Intervention de Seybah Dagoma

Réunion du 29 mai 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSeybah Dagoma, rapporteure :

Je remercie l'ensemble des intervenants. Monsieur Giacobbi, nous ne sommes pas en Corée du Nord ! Nous ne sommes pas hostiles aux échanges mondiaux. Nous considérons simplement qu'ils doivent être justes et la situation actuelle ne nous paraît pas satisfaisante.

Les accords commerciaux sont normalement votés à la majorité qualifiée au sein de l'Union. Mais comme cet accord transatlantique touche aux aspects commerciaux de la propriété intellectuelle et aux investissements directs, il semblerait qu'une décision à l'unanimité soit requise. La question est en débat. De toute façon, comment pourrait-on avancer si la France d'emblée posait son veto ?

Nous demandons dans ce projet de résolution que soit adoptée la procédure de fast track – je vous prie d'excuser cette expression anglo-saxonne, monsieur Dufau –, qui habilite le président des États-Unis à négocier l'accord, le Congrès, qui a compétence en matière de commerce international, ne pouvant ensuite que l'approuver ou le refuser, sans pouvoir l'amender.

Je ne partage pas le point de vue selon lequel, au motif que le libre-échange est critiquable, mieux vaudrait pratiquer la politique de la chaise vide. Il faut entrer dans la négociation et y défendre nos intérêts. J'entends bien l'argument selon lequel les États-Unis ne vont pas réformer leur Constitution pour conclure un accord de libre-échange. Mais si aucune réciprocité n'est possible, il faudra être dur. Telle est en tout cas ma position.

Je ne reviens pas sur le recours à l'arbitrage. Il doit absolument être exclu du mandat de négociation.

Comment cet accord s'inscrit-il dans le contexte mondial ? Les parlementaires américains que nous avons rencontrés ne nous ont pas caché que leur priorité était l'accord transpacifique, auquel seront parties tous les États de la zone, sauf la Chine. Or, le déficit commercial des États-Unis vis-à-vis de la Chine s'élève à 315 milliards de dollars. Nous avons, pour notre part, un accord de libre-échange en négociation avec le Japon, partie prenante à l'accord transpacifique. Le Japon se trouvera donc en quelque sorte en position d'arbitre.

Je ne partage pas du tout l'avis de M. Lellouche selon lequel tout devrait être mis sur la table des négociations, y compris le secteur de la défense. Il doit absolument en être exclu.

Lors de nos auditions, nous avons rencontré les représentants des PME, notamment la CGPME. Ils nous ont exposé les problèmes structurels qu'ils rencontrent pour exporter et ont insisté sur le coût que représentent les barrières non tarifaires, notamment les procédures administratives.

Monsieur Giacobbi, si j'ai qualifiée de « réducteurs » les modèles sur lesquels se fondent les études d'impact, c'est que seulement vingt secteurs ont été décrits et que le monde y a été divisé en onze zones. Quant aux « présupposés libéraux » de ces études, c'est que la concurrence y est supposée « pure et parfaite » et que la question des inégalités de revenus comme celle de la répartition des gains éventuels du libre-échange y sont totalement ignorées.

La traçabilité est un sujet important. Pour l'alimentation, notre système repose sur une traçabilité et des contrôles « de la fourche à la fourchette ». Le système américain est totalement différent : on s'y moque de l'étape de la production mais à l'autre bout de la chaîne, on décontamine à l'eau de Javel. Nos conceptions sont radicalement opposées. Il faudra tenir bon sur les nôtres.

Les négociateurs américains disent pour l'instant que tout est mis sur la table. Je pense pourtant que le secteur financier sera exclu, de même que ce qui touche aux transports maritimes et aériens. La négociation sera aussi très dure sur l'ouverture des marchés publics.

En conclusion, je pense qu'il faut entrer dans cette négociation. La France ne peut pas s'isoler en la refusant seule. Mais le mandat doit être strict et exigeant. Nous verrons bien ensuite ce qui adviendra. Nous défendrons nos intérêts, les États-Unis défendront les leurs. Après les auditions que nous avons eues là-bas, je pense que si l'accord devait être conclu aujourd'hui, il ne faudrait pas, en l'état, le signer. Mais négocions. Il sera toujours temps de prendre position à la fin des négociations.

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