Intervention de Pascal Cherki

Séance en hémicycle du 20 juin 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière — Après l'article 10 quater, amendement 75

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

L'objet de l'amendement n° 75 est d'inclure la Caisse des règlements pécuniaires des avocats – la CARPA – dans la liste des personnes visées par l'article L.561-2 du code monétaire et financier, à qui il incombe de faire des déclarations de soupçon.

Le sujet n'est pas simple. Dans une société démocratique, les avocats bénéficient, pour eux-mêmes et pour leurs clients, du secret professionnel. Si le secret professionnel, qui protège la profession d'avocat, doit être préservé et sanctuarisé, il ne doit cependant pas servir de paravent à des irrégularités commises par une minorité de professionnels indélicats – c'est un avocat qui vous parle. Comment faire pour préserver le secret professionnel, tout en avançant sur la question de la CARPA ?

À la lecture du rapport de Tracfin, on constate qu'en 2011, sur plus de 11 000 déclarations de soupçon faites par l'ensemble des personnes et institutions assujetties à l'article L.561-2, une seule émanait d'un avocat. Mieux, le barreau de Paris avait attaqué devant le Conseil d'État les décrets d'application sortis en 2009, à la suite des modifications législatives intervenues à ce moment. L'affaire a été portée jusque devant la Cour européenne des droits de l'homme, considérant que l'obligation pour les avocats de faire une déclaration de soupçon par l'intermédiaire du bâtonnier était attentatoire au secret professionnel.

Par ailleurs, je veux également souligner que le Groupe d'action financière, le GAFI, a relevé que le comportement de certains professionnels du droit, notamment des avocats, n'était pas conforme à ses recommandations. Nous devons donc agir, à la fois en sanctuarisant le secret professionnel et en prenant en compte le fait que des irrégularités peuvent être commises.

L'amendement n° 75 aborde le problème sous l'angle de la CARPA. En effet, si une minorité d'agissements est susceptible de poser problème et de donner lieu à des soupçons, il est logique d'en retrouver la trace au niveau de la caisse servant à enregistrer les mouvements de fonds faits par les avocats pour le compte de leurs clients. Je reconnais que mon amendement comporte un petit défaut : tel que je l'ai rédigé, il prévoit que la CARPA adresse les déclarations de soupçon directement à Tracfin. C'est pourquoi mon collègue Nicolas Sansu a déposé un sous-amendement n° 105 visant à mettre l'amendement en conformité avec l'article L.561-17 du code monétaire et financier, en prévoyant que la CARPA adresse des observations au bâtonnier du barreau dont elle dépend, bâtonnier à qui il reviendra le cas échéant de faire la déclaration de soupçon à Tracfin.

Je pense que cet amendement est de nature à aider la profession d'avocat à prendre conscience de l'urgence qu'il y a à amplifier le mouvement de lutte contre le blanchiment. Certes, ce n'est pas facile, mais d'autres professions, comme celle des notaires, s'y sont mises progressivement, et il n'y a pas de raisons pour que les avocats n'en fassent pas de même. Pour ma part, j'ai confiance en eux.

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