Intervention de Jean-Christophe Pagès

Réunion du 11 septembre 2012 à 16h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies :

Je suis heureux que certains d'entre vous aient lu les avis du comité scientifique. Permettez-moi de revenir sur quelques éléments qui sont nécessaires à la compréhension de ce que nous y faisons. Nous devons identifier des risques pour la santé animale ou humaine ainsi que pour l'environnement. Nous examinons les dossiers qui nous sont soumis afin de vérifier si l'ensemble des questions qui doivent être posées l'ont été, et si la méthodologie des demandeurs permet de tirer des conclusions définitives. C'est là une nuance importante. Très souvent, nous sommes conduits à critiquer la méthodologie, sans pour autant identifier de risque majeur qui nous amènerait à préconiser un rejet de la demande. Nous ne l'avons fait qu'une seule fois, pour la betterave H7-1, en raison d'une possibilité de dissémination des pollens vers des betteraves sauvages, et quand bien même aucun autre risque n'avait été identifié.

Bref, lorsque des risques sont repérés, nous les signalons. Mais dans la majorité des cas, nous n'avons pas à le faire. Néanmoins, nous donnons les limites de notre analyse. Là est toute la difficulté : aucun comité scientifique ne dira qu'il n'y a aucun risque. Pour autant, les dangers identifiés peuvent-ils être assumés ? Comment vérifier leur réalisation ou mesurer leur portée ? C'est une question particulièrement importante, qui a conduit à la création du Comité de surveillance biologique du territoire (CSBT). Espérons que les moyens de remplir cette mission lui seront donnés.

En matière d'OGM, aucun péril pour la santé ou l'environnement n'est à ce jour identifié, en-dehors donc des pollens de betterave transgénique – et ce quand bien même les pratiques associées aux OGM peuvent avoir un impact comme n'importe quelle pratique agricole. Une question se pose ici au décisionnaire et aux acteurs des filières agronomiques : faut-il ou non utiliser cette technologie, et dans quelle mesure le faire en l'absence de risque environnemental identifié ?

J'en viens aux nouvelles technologies. Nous entendons par là les technologies qui vont changer la qualité des OGM ou générer des plantes que l'on ne pourra pas distinguer des non OGM. Une réflexion est en cours à l'échelle européenne. Le groupe de travail mis en place pour évaluer un certain nombre de procédés a rendu son expertise. Il a été décidé que chacune des technologies serait évaluée au cas par cas. C'est une bonne solution, dans la mesure où la mise en oeuvre à grande échelle de certaines d'entre elles est actuellement inenvisageable – il s'agit en fait plus de perspectives technologiques que de nouvelles technologies. En revanche, certaines auront des applications relativement proches. Des consultations seront donc proposées prochainement.

La question de la participation de théologiens à l'évaluation de la thérapie génique est délicate. À mon sens, elle n'est pas du ressort du HCB, qui s'intéresse aux risques associés et non à la pertinence d'un procédé. Je rappelle d'ailleurs qu'il s'agit de thérapie génique somatique, qui concerne le patient et uniquement le patient – autrement dit, il n'y a pas de risque pour l'espèce.

Si la question de la biodiversité doit être posée, je rappelle que les OGM ne sont pas les seuls acteurs de la modification de la biodiversité. Pour certains OGM comme le soja, pour lequel il n'y a pas d'espèce compatible en Europe, l'action de modification de la biodiversité viendrait de la culture du soja en lui-même – qu'il soit OGM ou non – et non d'un soja OGM qui diffuserait des gènes modifiés. Le cas de la betterave est différent, d'où les réserves que nous avions émises. La question peut être posée pour le colza, puisqu'il y a des espèces qui peuvent être fertilisées par des espèces naturelles. Cette question n'est pas ignorée, mais nous l'abordons de façon partielle. Les questions que pose la biodiversité dépassent en effet largement celle des OGM.

Nous sommes à l'écoute des lanceurs d'alerte, à commencer par les parlementaires à travers l'exercice de leur droit de saisine. La question que M. Grosdidier, alors député, nous avait posée concernait le travail d'une équipe française à propos de la toxicité en santé animale pour certains OGM. Nous avions analysé divers articles et nous lui avions adressé le compte-rendu de notre travail. Un grand nombre de forums nous interrogent également régulièrement en tant que scientifiques. Nous prenons en compte ces différents points de vue.

Si nous précisons que les études d'impact présentées par les demandeurs d'une autorisation ne se réfèrent qu'à une importation dans les régions de l'Union européenne de climat tempéré, c'est parce que les évaluations ne sont pas faites pour l'outre-mer. En l'absence de données pour ces territoires à climat tropical ou équatorial, nous ne pouvons pas – en toute rigueur scientifique – proposer des mesures de surveillance qui vont servir de socle au CSBT pour construire les protocoles de surveillance. Il nous semble important de prendre cette précaution, dont la portée est cependant limitée. Le maïs est en effet peu cultivé à la Martinique. On en trouve à la Réunion, mais sur de toutes petites parcelles. Les éventuels impacts environnementaux seraient donc modestes.

Comme l'a indiqué Jean-François Dhainaut, nous manquons de données pratiques sur un grand nombre de questions. À mon sens, toutes les évaluations demandées au HCB et à ses homologues sont des évaluations de gradation des risques. En l'absence d'identification de risques, des mises en oeuvre sont réalisées ainsi que des mesures de suivi et des adaptations. Des maïs transgéniques sont cultivés en Europe, notamment en Espagne et au Portugal ; il y a un suivi, et des ajustements sont proposés lorsque des impacts sont notés. Je n'ai pas l'impression que cela se passe mal.

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