Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 29 mai 2013 à 16h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

Pour ce qui est de la feuille de route de la France, elle est principalement liée à la constitution du gouvernement de transition, l'idée initiale étant que cette conférence se tienne, qu'elle réunisse des représentants de l'opposition et des représentants du régime et qu'il en sorte un gouvernement de transition, avec l'aide des Nations unies et des participants présents. D'autres conceptions sont défendues, telle la constitution de groupes de travail sur les différentes questions. Des réflexions sur les façons de procéder ont déjà commencé, à la fois du côté du P3 et un peu avec les Russes. Reste que l'essentiel est d'abord de se mettre d'accord sur les participants et l'ordre du jour.

Monsieur Terrot, vous avez parlé de guerre de religions ; je crains que vous n'ayez raison. D'une part, il y a la grande opposition fondatrice entre chiites et sunnites.. Côté sunnite, je n'ai pas l'impression que la position de l'Arabie saoudite soit exactement la même que celle du Qatar, de la Turquie ou des Émirats arabes unis. Et que dire lorsqu'on les entend parler d'al-Qaïda, qui se réclame aussi du sunnisme ? Si cette opposition était déjà vraie au Moyen-Âge, au moins, à l'époque, n'avait-on pas les armes de maintenant. Sans en faire un sujet pour l'Académie des sciences morales et politiques, la question « religions et politique étrangère » est fondamentale lorsqu'il s'agit du Proche-Orient et du Moyen-Orient. On ne peut pas avoir de lecture si l'on n'a pas cet élément à l'esprit, vous avez mille fois raison.

Il y a, d'autre part, le traitement réservé aux chrétiens, dont beaucoup sont partis, en effet, vers d'autres territoires. Nous insistons auprès de la Coalition, qui en est d'accord d'ailleurs, pour dire que la Syrie à laquelle nous aspirons respecte toutes les communautés. Bien évidemment, ces communautés bénéficient de l'aide française et européenne sans discrimination. Nous sommes en relation avec les chefs d'église ; moi-même, j'ai eu l'occasion d'en recevoir plusieurs.

Dans un autre domaine, il y a une politique française et européenne d'aide à l'accueil. M. Mamère nous disait plus réticents que d'autres à la venue de Syriens. Non. Beaucoup de Syriens sont chez nous, certains sont très connus, d'autres le sont moins. Si l'Allemagne et la Suède sont en pointe avec respectivement 6 000 et 7 800 personnes accueillies, en France plusieurs centaines de demande d'asile ont été traitées depuis 2011. En tout cas, il n'y a, de notre part, ni appel d'air ni volonté de refus.

Sur le sujet du nombre de morts, M. Giacobbi a fait un rappel malheureusement terrible. Je me souviens que, dans une de ses pièces, Jean Anouilh s'interroge sur le nombre de morts à partir duquel on parle de catastrophe, et qu'en philosophie le sorite est un argument utilisé pour traiter de cette question. Plus couramment, nous parlons peut-être de tragédie d'autant plus tôt qu'elle frappe des pays plus proches de nous.

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