Intervention de Gérard Mestrallet

Réunion du 17 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Gérard Mestrallet, président du groupe GDF Suez :

Ce sont les modalités et le coût des technologies qui font que celles-ci se démocratisent un peu toutes seules. Elles s'individualisent aussi parce que les unités de production d'électricité sont de taille de plus en plus réduite. C'est vrai pour les éoliennes – encore faut-il avoir un jardin –, mais c'est vrai aussi pour la géothermie et le solaire. Ce dernier a cette caractéristique de voir ses coûts régulièrement baisser, dans des proportions qui ont été spectaculaires au cours des quinze dernières années, et qui vont continuer à baisser. Je souhaite de tout coeur que Total réussisse, avec SunPower, sa percée dans ce domaine.

En revanche, il faudrait faire de la pédagogie en faveur des technologies de gestion de l'énergie qui vont bientôt devenir accessibles aux particuliers dans leur intérieur, où ils pourront installer des capteurs, des systèmes de gestion et de programmation des consommations d'énergie. La domotique est en train de pénétrer la maison et de se développer grâce notamment aux technologies numériques et de production d'électricité. Le solaire va représenter un levier considérable et, à cet égard, il faudra faire de la pédagogie partagée. Du point de vue des filières, l'Europe a raté le coche de la cellule de production photovoltaïque, laissant détruire l'industrie européenne pourtant forte, notamment en Allemagne, par la concurrence chinoise. Q-Cells et d'autres sont tombées en faillite ; nous-mêmes avons eu une expérience commune avec Total d'une usine en Belgique qu'il a fallu fermer. Du point de vue des consommateurs, la faiblesse des prix, à cause des Chinois ou grâce à eux, va permettre la diffusion de l'usage de la technologie à grande échelle. Le développement est relativement rapide, même s'il faut l'accompagner de pédagogie pour que ces technologies disponibles en France et en Europe soient utilisées au maximum de leur considérable potentiel.

Mme Troallic, la Haute-Normandie est, il est vrai, une région d'énergie. Nous essayons d'y apporter notre contribution, et travaillons beaucoup, une nouvelle fois d'ailleurs, sur l'offshore normand. La RT 2012 est faite par l'administration ; elle est le reflet des coûts et de l'efficacité comparés du gaz naturel par rapport aux autres sources d'énergie. Nous espérons que la pénétration du gaz, notamment pour les usages domestiques de chauffage, va se poursuivre. Comme l'a dit M. Sigonney, de façon générale, dans la quasi-totalité des pays du monde, le développement du gaz est synonyme de développement d'une énergie propre. Il est le principal vecteur de la transition énergétique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le monde. GRDF a des projets de développement et ne ralentit pas ses investissements de croissance. Il est vrai que des industriels, plutôt petits, sont installés relativement loin des réseaux de distribution, cela en France et en Europe comme aux États-Unis. Nous réfléchissons à un mode d'alimentation sous forme de gaz naturel liquéfié, dit LNG, pour de telles entités éloignées des réseaux et qui ont besoin de gaz naturel. Nous le faisons déjà aux États-Unis et nous l'étudions aujourd'hui en Europe.

Nous essayons également de réduire le torchage qui est techniquement nécessaire sur les terminaux méthaniers pratiquement du monde entier lorsqu'ils sont à l'arrêt ou en fonctionnement réduit, ce qui est malheureusement le cas actuellement : puisque les centrales à gaz marchent moins, les terminaux méthaniers marchent moins. Il y a techniquement aujourd'hui nécessité de torcher de temps en temps pour des raisons de sécurité. On ne le fait pas de gaîté de coeur, évidemment, si on pouvait utiliser ce gaz à autre chose, nous le ferions. Nous étudions des moyens de réduire ce torchage, quitte peut-être à réinvestir pour produire de l'électricité avec le gaz en question.

Je suis heureux que la question du stockage de gaz ait été soulevée. J'avais, en son temps, saisi Mme Delphine Batho du risque que le faible remplissage des stockages de gaz en France à ce moment de l'été pouvait faire encourir à la sécurité d'approvisionnement gazier pour l'hiver prochain. La direction générale de l'énergie s'est saisie de la question ; GRDF a été sollicité ; nous-même travaillons sur le sujet parce qu'il nous préoccupe. Or GDF Suez représente aujourd'hui moins de 50 % des parts de marché du gaz pour les grandes entreprises. Il faudra veiller à ce que les autres fournisseurs aussi respectent leurs engagements de stockage de gaz.

M. Mathis, la sécurité d'approvisionnement que j'ai évoquée dans mon exposé liminaire concernait l'électricité. Depuis trente-cinq ans, la sécurité d'approvisionnement du gaz en France est assurée. Elle l'a été même au plus fort de la crise entre la Russie et l'Ukraine ; elle l'a été même au moment de la grande crise d'approvisionnement gazier en Europe : alors que les Anglais manquaient de gaz en plein hiver, jamais les Français n'en ont manqué. Nous travaillons pour que cela continue. En matière d'électricité, ce n'est pas nous qui sommes en charge de la sécurité d'approvisionnement. En France, une entité est nommément désignée : le Réseau de transport d'électricité (RTE). Je voulais signaler que la fermeture des centrales à gaz dans toute l'Europe va priver le système électrique européen d'unités faites pour les pointes. Nous demandons aux pouvoirs publics de trouver une solution. Des systèmes de capacité sont déjà en place, qui demandent toutefois à être ajustés et calibrés, pour pouvoir maintenir en vie des entités qui seront utiles au moment des pointes d'hiver. Je crois qu'il faut le faire vite. La loi NOME a bien prévu un système de capacité, mais il ne fonctionnerait qu'à partir de 2016. D'ici là, nous aurons quelques hivers à passer...

S'agissant du gaz de houille, GDF et Suez, chacun de son côté avant la fusion, s'étaient penchés sur les projets du Nord qui n'avaient pas paru extraordinairement intéressants. Nous allons regarder à nouveau puisque les promoteurs des exploitations en question ont remis le sujet, très habilement d'ailleurs, sur la place.

Je laisserai M. Sigonney aborder l'impact du gaz de schiste sur les prix. Je dirai simplement que GDF Suez se penche sur le sujet dans d'autres pays que la France pour étudier les technologies et éventuellement voir avec leurs gouvernements ce qu'il y a lieu de faire. La production américaine de gaz étant abondante et bon marché, nous travaillons, avec un groupe américain et les groupes japonais Mitsui et Mitsubishi, sur un projet d'usine de liquéfaction de gaz qui serait basée en Louisiane et qui exporterait le méthane produit vers l'Asie via le canal de Panama, dont d'ailleurs notre groupe a réalisé l'élargissement des écluses.

S'agissant de la tarification progressive de l'énergie, le président Brottes connaît bien notre position et depuis longtemps. Bien avant l'élection présidentielle, nous avions mis en place, dans un certain nombre de municipalités qui le souhaitaient, une tarification progressive de l'eau. Avec plusieurs années de recul, on peut dire que cela marche bien. Lorsque l'idée a été lancée de la tarification progressive de l'énergie, nous avons été auditionnés et avons indiqué que cela pouvait tout à fait fonctionner, même si, pour des raisons pratiques, le système est un peu plus compliqué que pour l'eau.

Dans le domaine de la géothermie, on distingue deux types. L'un produit des eaux extrêmement chaudes, à 200 ou 250 degrés. C'est ce type de procédé qui est mis en oeuvre aux Philippines ou en Indonésie où nous avons les plus grands projets du monde en la matière. Cette eau, cette vapeur plus précisément, est utilisée pour produire de l'électricité. En France, la géothermie est utilisée pour chauffer. À Paris, par exemple, nous avons proposé à la ville de compléter le réseau de chaleur, que nous gérons via la CPCU, par une ressource géothermique afin d'atteindre les fameux 50 % d'énergies renouvelables permettant de bénéficier d'une TVA réduite sur la chaleur vendue. À Bruxelles, le siège de notre filiale Electrabel est chauffé en totalité avec la géothermie, de type source froide celle-là. Même avec des températures relativement modestes de 50 à 60 degrés, on peut extraire de la chaleur et chauffer une maison. Avec la géothermie, on peut aussi, à l'inverse, refroidir la maison en remettant la chaleur soustraite dans les eaux du sous-sol. Je crois beaucoup au développement de la géothermie thermique.

Ce que l'on appelle gaz vert est du méthane. Soit on le trouve dans le sol, à l'état de gaz naturel ; soit on le produit par la méthanisation de matières végétales – déchets urbains, de stations d'épuration, industriels ou encore déchets agricoles dont le potentiel est très important. La méthanisation est dix fois plus développée en Allemagne qu'en France, ce qui n'est pas normal. Elle constitue pour le monde agricole un revenu supplémentaire. En Allemagne, une quantité significative d'exploitations agricoles tirent la moitié de leurs revenus de la production d'énergie. En France, un plan de développement vient d'être lancé pour faire mille méthaniseurs. Nous comptons bien apporter notre contribution à ce plan. Sur cette question, j'ai rencontré M. Le Foll, et GDF Suez a également signé un accord avec la FNSEA pour être le partenaire énergétique du monde agricole en mettant l'accent sur la méthanisation précisément.

L'hydrogène, c'est autre chose. S'il est produit par électrolyse de l'eau qui consomme une électricité d'origine éolienne, on peut dire que c'est de l'hydrogène produit avec de l'air et de l'eau, et que ce sera naturel. Simplement, bien entendu, le mélange hydrogène et méthane ne peut se faire que dans des proportions extrêmement contrôlées.

Sur plusieurs projets, nous travaillons avec la BPI et la BEI.

Nous sommes favorables à une énergie territorialisée, plus décentralisée. Il est normal que les collectivités territoriales, à la fois pour réduire la consommation d'énergie de leurs bâtiments publics et leur empreinte carbone, soient plus impliquées dans la gouvernance de l'énergie sur leur territoire.

La responsabilité sociale de l'entreprise, on le constate à l'intérieur même de notre groupe, s'applique au domaine énergétique dans toutes ses composantes – transition énergétique, dimension sociale, accès à l'énergie pour tous. Nous avons lancé une initiative intitulée Rassembleurs d'énergies, qui vise, en utilisant à la fois notre fondation, nos 2 000 volontaires internes et un fonds solidaire que nous avons créé de 100 millions d'euros, à participer à des opérations de soutien d'entrepreneurs sociaux dans le domaine de l'énergie.

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