Intervention de Aymeric Elluin

Réunion du 13 mars 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Aymeric Elluin :

En ce qui concerne l'industrie de la défense, sujet épineux, les industriels français soutiennent le projet. Ainsi, Thales, qui n'est pas, vous en conviendrez, une petite entreprise d'armement, le défend publiquement, comme, au sein de l'ASD – association européenne regroupant les entreprises aéronautiques et aérospatiales –, EADS, Sagem, Eurocopter et d'autres grosses multinationales. De deux choses l'une : soit la communication publique de ces entreprises est éhontée, soit elles sont sincères. Je préfère la seconde hypothèse.

Ce soutien n'est évidemment pas général. Récemment encore, certaines entreprises dénonçaient dans des articles le complot des ONG visant à annihiler l'industrie européenne de la défense. Je rappelle qu'Amnesty International n'a jamais eu cette ambition. Nous avons toujours été très clairs : il ne s'agit pas d'interdire le commerce des armes mais de prévenir les atrocités permises par des transferts d'armes irresponsables. Nous ne travaillons pas contre l'industrie de la défense, mais avec elle : nous en avons besoin pour préparer le traité dans ses différents aspects.

Le traité remettra-t-il en cause le rang industriel de la France ? Je ne le crois pas. Comme l'a expliqué Jean-Yves Le Drian en différentes occasions, il a vocation à permettre aux industriels de mieux exporter : il offre un mécanisme et des règles communes et universelles qui instaurent une forme de concurrence loyale. Cela peut paraître utopique, mais c'est élémentaire, et c'est possible.

Il existe indéniablement un lobbying des industriels ou d'organisations comme la NRA ou l'Union française des amateurs d'armes, qui dénoncent l'inclusion de certains types d'armes dans le traité. Mais d'autres industriels viennent assister aux négociations. Nous travaillons chacun dans notre camp, nous nous rejoignons parfois.

J'en viens aux possibilités d'amélioration du traité compte tenu du régime d'amendement par consensus. Amnesty International a toujours souhaité que le texte prévoie une conférence des États parties permettant une révision annuelle de ses dispositions afin d'assurer sa pérennité et son efficacité au service des populations civiles. C'est aujourd'hui le cas. En revanche, la question des amendements est problématique. Amnesty International est donc plutôt favorable à une modification de l'article concerné afin de prévoir un vote à la majorité des deux tiers lorsque le consensus est hors de portée. Dans l'un de ses derniers documents de position en date du 26 février dernier, l'organisation a évoqué la possibilité d'adjoindre des protocoles au traité.

En ce qui concerne le Rwanda, je n'entrerai pas dans un débat qui pourrait se révéler très délicat. Mais en Syrie, en Libye, en Tunisie, en RDC, en Côte d'Ivoire, la plupart des atrocités sont commises à l'arme à feu légère et de petit calibre ainsi qu'à l'arme lourde. En Syrie, il s'agit de MI24, de MI25, de Sukhoi. Certes, dans tous les conflits, on commet des atrocités par des moyens rudimentaires – nous publions le 14 mars un rapport sur la Syrie incluant le témoignage d'un enfant que l'on a forcé à tuer à coups de machette –, mais l'essentiel des atrocités sont perpétrées à l'arme à feu et à l'arme lourde, qui bombardent, qui déchiquettent les populations civiles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion