Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 6 avril 2013 à 21h30
Sécurisation de l'emploi — Article 10, amendement 2297

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

L'article 10, tel qu'il est écrit, nous préoccupe beaucoup et nous en demandons la suppression.

Les accords de mobilité existent déjà dans notre droit. Il s'agit, ici, d'en faire un moyen d'imposer la mobilité et de licencier à l'abri des regards. Par cet article, on impose en effet, dans les entreprises d'au moins 300 salariés, une négociation triennale sur la mobilité interne, professionnelle ou géographique. Ainsi l'employeur pourra, sur la base de l'accord collectif résultant de cette négociation, muter tel ou tel salarié sur tel ou tel poste ou dans telle ou telle région avec, pour seule limite, l'obligation de respecter son niveau de rémunération et sa classification professionnelle.

Cette mobilité peut donc entraîner une modification du contrat de travail, notamment lorsqu'elle porte sur la nature des fonctions ou le lieu de travail en cas de changement de secteur géographique.

Actuellement, une telle modification ne peut intervenir sans le consentement du salarié et, en cas de refus de ce dernier, le licenciement qui s'ensuit est considéré comme économique, ce qui oblige l'employeur à justifier devant le juge le motif économique de la modification et, si plusieurs salariés refusent, à élaborer un PSE et à engager le débat avec les institutions représentatives du personnel.

Selon le nouveau dispositif, le licenciement d'un salarié ayant refusé la mobilité sera soumis au droit des licenciements pour motif économique individuel. Il s'agit d'un licenciement pré-causé, dont le contrôle se réduira à la conformité de la mobilité à l'accord, sans prise en compte du motif économique de cette mobilité.

L'article 10 consacre donc une fragilisation de la norme contractuelle. Comme le souligne parfaitement le Syndicat de la magistrature, il en résultera un éclatement du droit du travail et la naissance d'un droit d'entreprise hétérogène, dont le contenu dépendra pour une large part du niveau de la représentation syndicale qui fera face à l'employeur.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l'article 10.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion