Intervention de Pierre Lequiller

Séance en hémicycle du 28 mars 2013 à 9h30
Circonscription unique pour l'élection des représentants français au parlement européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la circonscription unique a été conçue à l'origine pour une assemblée consultative, mais non pas pour une institution parlementaire telle qu'elle existe aujourd'hui.

Or, le Parlement européen a vu ses pouvoirs s'accroître depuis 1979 : désormais, pratiquement tous les actes législatifs sont adoptés en codécision et, depuis le traité de Lisbonne, le Parlement se trouve placé sur un pied d'égalité avec le Conseil pour adopter le budget. Il exerce un contrôle de plus en plus fort sur l'exécutif européen, auditionnant chaque membre de la Commission européenne – une prérogative dont les députés européens ont fait usage à diverses reprises au cours des dernières législatures. Aujourd'hui, il est évident, comme le montre, par exemple, son opposition récente aux perspectives financières arrêtées par le Conseil européen, que le Parlement s'impose en acteur incontournable dans l'Union. Il a acquis un rôle à part entière et indispensable dans le triangle institutionnel.

Qui dit accroissement de pouvoirs dit nécessaire renforcement de légitimité démocratique. La circonscription unique, unanimement décriée en France il y a dix ans, devait en conséquence être modifiée, ce que nous avons fait. Je rappelle, comme l'a fait M. Urvoas, qu'en 1998 M. Jospin lui-même avait exprimé le souhait de la réformer. Nous nous accordions alors tous à dire qu'elle entraînait inévitablement une distanciation de la relation entre l'élu et les citoyens.

Le Parlement européen a d'ailleurs lui-même recommandé aux États membres, dans des résolutions de 1998 et de 2002, d'adopter des circonscriptions régionales européennes quand ils comptaient plus de 20 millions d'habitants. À l'heure actuelle, la très grande majorité des grands pays de l'Union européenne dont la population est supérieure à 20 millions d'habitants ont recours à des circonscriptions régionales. Parmi les sept pays concernés, seules l'Espagne – pour éviter de laisser trop de place dans sa représentation à Strasbourg aux séparatistes régionaux – et la Roumanie ont gardé un scrutin national, l'Allemagne ayant adopté un système mixte.

Les circonscriptions régionales ont apporté un peu plus de cette légitimité qui manquait aux listes nationales avant 2003. Quand vous élisez un député d'une grande région européenne, vous pouvez lui demander des comptes, pas seulement parce que vous êtes Français, mais aussi parce qu'il a été élu dans votre région et que, par définition, il doit connaître ses problèmes spécifiques.

Il est aussi, à mon sens, d'une importance majeure d'avoir institutionnellement des représentants de la diversité de notre territoire, dont les problématiques sont complètement différentes selon que l'on habite Paris, une région transfrontalière, une région de montagne, une région agricole ou l'outre-mer. De nombreux États montrent aussi ce besoin de diversité en utilisant les régions administratives en dépit du scrutin par liste nationale.

Ensuite, le scrutin par liste nationale participait de l'émiettement de nos députés au sein de différentes formations politiques au Parlement européen. Il est important que nos délégations aient un véritable poids numérique et politique au sein de chaque groupe, notamment dans les grands groupes. Loin de vouloir empêcher l'expression de la diversité des courants politiques, il s'agit d'éviter l'excès inverse, qui conduit à affaiblir l'influence française au sein du Parlement européen, à l'instar de ce que font les Allemands. À ma connaissance, la majorité des députés européens français actuels ne sont pas favorables à ce retour à la circonscription unique : ils savent qu'ils y perdraient en proximité, en influence et en légitimité.

Vous me direz que les députés européens sont encore mal connus de leurs concitoyens – c'est ce qu'a dit le rapporteur –, une critique qui pourrait également être faite aux conseillers régionaux, élus dans des circonscriptions moins importantes. En fait, s'ils sont mal connus, c'est à cause de la proportionnelle. Vous tirez aussi argument du fait que le taux de participation aux élections européennes a régressé. Mais soyons lucides : le taux de participation s'était déjà dégradé avec le scrutin à la proportionnelle au niveau national.

Je crois surtout que nous avons notre part de responsabilité. Associons-nous souvent les députés européens de notre région aux événements auxquels nous sommes invités ? Nous, députés nationaux, parlons-nous suffisamment de l'Europe dans nos discours sur le terrain ? Concrétisons-nous quotidiennement l'Europe dans nos circonscriptions ? Pour faire aimer l'Europe, il faut en parler sur le terrain et, de ce point de vue, nous avons une large part de responsabilité dans la perception que nos concitoyens ont des députés européens.

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