Intervention de Jean-Hugues Simon-Michel

Réunion du 13 mars 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Jean-Hugues Simon-Michel, ambassadeur auprès de la Conférence du désarmement :

J'insisterai une nouvelle fois en conclusion sur le fait que ce traité est un traité de régulation du commerce international des armes, et non d'interdiction. Il n'est pas question d'aboutir à un « monde sans armes ». Le modèle de la convention d'Ottawa n'est donc pas pertinent : il s'agissait alors d'interdire une catégorie d'armes très réduite dont les conséquences humanitaires sont désastreuses mais l'utilité militaire extrêmement limitée.

Deuxièmement, nous suivons ce dossier en liaison étroite avec l'industrie – dont il serait intéressant d'entendre les représentants. Les industries françaises, qui seront associées à la conférence, soutiennent le traité. Leurs porte-parole seraient mieux placés que moi pour vous expliquer où passent selon elles la ligne rouge. Quoi qu'il en soit, étant déjà soumises en France et en Europe à une norme de même nature mais plus exigeante, elles ont tout intérêt à ce que l'on progresse vers une égalisation du terrain de jeu, si vous me pardonnez cet anglicisme, notamment avec les pays émergents dont la part dans l'industrie et l'exportation d'armement va croissant. C'est le cas, comme le rappelait M. Lellouche, de l'Inde, du Brésil ou d'Israël, lequel est en train de nous dépasser dans ce domaine.

L'article relatif aux procédures de modification du traité va évoluer mais devra tenir compte des règles constitutionnelles de certains pays et des modèles existants, et éviter de compromettre les perspectives de ratification du traité.

L'article 3 porte sur les situations où l'interdiction d'un transfert d'armes s'impose aux États sans que ceux-ci aient à effectuer une évaluation, alors que l'article 4 concerne celles où une évaluation nationale est requise. On peut dès lors comprendre la logique de leur rédaction respective ; néanmoins les termes « dans le but de [for the purpose of] » employés dans l'article 3 n'ont pas de sens puisqu'ils impliquent que l'on exporterait des armes exprès pour commettre un génocide. Ces articles font partie des dispositions très durement négociées en juillet et sur lesquelles il serait difficile de revenir, mais, sur ce point précis (trouver une formulation moins restrictive que « for the purpose of »), je suis assez optimiste quant aux perspectives d'amélioration du texte.

Le nombre de ratifications requis ne devrait pas poser de problème, car le texte bénéficie d'un très large soutien, malgré les résistances de quelques pays. Nous devrions obtenir sans difficulté 65 ratifications au moins en deux ans, compte tenu des délais nécessaires au bon déroulement de la procédure parlementaire. À titre de comparaison, la convention d'Oslo, texte beaucoup plus polémique à la négociation duquel les États-Unis, la Chine, la Russie, le Pakistan, le Brésil et d'autres ont refusé de participer, est entrée en vigueur très rapidement . Elle est ratifiée à ce jour par 80 États environ, quatre ans après la signature.

Quant aux garanties que certains États pourraient donner sur le fait qu'ils ratifieront le traité, il n'est jamais possible d'en obtenir. Je ne me permettrais pas moi-même d'empiéter sur vos prérogatives en la matière, mesdames et messieurs les députés. Dans la plupart des pays, c'est le législateur qui autorise la ratification des traités et certains – dont la France, heureusement, ne fait pas partie – sont connus pour apporter un soutien politique actif à la négociation de traités qu'ils ne ratifient pas par la suite... Je songe en particulier à un très grand pays qui n'a jamais ratifié le pacte fondateur de la SDN dont il avait voulu la création, ni le traité d'interdiction complète des essais nucléaires pour lequel il a tant oeuvré, ni la convention onusienne sur le handicap… Certains pays ne peuvent donc rien promettre, pour des raisons constitutionnelles et parce que leur parlement est parfois imprévisible.

Nous pensons que nous pourrons entraîner l'Inde et la Chine. S'il est des pays que nous devons nous efforcer d'amener à reconnaître de grands principes, ce sont bien ceux dont la part dans les exportations internationales d'armes va croissant. S'ils acceptent de signer le traité, nous espérons qu'ils le ratifieront. Le progrès que l'on peut en escompter pour le droit international, mais aussi pour la pratique, est essentiel à la sécurité et à la protection des populations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion