Intervention de Aymeric Elluin

Réunion du 13 mars 2013 à 9h30
Commission des affaires étrangères

Aymeric Elluin :

En ce qui concerne la Chine, Amnesty International s'inquiète plutôt de ses transferts irresponsables d'armes, connus et documentés depuis près de dix ans, vers des pays où l'on sait pertinemment que ces armes vont permettre des violations des droits de l'homme, dont des pays soumis à embargo. Nous avons récemment publié deux rapports à ce sujet, sur le Soudan, en février 2012, et sur la RDC, en juin.

Le traité est-il utopique ? Loin de là. Il y a dix ans, les fonctionnaires des ministères des affaires étrangères, de la défense et d'autres structures nationales de par le monde nous regardaient avec amusement. Aujourd'hui, les ONG dialoguent avec la communauté internationale et nous sommes parvenus à réunir les 193 États membres dans une salle à l'ONU : opposants, supporteurs, sceptiques, pires violateurs des droits de l'homme, producteurs, importateurs, ils sont tous là.

En ce qui concerne l'architecture administrative et normative du traité, celui-ci sera, comme l'a dit M. l'ambassadeur, assez simple et sans doute moins complet que le dispositif français de contrôle. Il devrait donc entraîner peu de modifications de notre ordre juridique et administratif interne.

Un traité assorti de sanctions serait idéal, mais il n'est pas possible. En revanche, il faudra prévoir un dispositif de sanctions nationales. Aujourd'hui, le traité n'est pas assez clair s'agissant de l'obligation faite aux États d'instaurer des sanctions pénales ou administratives applicables à tous les acteurs de la chaîne de transfert au niveau national. Je songe notamment aux courtiers en armes sur lesquels plusieurs affaires récentes ont attiré l'attention, de Carlos Menem à Viktor Bout en passant par Robert Montoya, ressortissant français établi au Togo qui fournissait la Côte d'Ivoire.

La transparence est essentielle : c'est elle qui permet de contrôler la politique d'un État à l'exportation. Le rapport français publié chaque année par le ministère de la défense depuis 1998 représente certes une avancée, mais ne nous paraît pas suffisamment détaillé ni complet. Nous nous sommes donc réjouis que M. Le Drian déclare, lors de son audition devant vous en novembre dernier, que ce rapport vous serait désormais remis plus tôt et qu'il entrerait davantage dans les détails. La transparence est également indispensable au niveau international : puisque aucun dispositif de sanction n'est prévu, elle garantira un contrôle par les pairs, par la société civile et par les parlements.

Faut-il un traité consensuel mais faible, ou un traité exigeant mais moins fédérateur ? Notre ambition est de parvenir au meilleur traité pour rassembler le plus grand nombre d'États. Cela paraît contradictoire, mais cette contradiction, inhérente au processus, doit nous servir de ligne de conduite. Ni la Chine, ni la Russie, ni les États-Unis n'ont signé le statut de Rome instituant la Cour pénale internationale, et pourtant, la CPI vit : même si son fonctionnement quotidien n'est pas sans difficultés, elle a rendu son premier jugement l'année dernière, dans une affaire qui concerne la RDC. La Russie, la Chine, les États-Unis ne sont pas non plus parties aux traités d'Ottawa et d'Oslo ; l'interdiction des mines antipersonnel et des armes à sous-munitions est-elle pour autant remise en cause ? Celle des armes à sous-munitions l'est essentiellement par la Syrie, qui en use dans le conflit intérieur qu'elle connaît ; mais les États-Unis, par exemple, n'utilisent pas de mines antipersonnel. La convention d'Ottawa a créé une norme morale qui l'emporte sur la norme juridique : elle a contribué à disqualifier les États non parties au traité et à compliquer l'utilisation des équipements qu'elle a interdits.

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