Intervention de Laurent Fabius

Séance en hémicycle du 22 avril 2013 à 17h00
Déclaration du gouvernement sur l'autorisation de la prolongation de l'intervention des forces françaises au mali débat et vote sur cette déclaration

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

Monsieur le président, après le Premier ministre, à la suite de vos interventions, mesdames, messieurs les députés, je voudrais à mon tour rendre hommage à nos armées. C'est un hommage parfaitement justifié, auquel, je pense, nos soldats seront sensibles.

Je veux aussi vous remercier toutes et tous de votre soutien à la proposition du Gouvernement de prolonger la mission qui est la nôtre au Mali, même si j'ai compris qu'un groupe faisait exception – il a du reste annoncé la couleur dès la première phrase puisque son orateur, M. Candelier, a commencé son intervention par : « J'ouvre le feu ». Le fait que l'Assemblée nationale à présent et le Sénat tout à l'heure apportent un soutien quasi-unanime à l'action de la France au Mali est un élément important dans le succès de cette opération.

Après moi s'exprimeront mes collègues Jean-Yves Le Drian et Pascal Canfin. Je voudrais pour l'heure répondre, en les remerciant, aux orateurs qui sont intervenus et évoquer trois sujets principaux.

Premièrement, essayons – parce qu'il faut commencer par là – de comparer, la mémoire étant parfois défaillante, la situation où nous sommes aujourd'hui avec la situation dans laquelle nous nous trouvions au début du mois de janvier de cette année. Il y a quatre mois à peine.

Au début du mois de janvier, voilà que trois groupes terroristes – Aqmi, Mujao, Ansar Dine – décident de faire mouvement vers Bamako pour prendre le contrôle de l'État malien, action imprévisible car si deux de ces groupes terroristes avaient fait connaître de longue date leurs intentions, le troisième était censé pouvoir entrer en négociation et aller dans le bon chemin. Pas du tout, en réalité. Quand les trois groupes, ayant fait alliance, marchent sur la capitale, le président Traoré s'adresse au président français en des termes qui signifient : si la France n'intervient pas immédiatement, demain, dans la meilleure des hypothèses j'irai en prison ou bien je serai mort. Le président français a donc eu quelques heures pour prendre sa décision.

Dès lors, l'argument soulevé par tel ou tel d'entre vous – argument que je comprends parfaitement – selon lequel il aurait été opportun qu'une discussion ait lieu à l'échelle européenne en vue d'une intervention de plusieurs pays européens est malheureusement sans objet. Nous avons suivi tout cela avec mon collègue et ami Jean-Yves Le Drian : c'était la décision de la France.

Vous avez bien voulu rendre hommage au fait que grâce à nos armées, les groupes terroristes ont été repoussés puis décimés. Et aujourd'hui, même si toutes les actions nécessaires sont loin d'être accomplies – soyons lucides et objectifs –, il faut voir, premièrement, que les groupes terroristes sont repoussés, deuxièmement, que les villes sont dans leur quasi-totalité sous contrôle, troisièmement, que l'intégrité territoriale du Mali est rétablie et enfin, quatrièmement, que la communauté internationale va se prononcer vraisemblablement cette semaine pour que la situation passe sous le contrôle des Nations unies.

Réaliser un tel changement en quatre mois, je pense que c'est un résultat dont nous tous qui avons soutenu ce mouvement pouvons légitimement être fiers, même si aucun d'entre nous ne peut s'en satisfaire car le processus n'est pas terminé.

Deuxièmement, j'évoquerai les trois volets selon lesquels nous avons pris l'habitude – légitime, je pense – d'aborder les questions qui se posent au Mali : la sécurité, le développement, la démocratie. Nous sommes en effet tous d'accord pour dire que ce sont ces trois volets qu'il faut réunir pour parvenir à une solution durable.

Au plan de la sécurité – question sur laquelle M. le ministre de la défense reviendra plus en détail – je voudrais dire quelques mots sur l'opération de maintien de la paix, qui nous intéresse tous.

La France a présenté il y a de cela plusieurs semaines un projet de résolution. Il est actuellement en voie de finalisation et selon toute vraisemblance – mais restons prudents, il peut toujours y avoir des retards –, il devrait être adopté mercredi ou jeudi à l'unanimité aux Nations unies. Voilà qui apporte une nuance aux reproches relatifs à l'isolement de la France : quand la totalité des membres du Conseil de sécurité – dont on connaît la diversité des positions – soutient la position de la France, on peut dire que celle-ci est assez entourée dans son isolement.

Cette opération de maintien de la paix, placée sous le chapitre VII, devrait donc être décidée. Elle prévoit une substitution de la MINUSMA – nouveau sigle qu'il va nous falloir apprendre – à la MISMA, à hauteur de 12 000 hommes environ, l'accompagnement des opérations de stabilisation – puisque c'est de cela qu'il s'agit – et un accompagnement du processus électoral, tout cela sous le contrôle d'un représentant spécial du secrétaire général des Nations unies.

Quel sera le rôle de la France ? Elle sera présente à la fois par sa participation à l'état-major directement rattaché à la MINUSMA et par l'intermédiaire d'éléments placés sous son propre commandement, dans une espèce de prolongement de l'opération Serval. Il est question, dans ce cadre, d'un millier d'hommes au total, qui, en termes clairs, pourront venir en soutien de la MINUSMA si cela est nécessaire, et qui pourront empêcher que les groupes terroristes ne reviennent. Car là est l'essentiel, mesdames et messieurs les députés. Au-delà de toutes les formulations juridiques que l'on peut avoir, gardons à l'esprit qu'il faut à la fois stabiliser la situation qui prévaut aujourd'hui au Mali et empêcher que les groupes terroristes ne reviennent. Les Nations unies agiront pour une part, mais nous nous situons dans le cadre de ce que l'on appelle une opération de maintien de la paix et – on peut le regretter ou pas –, certains éléments ne peuvent être mis en action qu'en dehors de cette opération.

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