Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 29 mai 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Plusieurs responsables français, dont la ministre du commerce extérieur, sont tentés d'exclure a priori certains secteurs comme l'agriculture et les biens culturels. Cela serait contre-productif. En effet, le Congrès américain fera alors de même de son côté, et le champ de la négociation se réduira comme peau de chagrin. Dussé-je être le seul de cet avis ici, je pense qu'il faut tout mettre sur la table des négociations, notamment le secteur de la défense. Ne nous leurrons pas, il n'y pas de marché unique pour l'industrie militaire en Europe, seulement des morceaux d'industries nationales qui sont en train d'être rachetés par les États-Unis. Si nous voulons pouvoir intervenir demain sur le marché américain, il faut faire tomber les barrières non tarifaires. Cet accord le permettra. Sinon, autant renoncer de suite à cet objectif !

Il faudrait éviter que le projet de résolution n'énonce une série de voeux pieux. Que les États-Unis ne jouent pas du niveau du dollar en fait partie. Qui pourrait croire que cet accord est de nature à modifier la politique de change des États-Unis ou à les conduire à réviser leur Constitution ? Si on trouve l'euro trop fort, c'est à la Banque centrale européenne qu'il faut demander d'intervenir ! Et si on veut ouvrir les marchés de tel ou tel État fédéré, il suffit d'appliquer le principe de réciprocité. Il faut en avoir la volonté politique et faire pression sur la Commission. On fait bien jouer cette clause avec le Canada, lorsque Bombardier gagne des marchés de renouvellement des trains en banlieue parisienne et que la France ne peut toujours pas exporter les siens dans certaines régions canadiennes.

J'en viens au suivi parlementaire. Le Congrès américain suit de très près tous les accords commerciaux internationaux et les parlementaires n'hésitent jamais à réclamer une mesure protectionniste pour protéger une production de leur État. Je souhaiterais que nous fassions de même. Madame la présidente, notre commission peut se donner les moyens de suivre étroitement la négociation. Il suffit d'en avoir la volonté politique. Mettons en place une sous-commission qui en sera spécifiquement chargée. À défaut, ne nous plaignons pas que le Congrès américain soit plus efficace que nous !

En conclusion, il me paraît bien tardif de traiter seulement aujourd'hui de ce sujet alors que le Conseil européen doit se prononcer le 14 juin. Je ne suis pas certain non plus que tout le travail de concertation en interne côté français ait été fait. Il faudra négocier fermement à Bruxelles pour que d'autres États ne risquent pas d'imposer des points que nous refusons. Il faudra ensuite assurer le suivi parlementaire étroit que j'appelle de mes voeux. Enfin, ne nous berçons pas d'illusions, plus de secteurs auront été exclus du champ de la négociation, plus cela sera favorable aux États-Unis. Il faut au contraire tout mettre sur la table et ensuite ne pas hésiter à faire des « deals ».

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