Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 10 juillet 2012 à 15h00
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert, rapporteur général de la commission des finances :

…et, parallèlement, un allégement de même ampleur des impôts sur les ménages aisés et les entreprises, à savoir l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle. Nous voyons donc bien comment, durant ces dix dernières années, nos recettes ont basculé, de l'impôt sur le revenu, qui pèse plus lourdement sur les ménages les plus aisés, et l'impôt sur les sociétés vers la fiscalité sur les salaires, qui pèse sur l'ensemble de la population. C'est une évolution évidente, au vu des chiffres.

Or cette évolution ne découle pas de phénomènes spontanés mais des décisions prises par la précédente majorité. J'en citerai quelques-unes : en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, environ 24 milliards d'allégements nets cumulés, principalement sur les réformes successives du barème, pour 14 milliards ; en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, 10 milliards de diminution, notamment pour la fameuse niche Copé à hauteur de 2,9 milliards d'euros ; en ce qui concerne la taxe professionnelle, 14 milliards d'allégements, principalement avec la réforme de 2006, pour 3 milliards, avant la suppression totale de l'impôt en 2010.

Enfin, cette politique entamée dès 2002 a été poursuivie et amplifiée à partir de 2007. En effet, après les réformes du barème entre 2002 et 2006, les ménages aisés ont profité, à partir de 2007, des allégements d'impôts sur le patrimoine : bouclier fiscal pour 700 millions d'euros par an, 3,1 milliards sur les successions et donations et 0,7 milliard pour la réforme de l'ISF, soit, au total, près de 5 milliards d'euros par an.

Enfin, après de premières mesures prises à la fin de la douzième législature, a été adopté un allégement d'impôt pour les entreprises équivalent à dix ans d'allégements d'IS : la suppression de la taxe professionnelle. Je passe, mais nous y reviendrons, sur la TVA dans la restauration pour 3,1 milliards d'euros.

À partir de l'été 2010, les hausses d'impôts ne modifient pas substantiellement cet équilibre. Je vous invite à consulter le tableau de la page 14 de mon rapport, qui montre que plus de 7 milliards d'euros ont été prélevés sur la fiscalité indirecte : à savoir, 2,2 milliards sur la taxation des contrats d'assurance maladie, 1,8 milliard sur les taux réduits de TVA, y compris le livre et le spectacle vivant, 1,1 milliard sur la TVA pour les offres triple play. Je passe sur les autres, afin d'en garder un peu pour le débat de la semaine prochaine.

De plus, il y a eu 5,6 milliards d'euros de prélèvements assis sur les revenus des salariés, notamment par la réduction de l'abattement de CSG sur les frais professionnels, ce qui a conduit à augmenter la CSG sur les revenus du travail. Parallèlement, les impositions spécifiques aux ménages les plus aisés ont représenté 0,7 milliard, au titre de votre taxe sur le revenu fiscal de référence et de la contribution de 1 % sur les hauts revenus ; mais vous avez immédiatement compensé ce petit effort par le fameux allégement de l'ISF, sous-financé pour 0,7 milliard en 2011 et 2012.

Au total, puisque vous calculez vite, mes chers collègues, vous aurez remarqué que 68 % des hausses d'impôts décidées à partir de 2010 sont supportées par l'ensemble des ménages et des salariés, alors que le poids des impositions spécifiques aux ménages les plus aisés est de 0 %.

Le passé éclaire l'avenir, et nous devrons corriger ce glissement de la fiscalité, une telle iniquité, une telle injustice dans la répartition fiscale.

Parallèlement, mes chers collègues de la majorité d'alors, vous n'avez pas maîtrisé les dépenses publiques. En effet, entre 2007 et 2011, la progression des dépenses publiques a été de 3,5 points de PIB. Vous ne pouvez donc pas dire que vous avez joué sur les dépenses. Monsieur le président de la commission, vous évoquez une répartition 50-50 pour le retour à l'équilibre, soit 50 % de hausses de recettes et 50 % d'économies sur les dépenses, mais le ministre de l'économie vous l'a dit tout à l'heure : c'est l'objectif du Gouvernement sur la législature, sur les cinq ans. Vous êtes un homme si avisé que vous savez fort bien que ce n'est pas au mois de juin, alors que le budget a été voté, l'exercice lancé et les actions engagées, que l'on peut réaliser des économies sur le budget de l'État. Nous reparlerons de ces économies lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2013. Un certain nombre de pistes sont tracées, j'y reviendrai si le temps me le permet.

S'agissant de la RGPP, beaucoup a été dit et je me suis déjà exprimé lors de l'examen du projet de loi de règlement. J'en viens aux perspectives budgétaires dressées pour la fin de l'année 2012 et pour les années suivantes.

Tout d'abord, je me félicite que le Gouvernement ait choisi une prévision de croissance de 0,3 % pour l'année 2012. Il n'y a pas si longtemps, on s'accordait à prévoir 0,4 %. La prévision de 1,2 % pour 2013 est reconnue comme plutôt prudente. Je pense que le Gouvernement a fait preuve en cela d'une prudence tout à fait honorable.

Réduire le déficit public à 3 % du PIB en 2013 reste bien entendu l'objectif à atteindre avant le retour à l'équilibre en fin de législature.

Le précédent gouvernement prévoyait 28 milliards de hausses d'impôts en 2011 et 2012. Je l'ai déjà dit mais retenez bien ceci, mes chers collègues : la réduction du déficit public en 2011 était due pour 0,7 point de PIB à des hausses d'impôts et pour 0,1 point aux économies sur la dépense. Ce n'est pas l'objectif du Gouvernement, qui a indiqué qu'il répartira la réduction, avec certes un décalage en début de législature, entre 50 % à travers les recettes et 50 % à travers les dépenses.

Il faut rééquilibrer notre système fiscal. Les ménages les plus aisés seront touchés à travers un retour sur la réforme de l'ISF et sur les mesures TEPA. Cela est connu de tous et prévu dans le prochain collectif budgétaire. Quant aux grandes entreprises, celles du CAC40, leur taux d'imposition effectif très faible a été constaté et nous avons tous les chiffres en tête : elles sont imposées à 8 % alors que le taux d'imposition des PME monte à 39 %. C'est une iniquité et une inégalité insupportable. Je crois que vous-même, monsieur le président de la commission, l'avez reconnu.

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