Intervention de Gérard Mestrallet

Réunion du 17 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Gérard Mestrallet, président du groupe GDF Suez :

Je crois au concept de territoire à énergie positive, qui recouvre l'efficacité énergétique et la production décentralisée, sources de création d'emploi. Non seulement nous y croyons, mais nous avons conceptualisé cette idée, qui correspond à la fois à l'usage des technologies aujourd'hui disponibles et à une aspiration de nos clients, qu'ils soient collectivités locales, industriels, entreprises, centres tertiaires, particuliers. Nous avons développé cette idée tout récemment et avons signé le premier contrat la semaine dernière, avec la communauté de communes du pays de Meslay-Grez en Mayenne. Nous discutons de ce sujet également avec des villes françaises, mais aussi avec des villes comme Barcelone.

La principale difficulté est d'avoir des ambitions raisonnables en la matière. Dans certaines villes, il sera plus facile d'atteindre l'équilibre énergétique, dans d'autres, ce sera toujours impossible à des coûts raisonnables. Cela dit, les premières ne sont pas forcément les petites villes et les secondes les grandes villes. Qu'on fasse des économies partout, c'est sûr. Qu'on se fixe comme objectif systématique pour toutes les villes d'atteindre l'équilibre énergétique, voire de produire plus d'énergie qu'on n'en consomme, ce ne sera pas possible partout. D'ailleurs, ce n'est pas souhaitable. Des villes peuvent faire des efforts sur d'autres domaines que sur l'énergie. Les villes du Nord dépensent plus d'énergie à s'éclairer et à se chauffer que les villes du Sud. Il faut donc avoir des ambitions raisonnables et diversifiées.

À quelle échéance en ressentira-t-on l'impact ? Je dirais dès aujourd'hui, avec une montée en régime progressive et continue. Je le répète, la transition énergétique crée de l'emploi, dès aujourd'hui et pas seulement dans les territoires à énergie positive, qui sont un des instruments d'accélération de la transition énergétique. C'est ainsi qu'au seul niveau du groupe GDF Suez, au cours de l'année 2012, dans le domaine des services d'efficacité énergétique, qui sont liés à la transition énergétique, nous avons créé en France 1 900 emplois nets sur un total d'une vingtaine de milliers de recrutements.

Avec 9 milliards d'habitants dans le monde en 2050, il est clair que l'alimentation en énergie est un problème absolument majeur. Aujourd'hui déjà, près de 2 milliards de personnes n'ont pas accès à l'électricité. On ne couvrira les besoins que par un mix énergétique diversifié. Longtemps encore, le charbon représentera dans le monde une source d'énergie dominante pour la production d'électricité. Les Chinois construisent une centrale à charbon toutes les semaines. Dans l'Asie du Sud-Est, comme dans beaucoup d'autres parties du monde, le charbon représente une source de production qui va rester importante.

Les pays émergents vont développer aussi le renouvelable parce que leur demande d'énergie est forte, mais aussi parce qu'ils ont des ressources hydrologiques ou éoliennes. Ainsi, dans certaines parties du monde, l'énergie éolienne est d'ores et déjà à parité réseau. Sur la côte sud du Maroc, où il y a beaucoup de vent, nous construisons la plus grande ferme éolienne de tout le continent africain. Dans d'autres parties, c'est le solaire qui représentera, à l'horizon 2030-2050, une part très importante de la production. Dans d'autres encore, ce sera la biomasse. Bref, il n'y a pas une source d'énergie qui va s'imposer partout dans le monde, il faudra un mix diversifié.

La gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, pour un groupe qui est actif dans le domaine, est une exigence absolue. Les formations du système éducatif et de l'enseignement professionnel sont-elles aujourd'hui adaptées à l'ampleur de la transition énergétique ? Non. Cette transition a été si rapide que notre système de formation n'a pas encore répondu quantitativement à l'ampleur des besoins, mais nous ne sommes pas les seuls. L'Allemagne, qui a connu l'évolution la plus brutale avec une rupture et une discontinuité considérables, n'est pas prête à sa propre transition énergétique. En tout cas, il faudrait mettre en chantier l'adaptation du système de formation initiale et professionnelle à ces nouveaux métiers que crée la transition énergétique.

Pour revenir sur le mix énergétique dans le monde, il serait dangereux pour un pays de reposer trop exclusivement sur une ressource. Le Brésil a beaucoup développé son hydroélectricité mais cela présente des inconvénients en période de grande sécheresse. Il s'attache à diversifier son mix énergétique mais, entre le constat de la sécheresse et le moment où les centrales thermiques seront opérationnelles, cinq à sept ans se seront écoulés. Voilà pourquoi chaque pays doit avoir un mix énergétique diversifié et adapté.

La rentabilité de la méthanisation peut effectivement être mise en question. D'ailleurs, l'Allemagne l'a développée en la subventionnant très généreusement, ce qui a permis de créer une filière industrielle qui n'existe pas en France aujourd'hui. Ce n'est pas une raison pour négliger la méthanisation. Même s'il est vrai que les toutes petites unités ne sont pas rentables, je crois à ce mode de production pour peu que les agriculteurs se regroupent et qu'on apporte un complément de matière avec les déchets ménagers, dont la production est régulière quand les productions agricoles sont intermittentes, sauf dans l'élevage.

S'agissant de la CSPE, nous sommes fermement opposés à son extension au gaz. La CSPE, c'est la couverture du service public de l'électricité. Le gaz a ses propres obligations de service public sur la sécurité d'approvisionnement ou le financement des énergies renouvelables gazières – méthanisation ou biogaz. Chaque énergie doit payer pour ses propres domaines.

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