Intervention de Jean-Claude Fruteau

Séance en hémicycle du 9 octobre 2012 à 21h30
Régulation économique outre-mer — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau, président de la délégation aux outre-mer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, chers collègues, c'est en tant que président de la toute nouvelle délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale que j'ai le plaisir de m'exprimer devant vous aujourd'hui.

Cette délégation a été créée le 17 juillet 2012 par la conférence des présidents. Tout juste installée, elle a décidé de se saisir du projet de loi déposé par le Gouvernement relatif à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives à l'outre-mer, et de faire part de ses recommandations.

Avant toute chose, je tiens à souligner la rapidité avec laquelle le Gouvernement a décidé d'agir en faveur des outre-mer. En effet, cela mérite d'être souligné, c'est, je crois, la première fois qu'un texte uniquement consacré aux outre-mer est examiné en tout début de législature. Il s'agit d'une marque d'attention à l'égard de nos territoires si durement frappés par la détresse sociale.

La cherté de la vie est en effet un des problèmes majeurs de nos outre-mer. Elle touche tout le monde et en particulier, bien sûr, les plus défavorisés. Elle détériore le niveau des revenus disponibles des ménages, déjà très faibles, et elle ralentit considérablement les économies locales. Ainsi, il faut le répéter, les revenus des habitants d'outre-mer sont inférieurs de 38 % au revenu médian national. Le PIB des territoires ultramarins est inférieur de moitié à celui de la nation, et plus de 50 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Pour faire face à cette situation gravement dégradée, le projet de loi comporte un certain nombre de mesures qui visent à réguler les marchés de manière volontariste, en s'attaquant aux phénomènes structurels qui déterminent la formation des prix. C'est la nouveauté de la démarche du Gouvernement, conforme aux propositions faites par le Président de la République dans ses trente engagements pour les outre-mer. La méthode est nouvelle. Désormais, nous allons nous attaquer aux problèmes structurels par la régulation plutôt que par le contrôle des prix, qui, même s'il reste toujours possible, a montré ses limites par le passé.

Parmi les principales dispositions du projet de loi, je souhaite revenir sur celles qui me paraissent essentielles.

Il est essentiel que le Gouvernement puisse légiférer par décret pris après avis de l'Autorité de la concurrence pour réglementer les différents secteurs du commerce de gros afin de permettre l'émergence de bonnes pratiques concurrentielles.

Il est essentiel, dans des économies aussi captives que les nôtres, que les clauses exclusives d'importation soient interdites dans les accords commerciaux, sauf si – et seulement si – elles apportent des avantages objectifs certains en termes d'approvisionnement.

Il est essentiel que les seuils de concentration des entreprises entraînant un contrôle de l'Autorité de la concurrence soient abaissés pour l'outre-mer et que cette autorité dispose d'un pouvoir d'injonction structurelle dans le domaine du commerce de détail.

Enfin, il est essentiel que le coût de l'itinérance téléphonique, en particulier en matière de téléphonie mobile, puisse être plafonné et que soit poursuivie une baisse tarifaire qui, à terme, je l'espère, conduira nos territoires vers l'égalité avec la France hexagonale.

Le texte traite également d'autres questions que la cherté de la vie. L'une de ses mesures phares permettra ainsi aux collectivités territoriales d'engager des projets sans qu'elles soient contraintes de respecter l'obligation d'assurer un financement minimal de 20 % pour les projets cofinancés avec l'État et pour lesquels elles disposent de la maîtrise d'ouvrage. Par ailleurs, le Gouvernement sera habilité à légiférer par ordonnance pour la poursuite de la départementalisation à Mayotte. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, les peines privatives de liberté édictées dans la réglementation locale seront homologuées. Enfin, différentes ordonnances prévoyant l'extension et la transposition du droit national à Mayotte et aux collectivités d'outre-mer seront ratifiées.

Tel quel, le texte constitue une avancée significative, qui réinstalle les outre-mer au premier plan des préoccupations des décideurs politiques. Nous ne pouvons qu'en remercier le Gouvernement et le Président de la République et leur rendre hommage.

Dans le cadre de ses travaux, la délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale a formulé neuf recommandations, qui s'articulent autour de six grands thèmes.

Premièrement, nous souhaitons qu'une attention toute particulière soit portée aux marchés de gros et, au sein de ces marchés, aux produits de première nécessité. Le Sénat, partageant le même souci, a d'ailleurs étendu, par le biais d'un amendement à l'article 1er du projet de loi, le champ des décrets susceptibles d'être pris par le Gouvernement pour organiser les marchés à la gestion des « facilités essentielles ». Il s'agit là d'une excellente mesure qui rejoint nos préoccupations. J'ajoute que ce dispositif peut concerner aussi les carburants, secteur non moins vital outre-mer. Dans le prolongement de ces dispositions, nous vous demanderons, monsieur le ministre, d'être particulièrement vigilant sur ce point.

Deuxièmement, dans la perspective de l'application de la loi, la délégation souhaite, d'une part, que l'information du public soit améliorée, tant sur les injonctions faites par l'Autorité de la concurrence aux entreprises opérant dans le secteur des marchés de gros que sur le coût de l'itinérance téléphonique et, d'autre part, que des amendes soient prévues pour les contrats ou les accords commerciaux en cours disposant d'une clause d'exclusivité et qui ne seraient pas mis en conformité avec la réglementation dans les délais prévus.

Troisièmement, dans le prolongement de ce qui vient d'être dit, la délégation a formulé le souhait que tous les moyens puissent être mobilisés afin d'obtenir très rapidement une baisse du coût de l'itinérance téléphonique. J'ai ainsi déposé un amendement en commission visant à compléter le périmètre d'intervention de l'ARCEP, car c'est cet organisme qui a pour mission de surveiller les opérateurs de téléphonie et qui doit intervenir pour rappeler à l'ordre ceux qui ne joueraient pas le jeu dans le domaine de l'itinérance. Cet amendement a été accepté par la commission des affaires économiques et je l'en remercie. En effet, il est impératif que les opérateurs appliquent le plafond européen devant permettre une diminution sensible de l'itinérance, qui devrait passer de 35 centimes à 17 centimes d'euros par minute à l'horizon de 2013-2014. Dans tous les cas, nous comptons beaucoup sur l'ARCEP pour faire respecter aussi bien le dispositif européen que ceux qui pourront être consentis de manière contractuelle entre le Gouvernement et les opérateurs de téléphonie.

Quatrièmement, la délégation a étudié le problème de l'électricité à Wallis-et-Futuna, qui a été soulevé par les députés de ce territoire, où la situation, dans ce domaine, est anormale.

Cinquièmement, la délégation a souligné auprès des pouvoirs publics et notamment auprès de vous, monsieur le ministre, combien les tarifs bancaires, dans les départements et les collectivités d'outre-mer, ainsi que les tarifs des liaisons aériennes, sont élevés. Elle a ainsi adopté une recommandation de notre collègue Lebreton afin d'obtenir plus de transparence en ce domaine. S'agissant des tarifs bancaires, et plus particulièrement des tarifs des douze services les plus courants, identifiés comme tels dans le code monétaire et financier, j'espère qu'il nous sera possible d'avancer quant à leur plafonnement dans les DOM, ces tarifs bancaires ne pouvant en aucun cas excéder ceux qui sont en vigueur dans l'hexagone dans les mêmes établissements.

Enfin, la délégation s'est souciée, pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, de l'adaptation à ces territoires d'un certain nombre de dispositions qui pourraient être intéressantes pour ces collectivités territoriales.

Pour conclure, je veux vous dire, en tant que président de la délégation aux outre-mer, que les travaux de cette délégation ont été riches et intéressants ; vous les trouverez présentés en annexe de notre rapport. Je veux croire que leur qualité et leur pertinence seront de nature à apporter un éclairage utile dans le cadre de nos débats.

Le texte qui nous est proposé aujourd'hui et qui pourra être encore enrichi tout au long de nos débats marque une rupture avec la politique attentiste et méprisante menée par la précédente majorité. Nous sommes loin, ici, des théories fumeuses du développement endogène. Nous sommes dans l'action, l'action concrète, l'action déterminée, l'action courageuse. C'est pourquoi je voterai avec enthousiasme ce texte fondateur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

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