, d'autre part, de l'accompagnement des entreprises et des porteurs de projets, particulièrement dans le secteur de l'économie maritime.

C'est à nous aujourd'hui, monsieur le ministre, de trouver ensemble les modalités d'une véritable action de fond de l'État pour accompagner efficacement les acteurs locaux et créer les conditions structurelles qui assureront l'avenir de l'archipel et de nos jeunes.

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