Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 17 avril 2013 à 15h00
Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

L'heure de la décision, du choix de société est venue.

Ce choix, nous allons l'effectuer après des années de questionnement et de débat dans notre pays. Ces débats ont mis au jour la réalité des discriminations auxquelles nous devions nous attaquer, mais aussi une soif d'évolution concernant notre législation à laquelle nous devions répondre. Ces débats ont permis à l'égalité de se frayer un chemin dans le dédale de tous les a priori et préjugés encore à l'oeuvre dans notre société.

Ce deuxième passage du texte devant notre assemblée intervient après que le Sénat a adopté conformes de nombreux articles dont l'article 1er instituant le mariage pour toutes et tous. La Haute assemblée a également adopté des modifications qui, à mes yeux, sont de nature à améliorer notre texte. Je pense, par exemple, à la représentativité de toutes les associations familiales.

Il reste maintenant une dernière étape à franchir. Permettez-moi de souhaiter que nous puissions le faire hors de toute invective et en donnant à voir la portée de notre décision. En première lecture, des points de vue différents se sont exprimés, des arguments ont été échangés, une longue discussion s'est engagée pour déboucher sur l'adoption du texte qui nous revient aujourd'hui. Ces échanges ont été vifs, mais ils sont restés dans le cadre du débat d'idées.

Depuis le mois de janvier, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts mais aussi beaucoup d'encre pour dénigrer cette loi. Certains propos ont été d'une rare violence, provoquant ainsi une recrudescence d'agressions homophobes intolérables.

Si chacun a le droit de défendre son opinion sur le mariage, vous conviendrez, chers collègues, qu'on ne peut tolérer que ce débat soit utilisé par certains individus pour justifier l'injustifiable : l'homophobie est un délit dans notre société fondée sur la liberté, l'égalité et la fraternité. Ce sont ces valeurs qui doivent résonner dans notre hémicycle.

Aussi est-ce avec une détermination tranquille que j'entame cette dernière phase de notre débat parlementaire.

C'est un bonheur de participer à un choix historique, source d'une nouvelle avancée humaine pour notre société. Un choix comme celui qui a ouvert le droit à la contraception puis à l'IVG ou celui qui a aboli la peine de mort en 1981. Oui, c'est une fierté d'être de celles et ceux qui vont produire cet acte de haute portée.

Nos débats ont questionné des pans entiers de notre expérience sociale et humaine, de notre civilisation en nous faisant nous interroger sur la famille, sur son évolution au fil de celle de notre société et de son humanisation. De l'amour courtois médiéval à Jules et Jim, en passant par Les femmes savantes de Molière, ces oeuvres en témoignent. Il n'est pas inutile de s'y replonger pour vérifier combien les rapports au sein du couple ou de la famille, loin d'avoir été immuables au fil des siècles, ont évolué selon les périodes historiques.

Pendant la Révolution française, un pas a été franchi avec la reconnaissance aux couples du droit de se séparer avant la mort, à travers le droit au divorce. Depuis, c'est la situation de la femme au sein de la famille qui a changé. Elle a gagné son indépendance et sa citoyenneté et surtout, avec les lois lui permettant de maîtriser sa maternité, elle a été libérée de son unique statut de reproductrice.

Aujourd'hui, il est question de franchir un nouveau pas pour donner toute sa place à l'amour comme ciment de la famille, pour que chaque individu, quelle que soit son identité sexuelle, puisse se donner un projet de vie avec la personne qu'il ou elle aime et fonder une famille.

Nous allons ainsi effectuer un pas supplémentaire dans l'émancipation humaine, mettant fin à une discrimination due aux stigmates de la domination patriarcale, à l'oeuvre dans nos sociétés depuis la nuit des temps.

Oui, nous attaquons cette discrimination, vécue par des hommes, des femmes, qui doivent aujourd'hui encore affronter des propos et des images dénigrant leur famille.

Lors de notre précédent débat, j'ai souvent entendu des propos sur le sort des enfants. Justement, pensons à ceux à qui on refuse le droit d'avoir des parents de plein droit pour être des enfants de plein droit. Arrêtons de méconnaître la réalité. La famille d'aujourd'hui se construit sous différents visages. Familles monoparentales, familles recomposées, couples homosexuels : l'amour, le projet de vie commun, se sont libérés d'un modèle unique.

En ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, ce projet de loi fait tout simplement rentrer la réalité dans le code civil. En ouvrant le droit à l'adoption à tous les couples, il ne s'agit pas d'ouvrir un droit à l'enfant, mais de permettre à des enfants de vivre en famille.

J'ai entendu sur ces bancs qu'il était indispensable que les enfants puissent disposer d'une maman, mais qu'en avoir deux était nocif. Comment lire autrement ces idées qu'à l'aune de préjugés corsetant les rapports humains et familiaux ?

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