Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du 11 avril 2013 à 21h45
Prorogation de l'éco-participation pour les équipements électriques et électroniques ménagers — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'heure est sans doute tardive mais le moment est important pour décider du modèle de société que nous appelons de nos voeux. Le mécanisme de l'éco-participation a fait ses preuves et sa prorogation est une nécessité. C'est donc une bonne nouvelle que de se prononcer sur ce texte aujourd'hui.

Mon seul regret est que le nom du dispositif reste inchangé : le terme éco-participation laisse à penser que cette taxe finance la transition écologique. Malheureusement, elle finance le retraitement de la pollution causée par la consommation de produits électriques ménagers. Le nom de pollu-participation serait donc plus juste. Cette taxe est d'ailleurs une mise en pratique du principe pollueur-payeur.

Elle responsabilise les vendeurs, ce qui est d'autant plus important que la consommation de produits électroniques évolués est en pleine croissance. Cette croissance est notamment due aux mécanismes d'obsolescence programmée qui provoquent des pannes afin de déclencher des achats de remplacement. Le traitement de ces déchets, actuels et à venir, est un enjeu majeur pour lutter contre la pollution.

Le soutien à la filière de retraitement est aussi important pour lutter contre l'export illégal de déchets électroniques. De nombreux pays industrialisés exportent illégalement leurs déchets. Dans ce contexte, les éco-organismes opérationnels, tels que ceux créés en France, constituent les meilleures garanties et les moyens les plus efficaces pour contrôler les flux de D3E. Cette question importante illustre aussi les enjeux de contrôle des flux de marchandises, et donc la présence des agents de l'État dans les ports.

La dimension économique et sociale de la filière est importante, on l'a souligné précédemment. Les 3 556 emplois à temps plein actuels, et ceux à venir, sont bons pour notre économie. Autre élément important pour notre groupe, très attaché à l'économie sociale et solidaire : cette filière offre des opportunités fortes d'emplois d'insertion.

Cette prorogation est vitale car elle permet de sécuriser le financement de la filière et donc de la soutenir. Et elle est d'autant plus importante que nous devrons répondre à des objectifs européens particulièrement ambitieux de collecte, à savoir le doublement du niveau actuel à l'horizon 2019 pour atteindre un minimum de quatorze kilogrammes par habitant. Pour respecter ces objectifs, le mécanisme doit être conforté et les éco-organismes devront ajuster leurs barèmes de façon que l'éco-participation soit à la hauteur des coûts.

La rationalité économique rejoint ici l'exigence environnementale puisque l'enjeu est bien de recycler et de réemployer au maximum les ressources nécessaires à la fabrication des équipements électriques, dont certaines sont coûteuses et vouées à s'épuiser, ou sont exploitées dans des conditions locales indignes. Je saisis cette occasion pour rappeler le cas du coltan en République démocratique du Congo.

Les enjeux de prise en charge de déchets sont donc centraux, urgents, et doivent progresser d'une manière plus ambitieuse encore.

En ce qui concerne le respect de la loi, tout d'abord, on observe en effet que certains sites de vente en ligne se soustraient à leurs obligations en matière d'affichage de l'éco-participation. Cette pratique est illégale, méprise l'exigence de transparence à l'égard du consommateur et nuit aux filières éco-organisées et par conséquent au recyclage des D3E. Elle doit être prise en compte et bien sûr combattue.

D'autre part, si consolider les filières de recyclage est incontournable, ce n'est pas suffisant : il est nécessaire de jouer simultanément sur l'amont et l'aval de ces filières. Nous ne pouvons pas nous contenter de mesures à la marge, l'urgence est trop grande : c'est toute la filière industrielle qui doit repenser son modèle économique, dès la conception des produits.

Dans ce cadre, les écologistes sont notamment très attachés au développement de l'éco-conception et à l'augmentation de la durée légale de garantie des produits, afin de lutter contre l'obsolescence programmée. À ce titre, notre collègue sénateur Jean-Vincent Placé a déposé une proposition de loi qui, je crois savoir, sera prochainement examinée par la Haute assemblée.

C'est bien nos modes de production et de consommation dans leur ensemble qu'il faut réinventer, en associant toujours le consommateur. À ce sujet, je relève que les associations de consommateurs soutiennent ce mécanisme de répercussion à l'identique et d'affichage, pour sa transparence et son caractère anti-inflationniste. Nous souhaitons d'ailleurs que ce principe soit étendu à d'autres taxes méconnues et appliquées à des produits déjà concernés par l'éco-participation, notamment la taxe sur la copie privée. Il est anormal que les consommateurs ne soient pas informés des taxes qu'ils subissent. L'affichage est une nécessité de transparence et de responsabilisation.

Notre société ne peut plus continuer à s'enfermer dans le cercle vicieux consistant à consommer frénétiquement des appareils électroniques qui plus est à durée de vie limitée. Mais il faut aller bien plus loin et sortir du modèle d'économie linéaire né de la révolution industrielle et qui s'est renforcé ces cinquante dernières années au point de n'être plus soutenable avec une population mondiale en forte croissance et dont les besoins augmentent considérablement.

Le découplage du PIB et de la consommation des ressources naturelles ainsi que des impacts environnementaux est un impératif qui nous a été présenté la semaine dernière à l'Unesco lors du Forum de Paris du Programme des Nations unies pour l'environnement – le PNUE –, et de l'Agence française de développement – l'AFD –, avec la présence de plus de 300 représentants du monde entier qui prennent en considération la nécessité pour l'humanité de réussir ce découplage.

C'est pourquoi les écologistes appellent de leurs voeux un réel changement de modèle. Et c'est avec une grande satisfaction et un que nous vous avons entendue, madame la ministre, annoncer une prochaine loi-cadre sur l'économie circulaire. Vous savez pouvoir compter sur notre soutien sans faille.

L'économie circulaire telle que l'ADEME l'a définie cette semaine permet de dépasser le cadre du seul déchet : « Il s'agit d'un modèle économique qui, à tous les stades du cycle de vie, vise à ne pas gaspiller la matière et à lui conserver le maximum de sa valeur. » Il s'agit vraiment d'une rupture par rapport à tout ce que nous venons de vivre ces cinquante dernières années. Cette définition se décline en six étapes.

Premièrement, l'éco-econception vise à réduire dès la conception le besoin en matière et à anticiper la fin de vie du produit. Deuxièmement, grâce à l'écologie industrielle et territoriale, les flux sortants des uns deviennent les flux entrants des autres dans une symbiose la plus forte possible. Troisièmement, l'économie de la fonctionnalité permet de passer de l'idée de détention d'un produit à celle de l'utilisation d'un service, d'où un gain notable qui conduirait à la fabrication de produits plus robustes, d'une plus grande durée de vie, dans le but d'éviter une obsolescence programmée trop rapide. Quatrièmement, l'éco-participation permet une consommation responsable, qu'il s'agisse de l'achat et de l'utilisation d'un produit.

Cinquièmement, la réutilisation et le réemploi sont primordiaux, car ils permettent, au-delà de son utilisation première, de prolonger l'usage du produit, qui a une valeur en lui-même. Enfin, le recyclage matière, que l'on assimile trop souvent à l'économie circulaire, alors qu'il n'en constitue que la dernière étape, se fait soit en boucle fermée – une matière est réutilisée pour reproduire le même type de produit – soit en boucle ouverte – la matière est alors réutilisée pour d'autres usages.

Penser « économie circulaire », c'est aussi changer de comportement, collaborer, échanger, se rencontrer et partager, pour faire émerger de nouvelles solutions et de nouveaux modèles de société. C'est l'objectif que s'est assigné l'institut de l'économie circulaire, que j'ai l'honneur de coprésider avec deux amis, Christophe Bouillon, que je salue et que je suis heureux de retrouver à cette heure tardive, et Dominique Potier. L'institut réunit des institutions, des parlementaires, des collectivités, des entreprises, des organismes collecteurs, des universités, des écoles ou encore des ONG – c'est-à-dire des représentants de toute la société – pour qu'ils se concertent et qu'ils avancent ensemble.

C'est dans cet état d'esprit que je vous appelle à voter de façon unanime, et sans disserter, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

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