Intervention de Jean Glavany

Réunion du 24 avril 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Glavany :

Nous étions, avec Jacques Myard, en déplacement en Libye puis en Tunisie dans le cadre de la mission d'information sur les révolutions arabes. Nous avons passé la soirée qui a précédé l'attentat avec l'ambassadeur de France en Libye et ses équipes ainsi que la communauté française à la Résidence. Nous avions visité la veille les locaux de la Chancellerie, locaux rénovés après les saccages dont ils avaient été l'objet par les éléments kadhafistes, qui hébergent des bureaux mais aussi le service consulaire de délivrance de visas, si bien qu'une quarantaine de personnes étaient alors présentes. Si cette explosion était intervenue deux heures plus tard, cela aurait été un carnage absolu. C'est la raison pour laquelle certains spéculent sur le fait que les auteurs de l'attentat ne cherchaient pas à tuer, mais je ne suis pas sûr qu'ils maîtrisent si bien les heures d'explosion.

Concernant la sécurité de l'ambassade, la Chancellerie se situe dans une petite rue très étroite d'un quartier résidentiel. Les moyens de protection sont limités à 5 ou 6 personnes et 4 gendarmes dans le local de sécurité à l'entrée. Les policiers autour du site ne font pas preuve d'une vigilance active. La réalité, c'est que dans les ambassades de ce type, on ne peut compter que sur nous-mêmes. Nous avons eu des entretiens de haut niveau, notamment avec le premier ministre, et nous avons pu constater à quel point il n'y a pas d'appareil d'Etat : ni armée, ni police, ni justice, ni services publics. La Libye est aujourd'hui un pays qui a une économie, contrairement à d'autres pays qui connaissent des troubles, grâce à la rente pétrolière, et on n'y meurt pas de faim. Mais d'Etat il n'y a point. Une des principales préoccupations des autorités libyennes est de gérer cette situation et de reconstruire l'Etat.

Trois hypothèses circulent sur les auteurs de l'attentat.

La première est la Katiba, ces ministres qui par dizaines, par centaines, se partagent le pouvoir dans des zones tribales mais aussi dans Tripoli et Benghazi, qui sont surarmés et que le gouvernement tente d'intégrer dans la force militaire, mais c'est difficile. Cependant, on ne voit pas pourquoi ils se seraient attaqués à la France, d'autant que notre pays est aujourd'hui très populaire en Libye.

La deuxième hypothèse est celle des groupes kadhafistes, qui auraient agi par vengeance, mais là encore cela paraît peu plausible dès lors que ce groupe est disséminé et ses membres souvent à l'étranger.

La dernière hypothèse, la plus probable, est celle d'un acte de groupes djihadistes qui s'en prennent aux intérêts français après l'intervention au Mali dont nous savions tous qu'elle nous exposerait à des représailles éventuelles. La Libye étant, comme je l'ai dit, sans Etat, c'est un terrain d'action favorable pour s'en prendre à la force.

Je souhaiterais dire que la soirée que nous avons passé le lundi à la Résidence a eu pour leitmotiv auquel nous étions prêts à croire que le Quai d'Orsay devait revenir sur ses conseils aux voyageurs qui classent 95 % du pays en zone rouge. Le sentiment général était que ces restrictions entravaient le développement du pays et que les Français se font « manger la laine sur le dos » par les Allemands, les Italiens et les Turcs notamment.

L'équipe sur place est solide et de bonne qualité et tous ont été traumatisés par cette explosion d'une rare violence. Il faut signaler aussi que le bâtiment d'en face a été atteint, que des arbres ont été déracinés et que tout le rez-de-chaussée de la Chancellerie a été soufflé (gardiennage, service des visas et locaux où travaille le personnel de l'ambassade). La visite du ministre Laurent Fabius, accompagné de notre collègue Pouria Amirshahi, a été très appréciée.

Pour les conséquences à en tirer en termes de vigilance, je dirais que sur cette partie du continent africain et ailleurs, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, mais que les Américains, qui déploient de gros moyens pour assurer leur sécurité, ne parviennent pas toujours non plus à se prémunir contre ce type d'attaques.

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