Intervention de Pascal Canfin

Réunion du 22 mai 2013 à 16h15
Commission des affaires étrangères

Pascal Canfin, ministre délégué chargé du développement :

La conférence des donateurs « Ensemble pour le renouveau du Mali », qui s'est tenue le 15 mai à Bruxelles, réunissant 108 délégations et treize chefs d'État et de gouvernement, dont le Président de la République française, a été un succès diplomatique pour la France et un rendez-vous réussi pour le Mali, la France, l'Union européenne et la communauté internationale dans son ensemble.

Notre premier objectif était quantitatif. Il s'agissait de mobiliser la communauté internationale à la hauteur des demandes exprimées par le Mali. Les besoins de développement du pays pour les deux prochaines années avaient été évalués à quatre milliards d'euros, dont deux devant être financés par les Maliens eux-mêmes et les deux autres par la communauté internationale. Nous sommes arrivés à un engagement cumulé de 3,2 milliards d'euros, dont 2,2 milliards correspondant à des crédits supplémentaires, un milliard consistant en des aides déjà prévues. La France a su mobiliser l'ensemble de la communauté internationale.

Le deuxième objectif était de mener à bien cette conférence dans un cadre original, franco-européen. C'est la première fois qu'une telle conférence était organisée conjointement par un pays membre et la Commission européenne. Nous avons su innover et mettre à profit la valeur ajoutée d'un travail mené en collaboration avec la Commission.

Le troisième objectif était de convaincre l'ensemble des pays que le décaissement de l'aide devait être subordonné à des avancées politiques dans le pays. Ce contrat figure clairement dans le document de conclusions de la conférence. En contrepartie de l'aide qui lui sera versée, le Mali s'engage à respecter les engagements de la feuille de route de janvier dernier, à organiser des élections le 28 juillet prochain et à poursuivre le processus de réconciliation en cours.

J'en profite pour faire ici un point sur les élections comme vous m'y avez invité, madame la présidente. Il faut impérativement que le premier tour de l'élection présidentielle ait lieu le 28 juillet prochain, comme l'engagement en a été pris. Il y va de la crédibilité de la parole politique. Si cet engagement-là ne devait pas être tenu, quelle serait la valeur des autres ?

Toutes les parties s'étant accordées sur la date du 28 juillet, reste maintenant à résoudre divers problèmes techniques. Il faut ainsi que les personnes déplacées puissent voter sans avoir à retourner dans leur région d'origine : nous y travaillons avec l'entreprise qui a obtenu le marché de la gestion biométrique des listes électorales et avec l'administration. Les réfugiés également doivent pouvoir voter : nous y travaillons avec le Haut commissariat aux réfugiés et les autorités. Il faut enfin qu'il soit possible de voter sur l'ensemble du territoire malien, y compris à Kidal. Nous y travaillons également.

Le quatrième objectif de la conférence de Bruxelles était de garantir la traçabilité de l'aide. Nous le devons au peuple malien comme aux contribuables français en ces temps de crise. L'utilisation de l'aide internationale au Mali jusqu'à présent nourrit trop de suspicions. Nous savons que des détournements ont pu avoir lieu.

Nous avons donc décidé de lancer une expérience pilote. Un site internet, accessible à tous, fera état de l'ensemble des projets financés par l'aide bilatérale française, avec indication de leur calendrier prévisible de réalisation. Toute ONG malienne pourra ainsi savoir que tel centre de santé financé par la France doit ouvrir à telle date dans tel village, telle piste doit être transformée en route à telle date, tel village être équipé à telle date d'une station de pompage ou d'épuration… Et si aux dates prévues, rien n'a été fait, il sera possible de le signaler auprès d'une hot line. Avec dix millions de téléphones portables en service au Mali, il ne devrait pas être trop difficile aux intéressés d'envoyer un SMS sur cette hot line. Je crois en cette décentralisation du contrôle citoyen de l'aide internationale pour en renforcer la transparence, l'efficacité, mais aussi l'appropriation par la société civile malienne. J'aurai l'occasion de travailler concrètement à ce projet lors de mon prochain déplacement à Bamako.

Il faut maintenant convaincre les bailleurs des institutions multilatérales de faire de même. Le délégué de l'Union européenne au Mali m'a indiqué que l'Union y était prête. Si la Banque mondiale et d'autres s'associent au projet, il sera possible de contrôler l'utilisation de la quasi-totalité de l'aide. Pour la première fois, aura été mis en place un système d'information et de pilotage totalement transparent et décentralisé.

Sur les 3,2 milliards d'euros promis au total, les engagements bilatéraux de la France s'élèvent à 280 millions, auxquels s'ajoutent ses engagements multilatéraux. L'ensemble de notre aide, bilatérale et multilatérale, en faveur du Mali dans les deux prochaines années représente 430 millions d'euros, contre 520 millions pour l'Union européenne, 390 millions pour la Banque mondiale et 240 millions pour la Banque africaine de développement. C'est dire que la France est à la hauteur de son rang et de ses responsabilités. Plus de la moitié de notre aide est constituée de dons, le reste de prêts, ce qui se justifie pour certains équipements.

L'efficacité de l'aide dépendra aussi d'une bonne organisation entre bailleurs. Nous avons tenu à ce que la stratégie, définie dans un document unique, soit validée par l'ensemble des bailleurs et les autorités maliennes. Ce document s'accompagne d'un tableau de bord des équipements prioritaires à financer. Je réunirai à Bamako les représentants des principaux bailleurs pour poursuivre la répartition des financements.

Il va nous falloir gagner maintenant ce que j'appelle « la bataille des six mois ». Il faut gagner la saison agricole cet été, gagner la rentrée scolaire, gagner le retour des réfugiés lorsque les conditions de sécurité et de confiance politique seront réunies – c'est là qu'il existe un continuum entre l'action militaire, l'action politique et le développement. L'Union européenne prendra en charge le financement de l'organisation du retour des réfugiés alors que la France financera plutôt le rétablissement des réseaux d'adduction d'eau et d'électricité et la réouverture des écoles. Depuis trois mois que l'aide internationale a repris, même si des centaines de milliers d'enfants ne sont toujours pas scolarisés, deux cents écoles ont pu rouvrir grâce à la contribution de la France, qu'elle ait servi à réhabiliter les équipements, fournir du matériel ou payer les enseignants. Il y a trois mois, il n'y avait plus du tout d'électricité à Gao ou à Tombouctou. L'alimentation électrique est aujourd'hui assurée sept heures par jour, de 6 heures à 8 heures du matin et de 19 heures à minuit.

Beaucoup reste encore à faire mais les services publics commencent à reprendre pied. La bataille n'est pas encore gagnée. Le succès dépend aussi de la capacité des Maliens à trouver entre eux un compromis politique, faute de quoi, nous le savons, les politiques de développement pourraient ne servir de rien. Soyez en tout cas assurés que notre pays prend toute sa part au développement du Mali. Je veille en permanence à ce que les crédits promis soient bien dégagés et à ce que leur utilisation soit contrôlée.

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