Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 3 octobre 2012 à 21h30
Ratification du traité sur la stabilité la coordination et la gouvernance au sein de l'union économique et monétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Le redressement de notre pays et de nos territoires exige un effort que les Français sont prêts à accepter, à condition qu'il soit équitablement partagé et accompagné d'un volet important en faveur de la croissance.

Tel est le message exprimé par le Président de la République lors de la campagne électorale, et dont nous sommes, au sein de la majorité, les garants.

La confiance dont nous honorent les électeurs repose sur notre promesse d'une réorientation, dans un esprit de justice, de la politique économique menée en France et en Europe. Le respect des engagements du Président de la République en faveur de la renégociation de ce traité conditionne donc le maintien de cette confiance.

Nous saluons l'annexion au traité d'un pacte de croissance, signe important d'un changement, même symbolique, apporté au texte initial.

Oui, ce texte initial, inspiré conjointement par M. Sarkozy et Mme Merkel, avait été dénoncé par la gauche de façon quasi unanime. Il abaissait alors le déficit structurel de 1 % à 0,5 %, en maintenant en parallèle un déficit nominal à 3 %. De même, il prévoyait la mise en place d'une majorité inversée en cas de procédure pour déficit excessif. Or le texte qui nous est présenté aujourd'hui contient toujours l'ensemble de ces mesures qui vont pressurer l'État et les collectivités locales. La meilleure preuve n'est-elle pas l'inclusion des investissements publics dans le déficit structurel de 0,5 % ?

Autrement dit, voter ce texte revient à admettre que soient limités à 0,5 % du déficit structurel les investissements productifs dont nous avons besoin pour notre croissance – y compris ceux qui intégreraient les objectifs stratégiques européens –, à moins d'être compensés par des baisses de dépenses ou des hausses d'impôts.

Dans certains territoires, où les potentialités sont immenses à condition d'être accompagnées des investissements indispensables à leur réalisation, l'abaissement de ce déficit structurel intégrant les dépenses d'investissement aura pour effet de corseter les marges de manoeuvre.

Je pense au territoire de la Guyane, qui dispose d'un secteur de l'énergie susceptible de générer d'immenses retombées économiques pour l'avenir, ainsi que d'un gisement d'emplois disponibles dès maintenant. En outre, l'explosion démographique représente un potentiel considérable de talents ne demandant qu'à s'exprimer.

Le redressement attendu nécessiterait au contraire des marges de manoeuvre accrues en matière d'investissements productifs. Au-delà de l'évolution du chiffre admis pour le déficit structurel, il aurait été nécessaire d'en exclure les investissements, afin de permettre une véritable relance économique.

La volonté de stabiliser les dépenses de fonctionnement peut correspondre à un contexte, mais celui-ci ne saurait justifier que nous nous privions des instruments susceptibles de raviver la croissance, au premier rang desquels l'investissement.

La meilleure orthodoxie budgétaire ne consiste pas à imposer un véritable corset à la mobilisation de notre appareil économique.

Comment accepter que soit entérinée la règle d'or, fustigée par l'opposition de l'époque, et qui réduit nos marges de manoeuvre tout en dessaisissant notre Parlement de la possibilité de débattre de certains aspects de la politique économique, notamment d'une politique de relance dite procyclique ?

N'eût-il pas été également utile de disposer de définitions harmonisées en matière de déficit structurel et de croissance potentielle entre les différentes institutions qui les entendent différemment, qu'il s'agisse de la Commission de Bruxelles, de la Cour des comptes ou de la direction du Trésor, sans oublier l'ensemble des États européens ?

Dès lors, et en l'absence d'un pacte de croissance suffisamment doté, puisqu'il équivaut à seulement 1 % du PIB européen, ce traité risque de nous conduire tout droit vers l'austérité en raison de la récession annoncée.

Enfin, des annonces fortes concernant la réorientation globale de l'Europe sont toujours attendues, notamment concernant le six-pack et le two-pack, qui préemptent les droits du Parlement, notamment en matière budgétaire.

Au regard de ces nombreuses interrogations sans réponse, je serais tenté – et j'emploie bien le conditionnel – d'émettre un vote d'abstention.

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