Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du 22 avril 2013 à 17h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises au mali débat et vote sur cette déclaration

Jean-Yves le Drian, ministre :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je souhaite dire quelques mots en complément de ce que vient de dire le ministre des affaires étrangères.

Tout d'abord, en tant que ministre de la défense, je tiens à rendre un hommage à nos forces, et à vous remercier pour l'hommage que vous avez leur avez vous-mêmes rendu. Leur professionnalisme, leur courage, leur efficacité sont reconnus par tous. Chacun s'accorde à constater que le contrat opérationnel a été rempli ; chacun reconnaît le succès de l'intervention.

Je vous remercie d'avoir bien voulu évoquer la mémoire des cinq soldats français morts au cours de l'intervention. Avec votre permission, je souhaite associer également les trente-six soldats tchadiens qui ont trouvé la mort dans le combat commun que nous avons mené, et que nous menons encore, ainsi que les soldats maliens morts à Mopti, à Sévaré et à Konna : telle est en effet la réalité de ces combats qui, au début de l'intervention, ont fait ces victimes.

La détermination dont ont fait preuve nos armées a été grandement encouragée par le soutien unanime de la nation, et notamment des groupes au Parlement : c'était une des conditions du succès que nous avons remporté.

Concernant les forces armées, je souligne que ces opérations, couronnées de succès, se sont déroulées dans des conditions très éprouvantes, ainsi que certains d'entre vous l'ont rappelé. En effet, nous n'avions pas un seul adversaire, un seul ennemi au Mali : nous affrontions bien entendu les groupes armés djihadistes, mais également la distance et le climat ; ce point est un peu trop souvent oublié lorsque l'on prend acte des succès.

Ainsi, concernant la distance, engager une opération de largage de parachutistes sur Tombouctou depuis le Gabon peut être comparé à un largage de parachutistes sur Moscou au départ de Paris ; or, c'est précisément ce que nous avons fait.

L'autre adversité tenait au climat : l'on a souligné à de nombreuses reprises les conditions extrêmement difficiles que nos soldats ont dû subir. Dans l'Adrar des Ifoghas, il fallait chaque jour vingt tonnes d'eau pendant l'opération, acheminées par gros porteurs, pour assurer les dix litres d'eau par homme et par jour nécessaires pour continuer les opérations.

Les contraintes étaient donc extrêmement lourdes, et le succès dû à une manoeuvre menée avec habileté pour la rendre compatible avec les contraintes logistiques : c'est tout le sens de l'action initiée grâce à la compétence des chefs qui ont mené ces opérations.

En un peu plus de quatre-vingt dix jours, nos forces armées ont anéanti une redoutable machine militaire terroriste très structurée. Les pertes de l'adversaire ont été très significatives ; mais plus que le nombre des djihadistes neutralisés, l'important est que nous avons détruit les principaux fondements d'une puissance militaire en gestation. Des stocks d'armes, de matériels, de munitions, par centaines de tonnes, ont ainsi été éliminés, de même que des zones de ravitaillement et des camps d'entraînement.

Le bilan est donc positif : les deux objectifs fixés par le Président de la République à l'opération Serval – d'abord stopper l'offensive AQMI, puis libérer le territoire malien – sont aujourd'hui quasiment atteints avec les dernières opérations que nous menons dans l'extrême nord-ouest du pays.

L'ensemble du territoire malien est libéré de la menace, celle-ci étant aujourd'hui réduite à des opérations suicidaires asymétriques dans quelques zones, qu'il convient encore de surveiller de près.

Nous avons donc franchi un pas très important dans la stratégie de libération du Mali et d'éradication des terroristes. Nous ne l'avons pas fait seuls : au-delà du soutien politique, nous avons également reçu très rapidement un soutien logistique de la part des pays européens, en particulier des Britanniques, des Belges, des Allemands, des Danois, des Espagnols et des Néerlandais : ils nous ont ainsi permis d'assurer la logistique, élément très important de l'opération menée au Mali.

Nous n'agissons pas seuls, parce que dans la mission de reconstruction de l'armée malienne, l'effort européen dépasse très largement les deux tiers de la participation au sol d'instructeurs et de protecteurs. Cette mission essentielle a ainsi commencé, permettant à l'armée malienne de prendre à terme le relais de la future MINUSMA.

Même si l'on peut considérer que l'Europe de la défense a montré qu'elle n'existait pas fondamentalement aujourd'hui – ce que nul n'ignorait –, il n'empêche que la solidarité a joué et que, dans le domaine de la logistique, du ravitaillement et du renseignement, l'appui de nos alliés et de nos amis européens a été essentiel.

Aujourd'hui, la mission des forces armées poursuit trois objectifs concrets : tout d'abord, maintenir la pression sur les groupes terroristes afin d'éviter qu'ils ne se recomposent ; ensuite, accompagner et appuyer la force de l'ONU qui va bientôt prendre le relais de notre action dans sa mission de stabilisation au Mali, ainsi que l'indiquait tout à l'heure Laurent Fabius ; enfin, accompagner la reconstruction et l'engagement opérationnel de l'armée malienne.

L'ensemble de ces trois missions concentre aujourd'hui l'action de nos forces armées. Or il n'est pas nécessaire, pour mener à bien ces missions, de conserver 4 000 hommes sur le territoire malien.

Conformément aux engagements pris, nous commençons donc une réduction progressive. Si nous avons compté jusqu'à 4 500 hommes au moment de l'opération dans l'Adrar des Ifoghas, nous avons maintenant, à la fin de la semaine, 3 850 hommes, et nous descendrons progressivement dans le courant de l'été en dessous des 2 000 hommes.

Nous conserverons une force d'environ 1 000 militaires français sur le territoire malien, qui seront présents dans la future MINUSMA, dans l'UETM Mali – la formation de l'armée malienne – et, pour l'essentiel, soit 750 à 800 militaires, dans ce que j'appellerai une « opération Serval adaptée », en accompagnement de la présence de la MINUSMA sur le territoire malien. Cet accompagnement consistera en apport, en soutien, en interventions potentielles, sur une durée qui restera à apprécier en fonction de la situation, et à laquelle il ne faut donc pas mettre un terme maintenant.

Cette force sera en outre accompagnée de forces prépositionnées tant à N'Djamena, à Niamey qu'à Ouagadougou, susceptibles d'intervenir en complément, grâce notamment à l'aéromobilité.

Telles sont les précisions que je souhaitais apporter eu égard aux questions qui ont été posées.

J'en viens aux leçons que l'on peut déjà tirer de l'opération Serval.

D'abord, la réactivité de nos forces a été très efficace et l'articulation entre la manoeuvre terrestre et la manoeuvre aérienne a été excellente.

Ensuite, le prépositionnement a montré ses avantages au tout début des opérations.

Mais il y a aussi des lacunes, et on les connaissait. Elles sont un peu historiques et ont été rappelées sur tous les bancs de cette assemblée. Il faudra certainement y remédier, que ce soit en matière de renseignement – nous manquons de drones –, de ravitaillement, de transport et s'agissant des hélicoptères de manoeuvre.

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