Intervention de Gérard Mestrallet

Réunion du 17 juillet 2013 à 9h30
Commission des affaires économiques

Gérard Mestrallet, président du groupe GDF Suez :

Plutôt que de s'intéresser à la seule modalité des tarifs d'achat, je préfèrerais que le commissaire européen ait une vue beaucoup plus large des énergies renouvelables et de la politique de développement qu'il convient de leur appliquer en Europe. Je souhaiterais que l'Union puisse avoir une vision transversale sur le rythme du développement et sur la nature des énergies renouvelables à favoriser, ce qui suppose un cadrage général. Nous sommes favorables à ce que l'on fixe une perspective de réduction des émissions de CO2 de moins 40 % à l'horizon 2030. C'est notre objectif. Certains peuvent le trouver excessif, d'autres insuffisant. C'est dans le cadre d'un objectif global qu'on devra ensuite bâtir une politique européenne en matière d'énergies renouvelables, une politique qui précisera la nature exacte du système de soutien. Quant à savoir s'il faut un tarif d'achat ou un crédit d'impôt, cette question, à ce stade en Europe, me paraît complètement secondaire. La politique européenne s'avère un tel champ de ruine qu'il faut reconstruire de manière globale, en abandonnant toute vision partielle.

Nous constatons sur le terrain que les certificats d'économies d'énergie sont adaptés pour l'industrie et pour les entreprises, mais qu'ils ne sont finalement pas très efficaces pour les particuliers. Le certificat est délivré par l'artisan à la fin des travaux d'isolation, ce n'est donc pas ce document qui a eu l'effet déclencheur. Nous pensons que le passeport, qui comporte une obligation en volume pour les fournisseurs d'aller chez les particuliers, d'élaborer un diagnostic sur l'efficacité énergétique du logement, ainsi que des recommandations de travaux aurait plus d'effet. Libre, ensuite, au locataire ou au propriétaire d'effectuer les travaux en fonction des aides dont il pourra bénéficier. Pour identifier celles-ci, les collectivités locales auront un rôle d'accompagnement à travers les guichets uniques qui présenteraient ce que peuvent faire l'Ademe et l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat.

S'agissant du marché des quotas, nous souhaitons que le backloading, c'est-à-dire la mise à l'écart des certificats, souhaité par la Commission européenne mais retoqué par le Parlement européen, puisse se faire. Ce serait toutefois un pas assez minime puisqu'il faudrait ensuite éliminer définitivement des quantités importantes de certificats. Pour la suite, il faut avoir une vision à terme, ne plus se contenter d'appliquer des sparadraps sur le système qui s'est écroulé. Sa reconstruction passe par la fixation d'objectifs à l'horizon 2030 et de points de passage de manière à envoyer un signal carbone clair aux entreprises.

Le pire pour une entreprise, c'est de ne pas savoir. Aujourd'hui, le système ne marche plus ; au-delà de 2020, on ne sait pas ce qu'il va se passer, c'est le vide sidéral. Or investir dans l'énergie demande deux ou trois ans d'études, quatre à cinq ans de construction : on est déjà en 2020 ! En conséquence de quoi, il n'y a pas d'investissement aujourd'hui. M. Van Rompuy évaluait à 1 000 milliards les besoins d'investissement en Europe dans le secteur de l'énergie. Qui va les faire ? Ni les États ni les entreprises. Nous avons donc un vrai problème.

Le stockage de l'électricité est un sujet absolument majeur et il faudrait y consacrer une bonne partie des ressources de la recherche. Cet aspect est plus important que jamais parce que les nouvelles énergies développées sont complètement intermittentes, ce qui entraîne une volatilité des prix de l'électricité qui n'est pas stockable en l'état. Une bande d'électricité vaut 40 euros aujourd'hui ; au moment des pointes de consommation, elle peut monter à 1 000 voire 3 000 euros ; lorsqu'il y a, comme à Noël dernier, beaucoup de vent et des températures pas trop froides, le prix de l'électricité peut être négatif. D'où l'intérêt de pouvoir stocker l'électricité issue d'énergies intermittentes. On sait stocker du gaz et de l'eau pour produire de l'électricité, mais le processus inverse est beaucoup plus difficile. Les stations de pompage hydroélectriques, extrêmement flexibles, sont les meilleurs instruments possibles pour stocker de l'électricité. Or ce sont des investissements très lourds difficiles à réaliser aujourd'hui dans nos pays européens : ils nécessitent deux réservoirs – un bas qui est généralement existant, un haut qui est complètement artificiel, ce qui pose beaucoup de problèmes techniques et environnementaux.

Une autre voie consiste à faire du gaz à partir de l'électricité. Nous travaillons dessus, de même que les Allemands. Cette formule présente un intérêt pour le transport, car, aujourd'hui, le public est très hostile à la construction de nouvelles lignes de haute tension. En Allemagne, la production éolienne est implantée dans le Nord alors que la consommation d'électricité la plus importante a lieu en Bavière, dans le Sud. De fortes oppositions s'expriment contre la construction de lignes qui relieraient le Nord et le Sud. Or si l'on pouvait transformer l'électricité produite par les éoliennes du Nord en gaz que l'on transporterait vers le Sud par les gazoducs qui existent, on aurait une amorce de solution. Je me livre là à de l'anticipation technologique, mais il faut travailler sur ce stockage des énergies renouvelables.

Le déploiement du compteur de gaz intelligent Gazpar s'effectuera sur une période relativement longue. Nous y travaillons avec le régulateur. C'est GRDF qui aura la charge de le développer.

S'agissant des tarifs sociaux, le président Brottes sait que nous préconisons leur extension depuis des années. Bien sûr, si la majorité des consommateurs doit payer le gaz à son vrai coût, il faut prendre en compte la situation de millions de foyers qui sont en précarité énergétique. J'avais proposé cette extension à M. Fillon, mais il craignait qu'elle ne se propage à d'autres domaines ; puis elle a été mise en place à l'occasion de la réforme des tarifs du gaz. C'est un bon complément et nous nous préparons à cette extension parce qu'il faut que les gens sachent qu'ils peuvent en bénéficier.

Si je devais répondre aussi rapidement que M. Straumann m'a posé la question sur les tarifs de l'électricité, je ne pourrais qu'escamoter le sujet. Je préfère sortir mon joker. Ce que je peux dire, c'est que le coût de l'électricité renouvelable doit être payé par l'électricité ; le coût des énergies renouvelables gaz, par exemple le biogaz, doit être payé par le gaz. Il ne doit pas y avoir de tarification croisée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion