Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Monsieur le président, monsieur le ministre des outre-mer, madame la rapporteure, mes chers collègues, la loi qui nous est soumise est relative à la régulation économique outre-mer. On l'appelle communément loi sur la « vie chère ».

Oui, la vie est chère en outre-mer. Il aura fallu plusieurs années et le changement de gouvernement pour se rendre compte que la France ne se limitait pas seulement à l'Ile-de-France.

Les différents mouvements de contestation de ces dernières années nous rappellent l'importance et l'urgence de régler définitivement ces problèmes d'inégalité territoriale, d'inégalité face à la consommation, d'inégalité de l'offre.

Plusieurs étapes sont nécessaires pour relever ce défi. Il convient d'abord de légiférer sur les marchés pour casser les positions dominantes déjà présentes. Il faut ensuite permettre une régulation et un contrôle de l'État sur ces marchés. On pourra alors, mais alors seulement, inverser la logique commerciale en outre-mer – l'importation massive – et permettre un développement économique local et régional. Enfin, il faudra assurer un suivi efficace de ces politiques économiques.

Il faut, en premier lieu, retrouver au plus vite une situation saine de concurrence. L'article premier permet au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour enrayer les abus de position dominante, notamment dans les marchés de gros de biens, de services, d'acheminement, de stockage et de distribution des produits.

L'Autorité de concurrence voit son pouvoir renforcé pour accomplir cette mission par les articles 2 et 3. Les régions d'outre-mer pourront saisir cette autorité si elles estiment que le marché de la concurrence est faussé par certains acteurs. Pour que l'Autorité de concurrence fasse respecter ses décisions, un pouvoir d'injonction structurelle lui est conféré.

Il est capital d'assurer la concurrence en outre-mer pour revenir à des prix raisonnables. En mars 2010, le niveau général des prix à la consommation était globalement plus élevé dans les départements d'outre-mer qu'en métropole. Les chiffres sont éloquents. Sur les produits alimentaires, l'écart peut être de 40 %. Le plus alarmant est que les écarts de prix sont restés du même ordre depuis 1985, selon des études menées par l'INSEE.

L'outre-mer a ainsi été laissé aux mains des oligopoles, monopoles et cartels pendant trente ans. Ces situations amènent parfois à des pratiques douteuses. On peut citer le cas d'un grand groupe de distribution en Nouvelle-Calédonie, épinglé dernièrement pour des infractions concernant des pratiques de marges arrière à l'encontre de plusieurs de ses fournisseurs. Au détriment du consommateur, encore une fois, le prix de vente augmentant irrémédiablement.

Pour protéger les consommateurs, il faut davantage de transparence dans les transactions et dans les prix. L'instauration d'un bouclier « qualité-prix » dans l'article 6 bis permettra de réglementer les prix de vente de produits ou de familles de produits de première nécessité.

Une fois les marchés régulés, nous pourrons construire un avenir économique pérenne pour les outre-mer. Le constat est bien là : les outre-mer sont dépendants de la métropole dans leurs importations.

La situation actuelle est le résultat d'une exploitation coloniale orientée vers la métropole, empêchant l'apparition de processus locaux d'entraînement financier, commercial et social. À une certaine époque, il était interdit aux colonies de développer des activités susceptibles de concurrencer celles de la métropole ! Cette dépendance implique notamment de longs trajets de marchandises, qui alourdissent les tarifs, sans parler du coût carbone.

Cela a aussi un impact sur l'économie locale. Il fallait mettre fin une bonne fois pour toutes à cet esprit colonial toujours présent. La première étape consiste donc à enclencher le développement de la coopération entre les territoires ultramarins et leurs voisins, sur le plan économique, social et sanitaire, dans les domaines éducatif, culturel et environnemental. Il est absolument nécessaire d'inscrire de nouveau les territoires d'outre-mer dans l'espace qui leur est propre.

Leur expérience, leurs spécificités font la richesse de ces territoires. De meilleurs échanges permettraient de diversifier leurs économies, d'exploiter des qualités qui le sont trop peu et par exemple une biodiversité rare et recherchée, de créer des emplois stables et de qualité, de faire du développement soutenable.

Il est également nécessaire de développer fortement la production locale et de permettre à ces territoires d'exporter. Le coût de la vie diminuera avec la baisse des importations de métropole qui, je le rappelle, concernent 80 % des produits consommés.

L'article 8 du projet de loi modifie le code général des collectivités territoriales pour instaurer une exception à la règle voulant que toute collectivité territoriale maître d'ouvrage d'une opération d'investissement doive assurer une participation minimale au financement de ce projet. Ainsi, il est donné à ces territoires la possibilité d'être entièrement financés par d'autres structures, dont l'État. Cela facilitera les opérations économiquement structurantes dont ces territoires ont tant besoin.

Le groupe écologiste propose d'aller plus loin dans le fléchage de ces sommes. Par ailleurs, il convient de s'assurer que ces opérations respectent des critères sociaux et environnementaux, quand on sait que les collectivités d'outre-mer ont un besoin urgent de structures de transports collectifs, de production d'énergies renouvelables ou encore de centres d'assainissement. Le maître mot, c'est l'efficacité. Il faut privilégier les opérations qui font évoluer les territoires vers plus d'autonomie et prennent en compte leur potentiel local.

Avec cette loi, nous prenons les choses en main. Je me réjouis que le groupe UMP ait choisi de s'abstenir – ce qui, à mes yeux, vaut approbation – et que le groupe UDI s'apprête à voter en faveur de ce projet de loi. Nous nous dirigeons donc vers une adoption à l'unanimité. Je regrette seulement que nous soyons aussi peu nombreux dans l'hémicycle ce soir, alors que nous sommes nombreux à nous retrouver sur ce projet.

Le Gouvernement a bien pris en compte les réalités du terrain et les actions à mettre en oeuvre. Cependant, il est primordial d'effectuer un suivi régulier des politiques menées.

L'article 7 bis CA crée un observatoire des prix et des revenus en outre-mer. Il est composé de différents acteurs locaux : parlementaires, collectivités, État, syndicats et associations de consommateurs.

Un amendement déposé au Sénat par mes collègues Aline Archimbaud et Joël Labbé proposait plutôt la création d'un comité de suivi, chargé d'évaluer l'application de la présente loi, avec, en fond, des questions de bon sens : Quel usage le Gouvernement fera-t-il des nouveaux outils qui lui seront conférés ? Suffisamment de moyens seront-ils donnés à l'Autorité de la concurrence pour qu'elle puisse mener à bien les missions qui lui sont confiées ?

Je crains qu'aujourd'hui l'article 7 bis CA, dans lequel le Gouvernement ne reprend que partiellement cette proposition, ne fasse l'impasse sur ces questions. Nous aurions préféré que l'on crée un comité aux compétences et aux moyens d'action beaucoup plus larges plutôt qu'un simple observatoire. Nous serons donc très attentifs à la mise en place de cette structure.

Pour conclure, nous souhaitons élargir le débat dans le cadre de ce projet de loi, par exemple aux nombreux produits alimentaires de consommation courante qui ont une concentration en sucre supérieure à celle du même produit de même marque vendu en France métropolitaine. Ces écarts sont inadmissibles et, à l'heure où les enjeux de santé publique sont au coeur des préoccupations, l'on ne peut accepter en outre-mer ces produits dangereux pour la santé de nos compatriotes. Nous proposerons donc un amendement réglementant le taux de sucre dans certains produits.

Toujours dans un souci de santé publique, nous souhaitons interdire définitivement les épandages aériens sur les territoires d'outre-mer. Il nous semble indispensable d'appliquer dans ces territoires fragiles une législation très stricte pour permettre un développement soutenable.

Monsieur le ministre, vous faites par cette loi ce que vos prédécesseurs n'ont pas su ou voulu faire : restaurer l'égalité dans les territoires d'outre-mer. Nous, écologistes, soutenons fortement ce projet de loi. Par nos amendements, nous souhaitons montrer que la transition économique pour plus d'égalité et de pérennité ne peut se faire qu'avec une vision intégrant les fondamentaux de l'écologie : production locale, valorisation des richesses et des territoires, préservation de l'équilibre socio-économique et environnemental, réappropriation enfin de leur territoire par les citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

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