Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 28 mars 2013 à 9h30
Circonscription unique pour l'élection des représentants français au parlement européen — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat que nous avons eu hier, au sein de la commission, sur le sujet qui nous occupe fut extrêmement riche ; je tenterai d'en faire ici la synthèse.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui marque le lancement du débat électoral de l'année prochaine, mais j'aimerais inscrire aussi ces échanges dans l'année de la citoyenneté européenne.

Il ne s'agit pas seulement de garantir que les peuples pèsent directement sur le destin de l'Union, mais il faut aussi s'assurer que ces élections portent sur les vrais sujets d'avenir et ne dégénèrent pas en un énième débat franco-français – ce qui est malheureusement une tendance nationale !

Cette proposition de loi est-elle de nature à nous aider à réussir ce double défi ? Permettez-moi, chers collègues, de me poser quelques questions préalables sur la capacité de l'ingénierie électorale nationale à faire naître un véritable débat européen, et ce quel que soit le découpage adopté.

La loi de 2003, qui a introduit le scrutin régional aujourd'hui en vigueur, n'a pas répondu aux attentes de ses rédacteurs – nous pouvons, je crois, tous l'admettre. Elle n'a pas empêché l'abstention, qui a progressé, détournant désormais six Français sur dix du destin européen, et a échoué à tisser un lien de proximité entre les eurodéputés et leurs électeurs. Elle n'a pas non plus évité les parachutages, et rien ne prouve que les grandes régions artificiellement dessinées aient raffermi l'ancrage local.

Gardons-nous, cela étant, de parer de toutes les vertus la circonscription unique, pratiquée en France pendant vingt-cinq ans. Plus respectueuse des principes de représentation proportionnelle – ce qui, convenons-en, est un luxe dans notre pays –, elle n'est pas non plus idéale. Elle n'a pas empêché les partis les plus hostiles à la construction européenne d'engager la campagne sur des chemins qui n'avaient que bien peu de rapport avec ce dont on débat à Strasbourg ou à Bruxelles.

Car, et c'est l'essentiel, j'ai bien peur que le choix entre liste nationale et listes régionales ne soit, en dernière analyse, guère décisif pour la qualité des prochaines élections.

Le scrutin régional de 2009 n'a pas empêché, par exemple, quelques listes audacieuses de se trouver des leaders aptes à incarner l'élection et à imposer des thèmes européens au coeur des débats, et peut-être songez-vous ici au même exemple que moi… (Sourires.) Inversement, l'avant-2004 ne manque pas de rendez-vous manqués entre les Français et l'Europe.

Compte tenu de l'impact de l'Union européenne sur la vie de nos concitoyens et de l'ampleur des attentes qu'elle doit satisfaire pour sortir des crises multiples que nous traversons, nous devons faire des élections de 2014 un rendez-vous fort entre les peuples et leur avenir. Là est l'essentiel.

L'austérité, le fétichisme de la compétitivité comme seul ressort de l'Union ne relèvent pas d'une pseudo-fatalité mais bien de choix politiques clairs.

Or, 2014 peut donner un souffle nouveau au projet européen. Si la solidarité et la justice sociale ne sont pas là, nombre de nos concitoyens risquent de se détourner encore plus de l'Europe et de s'abandonner aux extrêmes.

Quelle que soit la circonscription retenue, nous ne parviendrons à mobiliser les électeurs qu'en incarnant clairement la démocratie européenne. Cela impose que les partis préparent et animent la campagne à l'échelon européen, expriment leur vision de l'Europe et se dotent de programmes précis sur tous les enjeux.

Cela suppose aussi que chaque parti désigne son candidat, ou sa candidate, à la présidence de la Commission européenne et lui donne une place prépondérante dans les débats.

Les chefs d'État et de gouvernement pourraient également s'engager dès à présent à proposer à l'investiture du Parlement européen le candidat, ou la candidate, de la majorité arrivée en tête aux élections, comme le suggère – mais, il est vrai, sans l'imposer – le traité de Lisbonne.

Il faudrait enfin que, au lieu d'être le résultat de tractations secrètes entre gouvernements, les équilibres politiques entres les commissaires et les autres acteurs européens, comme le président du Conseil européen, soient conformes à ce que les peuples ont exprimé à travers les élections.

Je pense donc que notre débat d'aujourd'hui, à plus longue échéance, nous invite à repenser en profondeur l'ancrage démocratique européen. L'opacité, la précipitation et l'absence de contrôle parlementaire qui caractérisent tant de décisions prises dans l'enceinte du Conseil sont de moins en moins acceptées par les peuples, et ils ont raison !

Je le redis, liste nationale ou régionale, la forme du scrutin n'est qu'un élément, certes intéressant, de la réforme que nous devons promouvoir.

J'espère qu'un jour une fraction des eurodéputés sera élue sur une base transnationale, avec une représentation équilibrée au Parlement européen. Rappelons qu'aujourd'hui un député maltais peut représenter 65 000 habitants, tandis qu'un Français ou un Allemand en représente 850 000 !

Rappelons aussi la nécessité d'une association plus étroite des parlements nationaux à la prise de décision européenne, sur les politiques économiques et budgétaires dont nous, élus nationaux, demeurons comptables auprès de nos peuples.

L'année qui s'ouvre est une occasion exceptionnelle pour faire émerger dans notre pays un véritable élan citoyen pour l'Union. Encore faut-il que nous, ici, en soyons les porteurs les plus convaincus, quelle que soit la décision que nous prendrons sur la forme. Car notre Assemblée, en se saisissant avec conviction de ces sujets européens, permettra à nos concitoyennes et à nos concitoyens de se réapproprier cet avenir commun, ce qui aura réellement du sens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion