Intervention de François André

Réunion du 22 mai 2013 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois André :

Philippe Vitel et moi travaillons à un rapport sur l'exécution des crédits de défense en 2011 et 2012. Le montant de l'enveloppe dédiée au surcoût des opérations extérieures – les OPEX – et le caractère aléatoire des crédits qui leur sont alloués en loi de finances initiale sont parmi les sujets qui posent question. Le ministre de la Défense nous a donné une première série de chiffres, mais nous aimerions connaître votre propre estimation et la façon dont vous envisagez la ventilation de ce surcoût entre les différents postes budgétaires.

Amiral Édouard Guillaud. Comme les Britanniques et les Portugais, nous avons hérité notre zone d'influence en Afrique de notre histoire coloniale. Certains cadres des armées africaines, formés dans nos écoles militaires de métropole ou dans les écoles nationales à vocation régionale (ENVR) que nous avons créées dans leurs pays, ont pris l'habitude de coopérer avec nous. Cette influence, qui nous vaut un capital de plusieurs dizaines de voix à l'appui des motions que nous présentons à l'assemblée générale de l'ONU, ne se résume certes pas à son aspect militaire – y contribue aussi la francophonie, par exemple –, mais il y a là un acquis auquel la direction de la coopération de sécurité et de défense n'a pas plus que nous l'intention de renoncer. Elle nous permet en effet de prépositionner nos forces et de nouer des contacts utiles dans la région ..

Le Président Traoré demande au Président Hollande l'installation, au Mali, d'une base militaire française comparable à celle qui existe à Dakar ; mais nous ne pouvons évidemment être partout. En revanche, des détachements d'instruction comme d'assistance militaire opérationnelles demeurent, et pas seulement à base de forces spéciales. Le plan Sahel se poursuit également et la coopération avec les Maliens, interrompue en janvier 2012, reprend, y compris dans un cadre bilatéral, en complément de la mission européenne de formation – celle-ci ne concerne que le Mali, mais il existe aussi un plan EUCAP Sahel Niger, que les instances bruxelloises ont toutefois du mal à ajuster à la situation : l'hystérésis est d'au moins dix-huit mois, délai particulièrement long au regard du rythme de développement des crises dans la région.

Certains de nos détachements travaillent en permanence avec les forces nigériennes et mauritaniennes ; nous aidons les pays de la région, comme le Tchad, le Niger et le Burkina Faso, à se conformer aux standards de l'ONU, selon lesquels, par exemple, un bataillon est composé de 850 hommes exactement, avec une structure de commandement bien définie. L'effondrement de l'armée malienne, avec laquelle nous coopérions pourtant depuis plusieurs années, est l'une des raisons qui justifient la poursuite de nos efforts. En fin de compte, la coopération peut se concevoir de deux manières : la première, nord-américaine, consiste à multiplier les formations de trois semaines, puis à offrir du matériel en promettant de revenir trois ans plus tard ; en réalité, le matériel disparaît alors au bout de trois semaines car les soldats, faute d'avoir touché leur solde, le vendent. La seconde, que nous avons toujours privilégiée, est de mobiliser moins d'hommes sur place mais de les y maintenir longtemps tout en assurant un suivi régulier : c'est ce que nous avons fait au Sénégal et au Togo, dont les armées sont réputées en Afrique et jusqu'à l'ONU. Les Canadiens, qui m'ont entretenu du sujet, sont manifestement sur la même ligne.

S'agissant de votre question sur l'OTAN, monsieur Le Bris, je dirai que les Maliens sont manifestement à la recherche de financements plus que d'une intervention directe de l'OTAN, intervention que les autres pays de l'OTAN ne semblent pas disposés à conduire. J'ajoute que l'Alliance considère le Mali comme une zone, non de guerre, mais de crise, pour laquelle elle est juridiquement moins outillée que l'Union européenne. Quant à celle-ci, son action est entravée par des lourdeurs institutionnelles, en particulier par l'organisation en « tuyaux d'orgue » de ses différentes directions générales : sur trente-trois, onze sont concernées par la gestion de crise ! Et les représentants spéciaux nommés par l'Union européenne n'ont aucune autorité sur celles-ci…

Aux États-Unis et au Royaume-Uni, les OPEX ne figurent pas dans le budget de la défense ; c'est cette logique qui a longtemps prévalu en France, où l'on procédait aux ajustements nécessaires dans le cadre d'un collectif budgétaire, qui réorientait certains crédits militaires – au risque de déséquilibrer la gestion des programmes – ou en prenait ailleurs. Depuis quelques années, les provisions inscrites dans la loi de finances initiale permettent de couvrir le coût des opérations à hauteur de 70 % ; mais ces sommes sont incluses dans le budget général de la défense, ce qui, je le répète, n'est pas le cas dans d'autres pays. Quoi qu'il en soit, les 630 millions d'euros prévus au titre des OPEX n'incluent pas l'opération Serval, pour laquelle 300 millions d'euros ont été engagés. La facture globale d'une telle opération est de l'ordre de 100 000 euros par homme et par an ; or, au pic de notre engagement, 4 500 hommes appartenant à 101 formations différentes étaient mobilisés, soit 3 000 hommes en moyenne annuelle – puisqu'il faut inclure les forces présentes à la périphérie –, de sorte qu'au total, le coût dépassera les 400 millions d'euros à la fin de l'année. Une fois consommés les crédits dédiés, il faudra trouver de l'argent ailleurs et, le ministère du budget proposera probablement de prélever une partie des sommes sur notre propre budget, Matignon accordant éventuellement une rallonge. La dépense totale pourrait dépasser, comme en 2011, le milliard d'euros – perspective qui, croyez-le bien, est préoccupante.

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