Intervention de Thierry Tuot

Réunion du 24 avril 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Thierry Tuot :

Rien ! C'est un autre débat politique. Évidemment, nous travaillons forts de l'expérience acquise dans les débats ou l'absence de débat sur le sujet du gaz de schiste. Nous réfléchissons à un déroulement de réflexion pour la prochaine substance qui suscitera à la fois des inquiétudes quant aux modes d'exploitation et des espérances quant aux retombées : notre sous-sol en recèle-t-il ? Si oui, comment l'exploiter ? Si nous exploitons, quelles seront les conséquences et quels seront les rapports ? Au sein de notre groupe de travail, il n'y a pas une intervention qui ne regrette que le nouveau code minier n'ait pas été en vigueur au moment où le débat sur le gaz de schiste s'est ouvert.

Les membres de la commission ont une totale liberté de parole, à l'intérieur comme à l'extérieur. Chacun est libre de prendre une position, et les dissensus sont nombreux. Néanmoins, je constate, après quelque huit mois de travaux, que France Nature Environnement, les Amis de la Terre et WWF continuent de parler avec l'Union française des industries pétrolières, Total, Shell, BP, Vermilion et monsieur Schilansky. Le consensus de fond semble donc plus important que les revendications des uns et des autres. Ce consensus est assez simple : tout le monde a compris, du côté des industriels, qu'on ne ferait plus de trou sans l'accord des populations et, du côté des associations, qu'on n'arriverait pas à faire prendre en compte l'environnement avec une attitude de refus pur et simple. En échange de vraies responsabilités pour les associations dans la prise de décision, la possibilité est ouverte de reprendre des exploitations maîtrisées répondant aux exigences d'un développement soutenable. C'est là que réside le principal consensus, même si, au moment de la rédaction des articles, de nombreux désaccords retrouvent à s'exprimer.

Nous ne touchons pas au rôle des grands établissements. Nous prévoyons la possibilité de permis de recherche académique qui laisseront une place, le cas échéant, à une expérimentation. Je ne sais pas si cela pourra s'appliquer ou non au gaz de schiste puisque, à l'heure actuelle, les gaz de schiste sont traités par la loi de 2011 et pas par le code minier.

Sous l'effet de la transparence, tout sera accessible, y compris le schéma minier et ses inventaires. De mon point de vue, outre la morale publique, c'est essentiellement cette transparence, notamment en matière financière et fiscale, qui apportera la réponse aux risques de corruption. Aujourd'hui, en matière environnementale, il est facile pour un opérateur puissant de proposer des travaux ou la compensation de dommages auprès d'une collectivité territoriale dans la plus totale opacité. Notre idée est de faire en sorte que, désormais, cette discussion financière ait lieu ouvertement et qu'elle porte sur une répartition très claire de l'ensemble des compensations sous forme de redevances. C'est la meilleure garantie qu'on puisse trouver.

L'implication des collectivités territoriales dans la réforme est totale : non seulement elles participent à la réflexion à travers leurs associations représentatives, mais elles interviendront dans la mise en oeuvre ultérieure, au niveau du pilotage local des procédures de concertation et d'enquête, voire au niveau de la décision.

L'information accrue et complète du public passera par l'application du principe de transparence ainsi que par le recours à plusieurs domaines d'expertise, l'adaptation des études d'impact et un contrôle permanent sur l'ensemble des étapes. Notamment, en cas de pluralité d'intervenants et de sous-traitants, des mécanismes d'information et d'agrément devront être mis en place.

Le fonds d'indemnisation n'est pas du tout destiné à boucher les trous des dispositifs publics. Nous sommes partis de l'idée que la responsabilité de l'après-mine incombe à l'exploitant, à défaut à ses actionnaires que l'on doit pouvoir aller chercher jusqu'au fond de la mine si nécessaire. Or, s'il n'y a pas d'exploitant, il faut quand même pouvoir indemniser nos concitoyens qui subissent un préjudice. C'est l'objet du fonds qui pourrait intervenir dans deux types de situation. D'une part, lors d'un problème d'après-mine engendrant des situations humaines douloureuses. Une avance de trésorerie immédiate serait effectuée par le fonds, qui serait subrogé dans le droit des victimes et pourrait, sous forme de class action maîtrisée, se retourner et agir au nom et pour le compte des personnes indemnisées. D'autre part, dans des cas où la bonne foi et l'honnêteté des exploitants ne sont pas en cause mais où l'on se trouve néanmoins devant des situations imprévisibles et imprévues, telles l'effondrement de mines exploitées du temps des Romains ou de marnières pour lesquelles il n'y a ni titre minier ni exploitant. Dans ces cas-là aussi, la solidarité nationale doit pouvoir s'exercer.

Pour abonder un fonds, rien de plus facile que de recourir à l'impôt. Or on sait bien que, deux ans après, il alimentera la sécurité sociale. (Sourires) Plutôt que d'exposer à préemption ou au mieux d'immobiliser de l'argent non utilisé, nous avons opté pour une logique assurantielle : le fonds souscrirait une police d'assurance qu'il ferait jouer en cas d'accident. Ce serait un fonds dormant qui ne serait activé qu'en cas de besoin. De la sorte, il ne faudrait financer qu'une police d'assurance et pas une trésorerie pérenne inemployée. Je ne décris là, encore une fois, que le projet, mais nous nous efforcerons de le détailler plus amplement dans les textes.

Dès le début, nous avons pris le choc de simplification en considération. L'idée de faire un code entièrement législatif est une simplification considérable, de même qu'une procédure de droit commun applicable à la participation du public. Nous souhaitons également que les décisions délivrées sur le fondement du code minier valent autorisation sur le fondement de tous les autres codes applicables, par exemple qu'une autorisation de travaux vaille également permis de construire, permis d'aménager, permis de défricher. Cela éviterait les procédures en série aujourd'hui en vigueur, nécessitant chacune enquête d'expertise, étude d'impact et autorisation diverses, et demandant des délais d'instruction très longs. Ainsi faut-il compter douze ans pour le renouvellement d'un stockage gazier, ce qui le rend quasi illégal en permanence. Dans l'état du droit positif aujourd'hui, on ne peut plus avoir un stockage gazier légal, ce qui est problématique. Nous comptons réduire considérablement les délais en mettant ainsi en parallèle les autorisations et les procédures, et en faisant en sorte qu'une seule procédure collective de participation soit valable à tous les stades de la décision administrative, même si, là aussi, cela suppose des réglages assez compliqués.

Bien entendu, toutes les exigences environnementales, en particulier la biodiversité, seront prises en compte, notamment dans les externalités positives ou négatives qui permettront de fixer l'intérêt général.

Nous ne touchons pas à la valeur patrimoniale des titres, qui continueront à être immobilisés. Nous avons même l'ambition de simplifier leur régime fiscal de façon à clarifier leur mode d'amortissement, de cession et de transmission ainsi que les droits qui peuvent être perçus à cette occasion.

J'aurais aimé vous dire que nous prenons en compte les exigences européennes. Si nous le faisons, c'est de façon passive, par rapport aux normes qui s'imposent, mais un code européen serait bien préférable. Cela fait partie des ambitions de la construction européenne qui dépassent très légèrement les capacités de mon groupe de travail.

La totalité des membres du groupe s'accorde pour dire que l'autorité de délivrance doit être recentrée sur l'État, au niveau ministériel. C'est l'une de mes surprises. Alors que je m'attendais à des discussions opposant décentralisation et préfet, la plupart des parties – syndicats, industriels, associations – préfèrent déterritorialiser les dossiers pour qu'ils soient examinés au niveau national, pensant que préfet comme élus locaux sont soumis à des pressions et qu'il est préférable de remonter au niveau ministériel. Je me ferai l'écho auprès du Gouvernement de cette aspiration qui pose la question de la décentralisation et de la responsabilité d'une nouvelle façon. Inutile de vous dire que les associations des conseils généraux, des régions de France et des maires de France ne sont pas tout à fait sur la même ligne, a fortiori pour l'outre-mer pour lequel le choix de décentralisation me paraît plus nettement ancré. Il y a une vraie difficulté au regard de la nature de la prise de décision. Peut-on laisser la décision à l'État tout en mettant, grâce à une meilleure information et à une plus grande implication dans la procédure, des pouvoirs beaucoup plus importants dans les mains des collectivités territoriales ? C'est l'une des questions politiques totalement ouvertes devant laquelle nous sommes.

La prévention des contentieux fait aussi partie de nos préoccupations. En la matière, nous proposerons des limitations, non pas au droit de recours, mais à la possibilité de faire valoir des recours de façon complètement décalée par rapport à l'équilibre atteint.

En matière d'après-mine, nous essayerons de faire des suggestions qui prennent en compte les surcoûts du passé, bien qu'il s'agisse plutôt là d'éléments de politique publique sortant quelque peu du cadre du code minier.

Je ne me prononcerai évidemment pas sur la question prioritaire de constitutionnalité sur les gaz de schiste, qui repose sur le principe d'égalité et qui est en cours d'examen, non plus que sur l'interprétation de la loi de 2011 au regard de la géothermie. Une juridiction étant saisie, vous comprendrez que je n'en dise rien.

Je terminerai, comme vous l'attendiez tous, sur les chauves-souris pour rappeler qu'elles sont protégées par la convention de Londres et que l'article 55 de la Constitution nous fait obligation d'appliquer le droit international en la matière.

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