Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 3 octobre 2012 à 21h30
Ratification du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Motion d'ajournement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Pas une ligne, pas un mot n'a été modifié depuis que Nicolas Sarkozy l'a signé le 2 mars. Le Premier ministre l'a confirmé la semaine dernière sur France 2, en expliquant que « d'un point de vue juridique » il n'avait pas été renégocié.

Il s'agit bien du même texte, négocié en quelques semaines sous la pression de l'Allemagne et des marchés financiers, qui renforce encore le carcan de la discipline budgétaire sur les pays de la zone euro. Un « pacte budgétaire » qui complète, en les durcissant encore, les nouvelles dispositions de surveillance et les sanctions prévues par le pacte de stabilité récemment réformé.

Autant de mesures qui touchent de plein fouet la souveraineté des peuples et sont contraires à la démocratie. Ainsi, l'article 3 prévoit que la situation budgétaire des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent. Le déficit structurel annuel ne devra pas excéder 0,5 % du PIB nominal sur un cycle économique. En cas de dérapages, un mécanisme de correction sera déclenché automatiquement. Ces règles ne pourront être contournées qu'en cas de « circonstances exceptionnelles », dûment détaillées.

Au-delà des principes posés, le pacte prévoit le renforcement des mécanismes nationaux et supranationaux de contrôle de la discipline budgétaire des États. Un dispositif de surveillance et de sanction, où les projets de budgets nationaux se trouvent soumis à un contrôle européen au printemps de chaque année avant qu'ils ne soient présentés dans les parlements nationaux : c'est le fameux « semestre européen ».

En pratique, des inspecteurs de la Commission pourront être dépêchés dans les États récalcitrants, comme c'est déjà le cas en Grèce, au Portugal et en Irlande, ces fameux inspecteurs européens caricaturés en croque-mort dans les journaux grecs. Belle image !

Plus aucun État ne pourra échapper à l'objectif de l'équilibre budgétaire : les sanctions sont rendues quasi automatiques tout au long de la procédure en cas de dérapage ou de déficit supérieur à 3 % du PIB. Ces fameux 3 %, qui figurent déjà dans le projet de loi de finances pour 2013, et qui feront débat.

De plus, un contrôle juridictionnel supranational est prévu pour vérifier le respect des engagements des États. La Cour de justice européenne pourra être saisie par un État membre, si celui-ci estime qu'un de ses partenaires n'a pas correctement transposé cette « règle d'or » dans son droit national. La Cour pourra sanctionner financièrement le contrevenant.

La crise donne ici le plus beau prétexte aux technocrates européens pour imposer leurs décisions aux peuples souverains.

Notre assemblée et les représentants du peuple que nous sommes en feront les frais dès la semaine prochaine avec le débat organisé salle Lamartine sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances, dans le cadre du semestre européen. Dans ce débat interviendront, dès la première phase, des présidents de commissions du Parlement européen et, mieux, un ou plusieurs représentants – non élus – de la Commission européenne. En face, les députés auront droit à deux minutes pour poser des questions. C'est sans doute déjà trop !

Mes collègues François Asensi et Marc Dolez ont démontré que ce traité portait atteinte à la souveraineté budgétaire de la France et donc au droit des parlementaires de décider librement des orientations économiques et sociales, du budget de la nation et du budget de la sécurité sociale. Ici comme ailleurs en Europe, les institutions de l'Union chapeauteront le Parlement.

On le sait, ces choix ne se feront pas dans l'intérêt des peuples. Pour s'en convaincre, il suffit de voir comment les dirigeants européens ont géré la crise en multipliant les sommets de la dernière chance et les plans d'austérité, en menant une offensive sans nuance contre les dépenses publiques et les droits sociaux : blocage des salaires, réduction du nombre des fonctionnaires, réforme des retraites et de l'assurance maladie, remise en cause des politiques et des prestations sociales, privatisations…

Je n'ai pas entendu parler ici des conséquences directes de ce traité pour les peuples. Regardons nos amis grecs qui sont passés sous la coupe du fameux MES, partie intégrante du TSCG. Ils voient avec frayeur débarquer la fameuse troïka qui va leur imposer le neuvième plan d'austérité ! On comprend mieux que l'Espagne hésite à emprunter la même voie.

Mais je veux être plus précis encore. Comment ce neuvième plan d'austérité pour la Grèce se décline-t-il ? C'est la baisse des salaires de 22 % ; la baisse des salaires des jeunes de 32 % ; la baisse du salaire minimum, qui passe à moins de 480 euros. C'est le plafonnement des allocations chômage à 313 euros par mois ; c'est la suppression des protections sur les contrats à durée indéterminée ; c'est le licenciement programmé de 150 000 fonctionnaires ; ce sont les privatisations de l'eau, de l'électricité, de l'énergie et leurs conséquences ; c'est un PIB grec qui s'est contracté de 25 % et un chômage qui a plus que doublé, atteignant 22 %. Voilà la traduction concrète de ce que d'aucuns osent appeler un soutien à la Grèce !

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