Intervention de Alexis Bachelay

Réunion du 28 mai 2013 à 16h00
Mission d'information sur les immigrés âgés

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Bachelay, rapporteur :

Mesdames les ministres, je vous remercie à mon tour pour la clarté de vos propos. J'ai le sentiment que vous avez suivi de très près les travaux de la Mission. Certaines des préconisations qui seront dans le rapport ont d'ores et déjà fait l'objet aujourd'hui, de votre part, d'annonces extrêmement importantes.

Ces auditions constituent incontestablement un temps fort des travaux que nous menons maintenant depuis plus de cinq mois dans le cadre de cette mission parlementaire, dirigée par le président Jacquat dans un esprit de consensus. Les attentes sont grandes et nous partageons la même volonté d'améliorer de façon tangible les conditions de vie de ces migrants âgés.

Je suis heureux de constater que vous partagez notre sentiment d'urgence, lié à la très grande précarité et aux caractéristiques socio-sanitaires de cette population. Si les parlementaires et la Conférence des présidents de l'Assemblée nationale ont pensé nécessaire de créer cette mission, c'est notamment parce que les migrants âgés ont une espérance de vie de dix ans inférieure à celle de nos compatriotes, qu'aujourd'hui deux à trois migrants âgés décèdent chaque jour dans les foyers Adoma, et que plus de la moitié des migrants âgés déclarent être en maladie professionnelle ou avoir été victimes d'accidents du travail.

En entendant des responsables de la sécurité sociale ou des médecins qui suivent de façon régulière ces populations, nous avons appris que celles-ci recouraient moins souvent que les autres aux soins et à notre système de sécurité sociale – contrairement d'ailleurs à ce que l'on peut parfois entendre. En outre, parce qu'elles ont souvent exercé des métiers peu qualifiés, qu'elles ont eu une carrière hachée en raison du chômage ou du comportement des employeurs (travail non déclaré, fiche de paie falsifiée), elles perçoivent des retraites contributives nettement plus faibles que les retraités français. Cette faiblesse a été quelque peu compensée par la mise en place de l'ASPA. Malheureusement, la non-exportabilité de cette allocation de solidarité nationale leur pose de graves problèmes.

Je reviendrai sur quelques points.

Tout d'abord, madame la ministre, vous avez évoqué la question des contrôles. Je fais d'ailleurs partie des parlementaires qui ont attiré votre attention à ce propos. Je rappelle que dès 2009, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) avait recommandé l'utilisation de méthodes de contrôle plus respectueuses des droits fondamentaux et du principe de non-discrimination. Mais si votre réponse m'a rassuré pour l'avenir, je m'interroge sur les dossiers en cours. En effet, des contentieux assez durs opposent les caisses aux chibanis, qui se sont parfois rassemblés dans des collectifs pour tenter de défendre leurs droits et n'hésitent pas à aller jusqu'à saisir le juge pénal. Certains migrants âgés doivent rembourser des indus importants, surtout par rapport au montant de leurs revenus. Le ministère envisage-t-il de réexaminer ces cas et les actions déjà engagées ?

Par ailleurs, l'aide à la réinsertion familiale et sociale était en effet prévue par les articles 58 et 59 de la « loi DALO ». Pour des raisons qui ont été mises à jour dans le cadre des travaux de la Mission, notamment grâce au témoignage direct et franc de M. Jean-Louis Borloo, les décrets qui auraient permis la création effective de cette aide n'ont jamais été publiés. Le texte répondait essentiellement à la situation des travailleurs migrants âgés de plus de soixante-cinq ans vivant en foyers et ciblait donc de façon explicite cette population souvent « célibatairisée », qui souffre le plus d'isolement et se sent le moins libre de ses mouvements. De fait, ce sont souvent eux qui gardent une chambre dans le foyer pour pouvoir bénéficier du complément d'ASPA. Au-delà de l'annonce très forte qui a été faite par la ministre, nous souhaiterions savoir s'il est envisagé de publier les décrets, ou si la mise en oeuvre de cette allocation pourrait suivre un autre chemin législatif. Avez-vous poussé les expertises jusqu'à savoir selon quel calendrier et sous quelle forme ?

Je reviendrai également sur la contribution des différentes caisses de sécurité sociale, au titre de leur action sociale, à l'amélioration de la situation des résidents de foyers de travailleurs migrants. Comment faciliter l'intervention des services sociaux dans ces foyers ? Comme nous l'avons constaté, ce public très spécifique ne va pas spontanément vers les services sociaux. Les représentants d'Adoma nous ont bien parlé d'une médiation sociale. Malheureusement, sa mise en place n'en est qu'aux balbutiements. Le ministère peut-il l'accélérer ?

Ensuite, comme l'a fait remarquer Mme Delaunay, il est important de sensibiliser les pouvoirs locaux à la problématique des personnes âgées. Il est indispensable d'inscrire systématiquement cette dernière dans tous les schémas gérontologiques, que ce soit à l'échelon départemental ou régional. Mais il ne faut pas oublier de sensibiliser les pouvoirs publics à l'échelle communale. La commune est en effet le premier échelon d'intervention sociale, via les centres communaux d'action sociale (CCAS). Or, l'implication des communes est très inégale. Si certaines communes prennent des responsabilités dans ce domaine, d'autres ne le font pas.

Je voudrais également vous interpeller sur la question de la rupture des droits, notamment lors du passage à la retraite. Comment orienter l'action des régimes de retraite en faveur des publics les plus éloignés de leurs droits ?

Je terminerai par la situation spécifique des conjointes. Souvent, au moment de la retraite, certains travailleurs migrants, qui ont vécu très longtemps seuls en France parce que leur famille était restée au pays, font venir leur conjointe. Ils ont des problèmes de santé, ne sont plus autonomes et ont besoin d'un accompagnement. Celles qui les rejoignent, parfois au bout de trente ans, ne maîtrisent pas le français et n'ont jamais travaillé dans notre pays. Quand leur conjoint décède, elles sont très démunies financièrement car elles n'ont pas de retraite contributive. Il semble qu'il faille porter une attention particulière à ces femmes. La question a été soulevée de façon récurrente au cours de nos travaux.

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