Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 17 avril 2013 à 15h00
Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe UDI a eu un long débat et ses membres se sont accordés pour regretter l'application du temps programmé et le changement de calendrier. Un sujet de société de cette ampleur, qualifié de projet de civilisation, ne méritait pas une telle fébrilité d'organisation. Cinq semaines supplémentaires auraient permis de laisser prospérer le débat.

C'est bien ce qui pose problème. Certains ont déjà cité les résultats de l'étude de BVA : 55 % des Français interrogés remettent en question le projet de loi, à la fois sur le fond et sur la forme. À ce stade de nos débats, la question que nous devons tous nous poser, car elle revient souvent dans les échanges que nous avons, est de savoir si ce texte a été bien compris. Est-il sincère ? N'est-il pas finalement l'expression d'un quiproquo ? Les Français savent-ils réellement à quoi il nous engage ?

Le premier quiproquo porte sur le temps.

Vous avez estimé, chers collègues de la majorité, que le temps était venu de conclure. Vous avez considéré qu'il fallait désormais aller vite, après une première lecture de 110 heures, et que le sujet de la durée des débats était désormais clos. Vous avez considéré que dans la mesure où cet engagement de François Hollande était tenu, grâce à sa majorité, il n'y avait finalement plus de débat. Circulez, y a rien à voir !

Traiter du temps de cette manière est une erreur. D'abord, je ne connais aucun Français qui ait adhéré à la totalité des propositions de François Hollande, en se disant qu'il cochait chacune des cases de son programme. Cette proportion de 55 % est d'ailleurs peut-être la preuve qu'il y a une majorité de Français qui n'a pas coché cette case-là. Les manifestations qui se déroulent depuis maintenant plusieurs semaines montrent à quel point l'opinion est marquée par un désaccord profond avec ce projet.

Il y a un véritable quiproquo sur le temps : l'accélération que vous réclamez n'est pas propice au temps de la réflexion que demande l'opinion. Or, en démocratie, le temps qui compte le plus, c'est ce temps de l'opinion. Nous la représentons et nous nous devons d'être à son écoute pour laisser le temps du débat prospérer. Les Français nous le rappellent au travers des manifestations, au travers du bruit croissant que provoque ce texte.

Le deuxième quiproquo porte sur le sens du mot « mariage ».

Derrière ce mot dont le sens semble partagé, les Français ont-ils compris qu'un nouveau débat s'ouvrait ? Si le but premier de votre projet sur le mariage pour tous est de donner la possibilité aux couples de même sexe de s'unir, il y a bien d'autres choses derrière.

Je pense à l'adoption plénière, et évidemment à la PMA. Vous avez dit que la PMA était hors sujet : elle l'était en effet en première lecture, dans la mesure où ce texte ne contient aucune mention de la PMA – je l'avais indiqué lors des explications de vote en première lecture.

Mais la jurisprudence européenne est riche, en la matière : à partir du moment où l'on ouvre le droit au mariage, quel sera notre pouvoir, quelle sera notre capacité à refuser la PMA ? En effet, le principe européen de l'égalité veut que, dès qu'un droit est accordé, l'on garantisse légitimement les conditions d'exercice de ce droit.

J'évoque un quiproquo, parce que je ne suis pas certain que les Français aient compris les prolongements de ce texte. Ils n'ont pas compris qu'en ouvrant la porte au mariage pour tous, et certains de mes collègues de l'UMP l'ont rappelé, on ouvre indiscutablement la voie à la PMA, et peut-être un jour également à la gestation pour autrui, malheureusement. Il est donc utile à ce stade de rappeler ce quiproquo et d'insister sur la notion d'adoption plénière.

Nombre de Français, nous avons tous pu le constater, n'ont retenu de l'adoption que la notion d'adoption simple. Or, l'adoption plénière, entraînant une rupture du lien filiatif, engage bien davantage, et je suis convaincu que beaucoup n'ont pas perçu la réelle portée de ce texte.

Enfin, il y a également quiproquo sur le principe d'égalité. C'est un vrai sujet, sur lequel nous avons débattu et continuerons à débattre, car vous devez admettre qu'il existe deux lectures différentes de cette notion d'égalité, souvent – et même toujours – défendues avec sincérité.

Votre lecture de l'égalité est bien entendu respectable et mérite l'écoute. Naturellement, nous aspirons à ce que l'égalité puisse prospérer dans notre pays, car il s'est construit sur cette valeur fondamentale. Mais admettez également que l'égalité revête un autre sens pour nous qui croyons qu'un père et une mère constituent un élément structurant, un élément d'équilibre, un élément fondamental dans l'éducation d'un enfant.

C'est bien cette égalité que nous voulons mettre en avant, qui peut-être fait l'objet d'un quiproquo. En effet, vous dites que l'égalité des adultes est le droit d'avoir un enfant, tandis que nous affirmons que l'égalité pour l'enfant est le droit d'avoir un père et une mère. Croyez-le bien, nous le disons avec la même sincérité, la même conviction, la même force que vous : pour un enfant, avoir un père et une mère est quelque chose de fondamental.

Voilà, chers collègues, les raisons qui me font douter aujourd'hui, et qui font douter nombre d'entre nous, sur le bien-fondé de l'accélération de l'adoption de ce texte. Beaucoup de choses n'ont pas encore été dites ni débattues, qui méritent d'être éclaircies.

Il est important, ainsi que le Président de la République lui-même l'a reconnu, que chacun suive sa conscience dans l'élaboration de ce texte, que vous avez qualifié de « grand projet ».

Constatant tous ces quiproquos, toutes ces incertitudes, tous ces doutes, toutes ces zones restées, quoi que vous en disiez, à l'écart du débat, nous ne pouvons que lier votre précipitation et votre refus d'accorder les cinq semaines de débats demandées à l'évolution de l'opinion, qui doute de plus en plus de ce texte.

Pour la qualité de nos débats, sur ce texte comme sur tous ceux dont nous avons à débattre, le groupe UDI, convaincu que le malentendu est extrêmement dangereux pour notre démocratie et qu'un texte n'a d'avenir que s'il est construit sur un socle solide, demande que l'examen de ce texte soit suspendu.

Nous devons en effet revenir à un véritable débat, afin que tous ces éléments de quiproquo soient éclaircis, en toute sérénité. L'on peut malheureusement constater aujourd'hui que la sérénité n'est pas acquise, et que ce texte mérite d'être revu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

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