Intervention de Delphine Batho

Réunion du 11 juillet 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Je vous remercie de votre accueil et je salue les députés réélus ou nouvellement élus.

S'agissant, tout d'abord, des enjeux liés à la conférence environnementale, je rappelle que le changement climatique dû aux gaz à effet de serre est désormais scientifiquement avéré. Les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 40 % entre 1990 et 2010 et, après une légère baisse en 2009, sont reparties à la hausse. Les dernières conférences internationales sur le climat de Copenhague et de Rio témoignent d'un recul de l'ambition de la communauté internationale. Le réchauffement climatique risque ainsi d'être largement supérieur à deux degrés à l'horizon 2100, température au-dessus de laquelle l'incertitude quant aux impacts sur nos sociétés croît de façon considérable. L'Union européenne produit 13 % des émissions mondiales de CO2 – avec une baisse de 12 % depuis 1990 – et la France 1,3 % – en légère croissance depuis 1990. La dégradation de l'empreinte carbone de notre pays, estimée à partir de la consommation des produits, laisse craindre qu'elle soit principalement due à la désindustrialisation et non à des stratégies de lutte contre le changement climatique. Je rappelle que, dans le « paquet Énergie-Climat », l'Union européenne s'est fixé l'objectif dit des « trois fois vingt » : baisse de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, augmentation de 20 % de l'efficacité énergétique et de 20 % des énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale. En 2009, un peu plus de la moitié du chemin était parcourue en matière d'émissions de gaz à effet de serre. C'est dans un tel contexte que la France s'est engagée à diviser ses propres émissions par quatre à l'horizon de 2050.

En matière de biodiversité, les scientifiques considèrent que nous sommes entrés dans la sixième grande phase d'extinction des espèces. Si nous avons pris conscience des dangers liés au changement climatique, on ne peut, hélas, en dire autant dans ce domaine. Sur le plan mondial, on évoque en effet la disparition de 12 % des oiseaux, 25 % des mammifères et 32 % des amphibiens d'ici à 2100. L'une des raisons majeures d'une telle situation est l'artificialisation continue et croissante des sols. En France, 600 km2 sont ainsi artificialisés chaque année, ce qui représente l'équivalent d'un grand département tous les dix ans.

S'agissant des négociations internationales sur le climat, nous sommes évidemment déçus par l'accord a minima intervenu à Rio. Nous essaierons toutefois de travailler à la réalisation de programmes d'action ambitieux à travers les objectifs de développement durable (ODD). D'ores et déjà, la France prépare deux grands rendez-vous internationaux : la conférence sur la biodiversité qui se tiendra à Hyderabad, en Inde, du 8 au 19 octobre 2012 – nous présiderons la table ronde consacrée à la question des océans – ainsi que la conférence sur le climat de Doha qui se déroulera du 26 novembre au 7 décembre prochain. Sans doute cela pourrait-il donner lieu à des échanges ou à des auditions dans le cadre de votre commission.

Le Président de la République l'a assuré : les transitions écologique et énergétique doivent être au coeur de la politique du redressement dans la justice. L'écologie sociale constitue à la fois un impératif – urgences liées au réchauffement climatique, problèmes de pouvoir d'achat, d'accès à l'énergie, de raréfaction des ressources – et un levier afin de sortir de la crise et de développer des politiques vertueuses s'inscrivant dans la mutation de notre modèle de développement tant sur un plan écologique que social et économique.

Le Grenelle de l'environnement fut une avancée majeure. La loi dite Grenelle I a en effet été adoptée à l'unanimité et a transposé 268 engagements issus de la consultation portée par l'ensemble des acteurs – ONG, acteurs sociaux et économiques, élus. La loi dite Grenelle II, quant à elle, n'a pas fait l'objet de la même unanimité et n'est pas parvenue à prolonger l'élan initial, même si elle constitua un acte législatif d'importance. De surcroît, tous les décrets d'application n'ont pas vu le jour et des reculs ont eu lieu dans un certain nombre de domaines, comme l'a signalé le Conseil économique, social et environnemental dans son avis du 15 février, notamment en ce qui concerne le développement des énergies renouvelables – impact économique désastreux sur un certain nombre de filières, dont le photovoltaïque –, les pesticides – dont la consommation a augmenté alors qu'elle devait être réduite – ou la responsabilité sociale et environnementale des entreprises – les décrets qui ont été pris suscitant un certain nombre de controverses. Enfin, les derniers mois du dernier quinquennat ont non seulement été marqués par un essoufflement des engagements sur les questions environnementales, mais par quelques déclarations révélatrices, telles que celle-ci : « L'environnement, ça commence à bien faire ! ».

Le Gouvernement s'inscrit à la fois dans une forme de continuité et dans la rupture à l'endroit du Grenelle et de la politique qui a été précédemment menée. La conférence environnementale vise ainsi à placer le dialogue environnemental sur le même plan que le dialogue social tel que la récente conférence sociale l'a illustré. Nous tenons ainsi à marquer le début du quinquennat en organisant une vaste conférence environnementale qui permettra d'établir la feuille de route des concertations et des grands chantiers qui doivent être ouverts. Les acteurs du Grenelle seront convoqués et les cinq collèges, de même que les parlementaires, seront associés aux travaux.

Néanmoins, si le Grenelle était l'aboutissement d'un processus de consultations, la conférence environnementale doit être un point de départ. Le 18 juillet, je présenterai une communication en Conseil des ministres afin d'en exposer l'architecture que j'évoquerai dès demain devant le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement. Nous envisageons, après une première phase de concertation avec plusieurs organisations, que la conférence environnementale aborde deux priorités majeures : l'énergie et la biodiversité. Nous la concevons également comme une « conférence sur la méthode » qui devra s'appliquer au débat national sur la transition énergétique, dont j'espère qu'il sera largement décentralisé. Ce dernier débouchera sur un projet de loi de programmation qui devrait être présenté devant le Parlement au premier semestre de 2013.

S'agissant de la biodiversité, nous avons besoin d'une véritable prise de conscience citoyenne. Il conviendra, en outre, de réaliser un bilan des engagements du Grenelle dans ce domaine. Le Président de la République souhaite que ce processus de concertation aboutisse à l'élaboration d'une loi-cadre sur la biodiversité afin d'appréhender de façon transversale l'ensemble des questions qui se posent. Je gage qu'une telle ambition de reconquête de la biodiversité accroîtra le rayonnement de notre pays.

La conférence environnementale devrait avoir lieu durant la première quinzaine du mois de septembre. Le Président de la République l'introduira et le Premier ministre la conclura, comme ce fut le cas pour la conférence sociale. Y participeront l'ensemble des ministres intéressés : la ministre du logement – pour les problèmes d'isolation thermique des logements ou les règles d'urbanisme –, le ministre du redressement productif, la ministre de la recherche, etc. Il s'agit de mobiliser l'ensemble du Gouvernement autour d'une feuille de route environnementale.

La conférence environnementale devra également intégrer trois enjeux majeurs : la fiscalité écologique – nous devons rattraper notre retard et engager toutes les réflexions et toutes les études d'impact quant à ses conséquences sociales et économiques, ce qui n'empêche pas que des mesures soient prises dès le projet de loi de finances pour 2013 ; le lien entre la santé publique et l'environnement – utilisation de certaines substances chimiques, perturbateurs endocriniens, loi sur le bisphénol, qualité de l'eau ; enfin, la gouvernance environnementale –. Si une étape a été franchie avec le Grenelle de l'environnement, il importe d'approfondir les discussions sur la représentativité et de s'inscrire dans une réflexion plus large liée à la nouvelle étape de la décentralisation : quelle démocratie écologique voulons-nous sur un plan local et national ?

Je rappelle, de plus, que la conférence environnementale aura lieu chaque année : nous aurons ainsi l'occasion de faire le point sur la feuille de route écologique du Gouvernement, sur son application, sur le respect de l'agenda et sur la mobilisation de tous les ministres concernés.

Enfin, je précise que je resterai à la disposition du Parlement et que je répondrai à toutes vos demandes d'audition. Je tiens également à répondre dans les délais aux questions, notamment écrites, de chacun d'entre vous, à produire les études d'impact qui seront sollicitées afin d'éclairer le débat législatif et à remettre au Parlement les études et les rapports exigés par la loi. À ce propos, je tiendrai à votre disposition la liste de ceux qui étaient prévus par le Grenelle de l'environnement et qui ne vous ont pas encore été remis.

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