Intervention de Fabrice Verdier

Réunion du 28 février 2013 à 10h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabrice Verdier, rapporteur :

Ces chiffres favorables se conjuguent avec des fragilités préoccupantes. Par rapport à nos partenaires européens, le problème de la France ne réside pas dans le nombre d'entreprises créées, mais dans l'insuffisance de leur développement.

Le rapport de la Cour évoque à cet égard des « entreprises sans salariés » : en 2011, seules 5,7 % des entreprises créées employaient au moins un salarié au moment de leur création, alors que, en Allemagne, environ 22 % des nouvelles entreprises embauchaient au moins une personne.

La faible croissance et le fort taux de mortalité des jeunes entreprises françaises s'expliquent notamment par le fait que les créateurs d'entreprise recourent trop peu à l'accompagnement d'une structure de conseil. Ce constat nous conduit à nous demander s'il y a aujourd'hui, dans notre pays, une politique publique de la création d'entreprises susceptible de répondre à ces difficultés et de corriger ces faiblesses. La réponse est négative. D'abord, il n'y a pas une politique publique unique de la création d'entreprises. Les dispositifs d'aide à la création d'entreprises résultent d'une construction historique. Les aides se sont empilées depuis les années 1970. Après le premier choc pétrolier, il s'agissait d'aider les chômeurs à créer leur propre entreprise ; à la fin des années 1990, on cherchait à favoriser la création d'entreprises par les chercheurs ; enfin, à partir des années 2000, ces dispositions visent à simplifier la création d'entreprises classique.

Cet empilement se reflète dans une organisation administrative dépourvue de vision d'ensemble, où la création d'entreprises relève de trois ministères distincts : économie, emploi, enseignement supérieur et recherche.

Les dispositifs à destination des chômeurs représentent la très grande majorité des dépenses en faveur de la création d'entreprises. Les aides à la création d'entreprises sont financées à 56 % par la sécurité sociale, l'UNEDIC et Pôle emploi.

Tout cela finit par constituer une offre pléthorique, dont le coût est difficilement mesurable.

La Cour des comptes relève que ces dispositifs sont parfois redondants.

Chacun d'entre eux est financé par un ou plusieurs acteurs : l'État, ses opérateurs – Oséo, la Caisse des dépôts et consignations –, les collectivités territoriales, Pôle emploi, l'UNEDIC, etc. Il est de ce fait très difficile de recenser et d'évaluer le coût des dispositifs. Ainsi, la Cour des comptes n'est pas parvenue à recenser l'intégralité des aides locales, les collectivités territoriales n'identifiant pas spécifiquement les aides à la création d'entreprises au sein de leurs dispositifs d'aide aux entreprises. Il en résulte un véritable « maquis » – mot fréquemment utilisé pendant nos auditions – d'intervenants et de financeurs : l'État, ses opérateurs, ses services déconcentrés, trois, voire quatre niveaux de collectivités territoriales. Les dispositifs financés par l'UNEDIC ou la sécurité sociale ont une gouvernance spécifique, associant les partenaires sociaux. La coordination de tous ces acteurs est largement perfectible.

Il ne faut pas oublier d'y ajouter les acteurs privés : les experts-comptables, les chambres consulaires, le secteur associatif, les investisseurs, les banques, qui ont besoin d'un environnement plus stable et plus lisible et de relations clarifiées avec les pouvoirs publics.

Cet éclatement de la gouvernance se traduit par l'existence de sept guichets différents. La Cour des comptes a même calculé qu'un demandeur d'emploi qui a intégré le parcours « création d'entreprises » de Pôle emploi peut être confronté jusqu'à cinq interlocuteurs différents dans le cadre de ses démarches pour obtenir l'aide à la reprise ou à la création d'entreprises (ARCE), l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise (ACCRE) et le nouvel accompagnement à la création ou la reprise d'entreprise (NACRE), sans prendre en compte les éventuelles démarches auprès d'opérateurs intervenant pour le compte de collectivités territoriales : le conseiller de Pôle emploi chargé du suivi de son dossier et de la procédure d'octroi de l'ARCE ; un premier opérateur d'accompagnement si le porteur de projet a bénéficié de l'évaluation préalable à la création d'entreprises (EPCE), prévue dans l'offre de services de Pôle emploi ; le centre de formalités des entreprises (CFE), pour le dépôt de la demande d'ACCRE ; un opérateur NACRE phase 1 ; et enfin un troisième opérateur d'accompagnement pour les phases 2 et 3 du dispositif NACRE. Voilà l'exemple d'un des parcours les plus simples qui attendent un demandeur d'emploi qui voudrait créer son entreprise.

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