Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 18 septembre 2012 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMatthias Fekl :

Grâce à votre initiative, monsieur le président, la réflexion de notre Commission va pouvoir nourrir les travaux de la commission Jospin : soyez-en remercié.

Nos concitoyens ont des attentes fortes en matière d'exemplarité de la République, de normalisation de la vie de nos institutions, de meilleure participation, de plus grande transparence. Nos travaux doivent s'inscrire dans le cadre des engagements que le Président de la République a pris lors de la campagne électorale à propos du statut pénal du chef de l'État, de la question des membres de droit du Conseil constitutionnel, de la revalorisation du rôle du Parlement, du cumul des mandats, du renforcement de la parité ou des règles d'inéligibilité en cas de condamnation pour fait de corruption.

Je voudrais pour ma part vous soumettre quatre propositions concrètes concernant les conflits d'intérêts, la revalorisation du rôle du Parlement, un nouveau souffle pour notre démocratie et le Conseil constitutionnel.

La question des conflits d'intérêts a été traitée de manière quasi exhaustive par l'excellent rapport de la commission que présidait le vice-président du Conseil d'État, Jean-Marc Sauvé. Il nous appartient aujourd'hui de réfléchir aux modalités de mise en oeuvre de ses préconisations pour les élus et, notamment, pour les parlementaires. Je tiens toutefois à exprimer les réserves que m'inspire tout code de déontologie : un tel document risque en effet d'entretenir le plus grand flou en se contentant d'énumérer des principes non normatifs ou des évidences. Or nous avons l'obligation d'inscrire dans la loi une définition opérationnelle des conflits d'intérêts et d'inventer ensuite les mécanismes de leur contrôle.

Nous devons en outre mener une réflexion sur les incompatibilités qui frappent les parlementaires. Certaines sont évoquées avec insistance dans le débat public. Ainsi, s'il est concevable qu'un avocat devenu parlementaire continue d'exercer sa profession pour éviter de voir péricliter son cabinet, il me semble profondément choquant qu'un parlementaire ait la possibilité, grâce à un système d'équivalences d'ailleurs assez contestable et auquel il faudrait mettre un terme, de devenir avocat en cours de mandat. On est élu pour siéger au Parlement, pas pour exercer le métier d'avocat.

Le non-cumul s'impose comme un principe fort. Il constitue d'ailleurs un engagement du Président de la République, que le Parlement doit rendre opérationnel en en précisant les modalités d'application. Cette avancée démocratique progresse depuis trente ans, grâce à des lois qui ont souvent été votées par des majorités de gauche, mais elle n'est pas une fin en soi et n'a aucun sens si elle ne sert qu'à stigmatiser des élus, à jeter le discrédit, voire l'opprobre, sur leur travail. Elle doit au contraire contribuer à revaloriser le rôle du Parlement. C'est pourquoi elle nécessite toute une série de réformes d'accompagnement.

Ainsi, il convient de définir un statut de l'élu, faute de quoi de très nombreux élus, parlementaires ou élus locaux, n'auront plus les moyens de remplir concrètement les missions et les mandats qui leur ont été confiés par les électeurs.

Il faut également s'atteler à une véritable revalorisation du rôle du Parlement, car, une fois qu'il ne sera plus composé que d'élus ne cumulant pas, il ne sera plus possible de le traiter de manière cavalière.

Il faut envisager de renforcer nos missions et nos compétences en matière d'évaluation : évaluation de l'application de la loi que nous votons, évaluation des politiques publiques – domaine dans lequel, malgré de récents progrès, nous restons les parents pauvres en Europe. Il paraît, à cet égard, indispensable de renforcer les capacités d'audit et d'expertise dont nous disposons. Nombre d'organes consultatifs relevant de l'exécutif pourraient nous être rattachés : je pense notamment au Centre d'analyse stratégique, mais il serait bon de nouer en même temps des rapports plus étroits avec la Cour des comptes.

Il faut, en outre, faire avancer la question de la représentation proportionnelle : le Président de la République a pris des engagements à cet égard.

Enfin, posons la question du redécoupage des circonscriptions, qui devra se faire dans la transparence et l'indépendance.

Permettez-moi de verser au débat – fût-ce sous une forme interrogative – une idée de Guy Carcassonne, qui proposait qu'un candidat à l'élection présidentielle n'ayant pas été élu mais ayant obtenu un nombre significatif de suffrages puisse automatiquement devenir député pour la législature qui suit. Cette proposition mérite d'être expertisée : elle renforcerait la représentativité de notre assemblée.

Il n'y aura pas de nouveau souffle démocratique si l'on ne donne pas aux étrangers le droit de vote aux élections locales et si l'on ne limite pas le cumul des mandats, mais il faudra également renforcer la parité en prévoyant des sanctions beaucoup plus sévères pour les formations politiques qui ne se plient pas à cette exigence. On peut aussi imaginer d'inscrire dans une loi organique l'obligation d'un gouvernement paritaire : cela reviendrait à prendre acte d'un objectif qui, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, est aujourd'hui atteint.

En ce qui concerne les parrainages, je rejoins la proposition que vous avez formulée, monsieur le président, d'accorder aux citoyens la possibilité de parrainer un candidat à l'élection présidentielle. Cela permettrait de concilier l'exigence de représentativité et la diversité des candidatures, à condition de prévoir des filtres pour garantir le sérieux du débat.

Il me semble enfin indispensable de réviser la Constitution en abrogeant l'alinéa qui prévoit que les anciens Présidents de la République font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel. Cette disposition, qui pouvait se justifier en 1958, eu égard aux missions qui étaient alors celles du Conseil constitutionnel, paraît aujourd'hui dépassée, étant donné la juridictionnalisation croissante d'une institution qui, aujourd'hui, s'apparente davantage à une cour suprême. Il nous faut tirer toutes les conséquences de cette évolution, que ce soit en termes de fonctionnement du Conseil constitutionnel ou pour l'image qu'il offre à nos concitoyens, lesquels acceptent de moins en moins sa politisation.

En ce domaine aussi, nous aurons à mener une réflexion sur les règles d'incompatibilité. N'est-il pas surprenant, par exemple, qu'un membre du Conseil constitutionnel puisse en même temps exercer la profession d'avocat ? Si cela pouvait se concevoir à la création du Conseil, les nouvelles missions qui lui ont été confiées rendent aujourd'hui cette possibilité inacceptable, car elle peut entraîner toute sorte de problèmes en matière de fonctionnement interne de l'institution, de conflits d'intérêts, de déontologie, d'image. On ne peut pas en même temps être juge constitutionnel et plaider en tant qu'avocat dans un barreau. La révision de la loi organique relative au Conseil constitutionnel s'impose.

Nombre de ces propositions concrètes pourraient être d'application rapide et aisée. Puissent ces réflexions nourrir les travaux de la commission Jospin. Elles n'épuisent certes pas le débat. Il reste en effet la question centrale, qu'a évoquée tout à l'heure notre collègue Jean-Frédéric Poisson, de la nature de notre régime constitutionnel depuis qu'a été instauré le quinquennat et que majorité présidentielle et majorité parlementaire coïncident presque automatiquement. Il est toutefois probable que la commission Jospin n'est pas le lieu où toutes ces questions pourront être réglées.

1 commentaire :

Le 12/10/2012 à 10:42, YVAN BACHAUD (retraité) a dit :

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Pour le Conseil constitutionnel.

Les citoyens sont choqués que le Conseil constitutionnel soit DESIGNE par les présidents de la République , de l'AN et du Sénat qui placent des vieux de leur camp pour services rendus.

Nous proposons le tirage au sort des 9 membres parmi les enseignants en droit constitutionnel ceux qui acceptent la le poste savent qu'ils feront l'objet d'une enquête très poussée de la DCRI comme elle le fait pour entrer dans ses propres services.

Si nous disposions du RIC c'est une réforme qui serait très probablement sélectionnée.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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