Intervention de Nicolas Sansu

Séance en hémicycle du 3 octobre 2012 à 21h30
Ratification du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Motion d'ajournement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Sansu :

Vous me permettrez de citer les propos tenus par Jean-Marc Ayrault au nom du groupe socialiste, lors du débat sur le Mécanisme européen de stabilité : « Nous n'acceptons pas d'enfermer les peuples dans une camisole, fût-elle cousue de fil d'or. Nous n'acceptons pas que la pensée unique soit institutionnalisée et que les peuples n'aient d'autres choix que l'austérité, quel que soit leur vote. Nous ne voulons pas d'une démocratie sous conditions. » Quelle clairvoyance en ce 21 février 2012 !

Monsieur le ministre, comprenez bien que les contradictions évidentes ne sont pas une satisfaction que l'on brandit comme des trophées. Non, notre volonté est de vous convaincre que cette Europe libérale qui engendre la crise financière, économique, sociale et politique, nous mène à la faillite, à l'exacerbation des divisions et de la haine. C'est aussi notre rôle de réaffirmer que, face aux spéculateurs, on ne contourne pas, on affronte !

L'engagement n° 11 du candidat Hollande, qui a été notre champion commun au second tour, marquait à juste titre la nécessité de renégocier le traité. Comme l'ont précisé Alain Bocquet, François Asensi, Marc Dolez, Gabriel Serville et bien d'autres encore, cet engagement avait été pris car l'on savait que la ratification de ce traité ne résoudrait en aucun cas la crise existentielle que traverse l'Union.

Le traité d'austérité ne nous prémunira pas contre de nouvelles attaques des marchés financiers mais, au contraire, renforcera leur tutelle, au prix de l'abandon des grandes avancées sociales du siècle dernier et du dessaisissement démocratique des citoyens.

Le pacte d'austérité budgétaire consacre l'orthodoxie budgétaire par la sanctuarisation de la règle d'or, au détriment des dépenses publiques et sociales utiles.

Ce traité ne résoudra pas non plus la crise politique de l'Union Européenne. Il ne résorbera pas le fossé béant qui sépare les citoyens des dirigeants européens en contournant leur volonté et en leur faisant payer cette énième crise du capitalisme.

Ce traité ne permet nullement une sortie de crise car il n'a qu'un objectif : conforter l'Europe libérale, à l'oeuvre depuis tant d'années, de l'acte unique au Traité de Lisbonne. Ce traité ne marque pas de rupture ; c'est en cela que nous sommes cohérents, monsieur le ministre.

Si les salariés de Florange, si les fonctionnaires espagnols, si les retraités grecs sont mis à la diète, les marchés financiers et les établissements bancaires font ripaille. Monsieur le ministre, vous proposez aux salariés, aux retraités, aux couches moyennes et populaires de se serrer la ceinture en attendant la solidarité. Vous avez raison, ils auront moins faim ! Non, la solidarité ne saurait passer après la discipline.

Je ne peux que rappeler ici les mots poignants de Mikis Theodorakis et Manolis Glezos : « Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu'ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. Leurs programmes de sauvetage aident seulement les banques étrangères. Si les États ne s'imposent pas sur les marchés, ces derniers les engloutiront. Si vous autorisez aujourd'hui les sacrifices des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l'autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. »

Oui, le problème de l'Europe libérale, c'est la prééminence d'un système financier prédateur, qui a mis en place des outils pour faire payer par les peuples ses errements.

Je vais vous donner quelques chiffres pour illustrer mon propos, et montrer combien des pratiques financières sont inconséquentes.

La dette publique espagnole est passée de 36,1 % du PIB en 2007 à 68,5 % en 2011, celle de l'Irlande de 25 % à 108 % sur la même période… On défendra difficilement la thèse que les Espagnols et les Irlandais se sont jetés frénétiquement sur les médicaments ou ont décidé de partir en retraite à 40 ans ! C'est le désastre des systèmes bancaires qu'ils ont sur les bras ! En fait, les finances publiques éclusent les désastres de la finance privée, subprimes notamment, que la poursuite frénétique de la déréglementation et la dérégulation ont rendus possibles.

Oui, mes chers collègues, comme l'a dit le Président de la République dans un discours fondateur de sa campagne électorale, « l'ennemi, c'est la finance ».

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