Intervention de Pierre Sigonney

Réunion du 17 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Pierre Sigonney, chef économiste chez Total :

Le marché du pétrole en France et en Europe est en décroissance, entraînant une situation difficile pour les raffineries et une adaptation progressive des capacités de raffinage. Total investit bien dans le raffinage en France et croit en son avenir. Ses positions régionales en Normandie et en Provence sont importantes. Il ne faudrait pas que la transition énergétique représente une difficulté de plus pour le secteur du raffinage déjà en proie à la décroissance, ainsi que pour le secteur de l'industrie lourde.

L'arrivée du gaz de schiste américain a permis de rendre disponible du gaz naturel liquéfié produit au Moyen-Orient, réduisant les tensions sur le marché mondial du gaz et favorisant une baisse du prix du gaz en Europe, qui reste très inférieur à celui pratiqué en Asie. Face à cela, la forte baisse du prix du gaz aux États-Unis a conféré aux industries lourdes américaines, notamment chimiques, un avantage particulièrement fort sur les entreprises européennes.

Nous avons engagé des recherches sur le gaz de schiste et sur des technologies permettant d'en produire sans utiliser la fracturation hydraulique, mais il faut bien voir qu'elles n'aboutiront qu'à un horizon d'au moins une dizaine d'années sinon plus. Ces technologies complètement nouvelles, qui ne sont pas du tout utilisées, ne verront peut-être jamais le jour, d'ailleurs. Il s'agit vraiment de recherche fondamentale.

Même en travaillant chez Total, il est très difficile de prédire avec précision le prix du baril de pétrole. Le pétrole de schiste, arrivé récemment aux États-Unis et produit avec les mêmes technologies que le gaz de schiste, a changé considérablement la donne sur le continent nord-américain, puisque les États-Unis et le Canada devraient être pratiquement à l'équilibre pétrolier, c'est-à-dire ne plus avoir besoin d'importer, dans dix ou quinze ans. Cela contribue sans doute à relâcher les tensions sur le pétrole : alors qu'on attendait une montée très forte du prix du baril il y a trois ou cinq ans, il apparaît maintenant qu'on pourrait rester dans la fourchette de 100-120 dollars. C'est un prix qui reste cher et qui est sans doute de nature à favoriser l'efficacité énergétique. Il correspond aux coûts marginaux de production des pétroles les plus difficiles, comme les huiles lourdes du Canada, mais il n'est pas très éloigné non plus du prix de production du pétrole de schiste aux États-Unis, qui est relativement cher. Par ailleurs, avec les révolutions en Tunisie et en Égypte, les pays de l'OPEP ont plutôt accru leurs dépenses budgétaires. Ils ont besoin aujourd'hui d'un prix supérieur à celui qu'ils demandaient il y a trois ans. Pas de baisse de prix, donc, à l'horizon : un baril à au moins 100 dollars paraît une vision juste.

En matière d'exploration, les annonces de Christophe de Margerie ont bien été respectées par Total. Le groupe a nettement accru son effort mais il s'agit d'une démarche de longue haleine. Il faut d'abord acquérir du domaine minier puis monter des campagnes de forage, ce qui est difficile. Des résultats ont été obtenus en Guyane, où un premier forage a permis de découvrir du pétrole. Toutefois, nous sommes toujours dans une phase dite de délinéation, c'est-à-dire d'analyse du champ pétrolier. Un deuxième forage s'est malheureusement soldé par un échec, mais les opérations continuent pour déterminer l'étendue de ce champ de pétrole.

En Europe, nous nous intéressons au gaz de schiste en Pologne et au Danemark ; pour l'instant, nous ne sommes pas présents au Royaume-Uni où des évolutions se dessinent. En Pologne, la difficulté est qu'on commence seulement à analyser le sous-sol, contrairement aux États-Unis où il était très bien connu. S'il y a eu des découvertes, on s'est aussi rendu compte que les techniques de production ne pouvaient pas être transposées directement des États-Unis en Pologne sans être adaptées. Le temps de développement sera très long. On aura une meilleure vision dans cinq ans et la production commencera au plus tôt après 2020. Ces processus sont relativement longs mais comparables toutefois au projet de Guyane où, entre le moment de la découverte et la mise en production, huit à dix ans se seront écoulés.

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