Intervention de Gérard Sebaoun

Séance en hémicycle du 11 septembre 2012 à 21h30
Création des emplois d'avenir — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Sebaoun :

Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, comme François Pupponi, je me félicite, contrairement à de nombreux collègues de droite, que le Gouvernement ait fait des jeunes sans qualification issus des zones urbaines sensibles une priorité.

Je souhaite concentrer mon intervention sur des éléments chiffrés. ZUS n'est pas seulement un acronyme : 4,5 millions de nos concitoyens y vivent, 12 à 13 % de l'ensemble des demandeurs d'emplois en France métropolitaine en sont issus. Bien des tentatives récentes ont été faites pour améliorer cette situation ; je ne reviendrai pas sur l'échec du volet emploi du plan « Espoir banlieue », lancé à grand fracas en 2008, avec des emplois marchands qui pour la plupart n'ont jamais été créés et dont on a dû confier la réalisation à des entreprises de coaching.

Il faut sortir de la vision erronée – encore défendue peut-être par certains ici – de territoires fermés et homogènes largement caricaturés par les médias. Il est impératif de mieux territorialiser nos actions et le dispositif proposé par le Gouvernement y contribuera en privilégiant le niveau régional avec une stratégie déclinée au plus près des acteurs locaux. Il faut faire du sur mesure pour répondre à la spécificité territoriale.

On pourrait résumer d'une phrase la spécificité des zones urbaines sensibles : la population y est plus pauvre, plus jeune, moins qualifiée, particulièrement exposée au chômage. Elle est plus pauvre, évidemment, avec des revenus fiscaux qui sont essentiellement des revenus du travail ou des revenus de remplacement. Et si vous m'autorisez une digression lourde de sens, il n'y a pas trace ici de revenus du capital ou de salaires mirobolants supérieurs à un million d'euros par an. En 2009, un tiers de cette population vivait en dessous du seuil de pauvreté et c'était le cas de 40 % des jeunes de moins de vingt-quatre ans en 2008-2009.

À l'intérieur même des zones urbaines sensibles, on observe des disparités importantes de revenus qui peuvent aller du simple au double entre les cinquante ZUS aux revenus moyens les plus élevés et les cinquante les plus pauvres – le Limousin, le Languedoc, le Centre, Midi-Pyrénées. La plus riche est Paris mais ceux qui vivent en ZUS à Paris sont très éloignés de la moyenne de leur agglomération.

Il convient de mettre l'accent sur un triste constat : les territoires les plus pauvres en 2002 le restent en 2008, cela malgré les grands chantiers de la rénovation urbaine qui ont clairement amélioré le bâti, mais lui seulement.

La population des zones urbaine sensibles est également plus jeune : près d'un habitant sur trois a moins de vingt ans contre près d'un sur quatre dans leurs agglomérations respectives. Là encore, cette proportion des moins de vingt ans varie d'une ZUS à l'autre. Ainsi, le nombre de départements d'Île-de-France affichant de forts pourcentages de jeunes de moins de vingt ans est particulièrement élevé ; c'est le cas en Seine-Saint-Denis et dans le Val d'Oise – département où, comme François Pupponi, je suis élu.

Leurs habitants enfin sont moins formés et moins qualifiés. Plus de la moitié ne disposent pas d'un diplôme supérieur au brevet des collèges. La part des diplômés universitaires y est deux fois plus faible qu'ailleurs, et malgré une progression du taux de formation ces dernières années, les taux de réussite, au bac comme au brevet, restent inférieurs à la moyenne nationale.

Cela se retrouve naturellement sur le marché de l'emploi avec un niveau de qualification moins élevé, avec plus de contrats précaires en CDD et en intérim.

Enfin, cette population est plus exposée au chômage : en 2010, le taux de chômage des 15-24 ans y était de 41 %, près du double de celui de la population du même âge sur l'ensemble du territoire. La part des jeunes de 15 à 24 ans sans emploi ni formation y était de 25 %, soit un taux supérieur de dix points à celui des zones urbaines environnantes.

Dans son diagnostic sur l'emploi des jeunes publié en février 2011, le Conseil d'orientation pour l'emploi a souligné ce que nous connaissons tous, à savoir les difficultés rencontrées par ces jeunes pour accéder au marché du travail. Je le cite : « un parcours d'insertion long et heurté » ; « une sensibilité plus marquée à la conjoncture économique » ; « une problématique de logement » ; « une multiplicité de dispositifs, de structures, d'acteurs pas toujours lisibles ni coordonnés ».

Pour en discuter avec eux dans ma circonscription – comme vous le faites sûrement dans les vôtres –, je sais que ces jeunes n'ont pas renoncé, même s'ils ont du mal à se projeter dans l'avenir. Ils veulent d'abord travailler et rêvent d'une autonomie qu'ils savent inaccessible sans emploi durable. Un contrat de trois ans, c'est un emploi, et c'est une perspective d'avenir.

Seule une politique ambitieuse de l'emploi et de la formation nous permettra de faire reculer durablement le chômage. En votant ce texte, nous créons les conditions pour qu'à court terme, 150 000 d'entre eux se sentent enfin considérés et se remettent à espérer. Et nous envoyons en même temps un signal fort, concret et lisible à leurs familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

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