Intervention de Maud Olivier

Séance en hémicycle du 12 mars 2013 à 15h00
Refondation de l'école de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Olivier :

C'est grâce à l'école que la République peut tenir ses promesses de liberté et d'égalité. Et l'école est en première ligne pour conjurer cette réalité inacceptable : 120 000 jeunes sortent du système de formation et d'éducation sans diplôme, réalité qui frappe souvent les jeunes des quartiers populaires.

Il est inacceptable que la France soit l'un des pays de l'OCDE où le milieu social exerce la plus grande influence sur le niveau scolaire des enfants : 18 % des élèves issus de classes sociales défavorisées obtiennent un bac général, contre 78 % de ceux issus de classes sociales favorisées.

Redonner les moyens à l'école, c'est permettre à chacune et à chacun d'avoir le choix pour son emploi, pour son engagement dans la vie de la cité, quels que soient son origine territoriale, son patronyme ou son sexe.

La priorité donnée au primaire et le renforcement des moyens dans les écoles des quartiers populaires répondent à ces objectifs, ainsi que les 3 000 postes créés pour renforcer la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Le taux de scolarisation des enfants de deux ans avait chuté, passant de 35 % en 2002 à 15 % en 2010. Or nous savons combien cette année supplémentaire est un levier de réduction des inégalités.

Redonner les moyens à l'école, c'est aussi faire un investissement sur l'avenir, dans un monde qui fait la course à l'innovation et à la connaissance. C'est pour cela qu'il est important que la culture scientifique et technique soit inscrite dans le projet de loi. Nous parlons ici du développement du goût des sciences, de l'apprentissage du questionnement et du raisonnement scientifique, de la connaissance de l'histoire des sciences et des techniques, ou encore de l'initiation aux débats sociétaux liés aux sciences.

En charge par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques d'un rapport sur la diffusion de la culture scientifique, j'entends de nombreux acteurs de cette question s'inquiéter du peu de formation des professeurs des écoles dans le domaine scientifique et du fait que l'enseignement des sciences soit peu important à l'école.

Or situer la France dans une économie de la connaissance signifie pourtant accroître significativement l'accès aux études scientifiques des jeunes. Il faut contrecarrer le poids de l'appartenance sociale sur les parcours des élèves, amoindrir l'influence que peut avoir le territoire ou l'environnement familial dans lequel on grandit.

Cette culture scientifique et technique doit également permettre à chaque citoyen de saisir les enjeux actuels, le plus souvent liés aux progrès de la science. En l'intégrant davantage à l'école de la République, nous permettons à toutes et tous de se saisir des débats qui animent notre société.

Toutes les études le montrent, les filles réussissent mieux dans les matières scientifiques que les garçons mais reculent devant ce qu'elles pensent être des orientations peu faites pour elles. Cette attitude pèsera lourdement sur leur avenir professionnel et les privera des métiers les plus valorisants.

Ce texte de loi porte les couleurs de l'égalité, avec la mention explicite de l'égalité femmes-hommes dans les valeurs de la République que l'école doit transmettre. La commission a suivi cette démarche, en ajoutant notamment un module sur l'égalité femmes-hommes dans la formation initiale des enseignants et une sensibilisation à la question des orientations sexuées, mais aussi l'enseignement d'une éducation à l'égalité de genre dès le premier degré. Je sais que ce mot fait peur dans certains rangs. Il n'y a pourtant pas de quoi. Les études de genre mettent en question les rôles qui nous sont socialement assignés. Elles expliquent en quoi, au-delà des différences anatomiques évidentes, les inégalités hommes-femmes sont le résultat d'une construction sociale et non le produit d'un quelconque déterminisme biologique.

Nous voudrions évidemment tous croire que l'école de la République ne fait pas de différence entre les garçons et les filles. Mais, ne serait-ce qu'en matière d'orientation, les chiffres ne trompent pas : les filles représentent 10 % des élèves de terminale scientifique, technique et industrielle et 79 % des élèves de filières littéraires. La faute à pas de chance ? Évidemment non. La société française a toujours du mal à regarder en face les discriminations qu'elle génère. Si notre objectif est de tendre vers l'égalité, alors la loi doit, quand elle le peut, permettre la déconstruction de ces stéréotypes qui destinent encore aujourd'hui les filles et les garçons à des avenirs différents.

Sauf à croire que des appétences pour telle ou telle discipline seraient naturellement inscrites dans les gènes et les hormones, je ne vois pas pour quelle raison on ne souhaiterait pas que nos enfants apprennent que c'est la société qui leur construit des rôles sexués et, par là, des vies différentes. Qu'ils en soient conscients, pour se sentir libres de prendre leurs décisions quant à leur avenir.

L'éducation à l'égalité de genre, la déconstruction des stéréotypes sexistes sont un levier pour réduire à la base les inégalités entre femmes et hommes dans toute la société. Ce qui me permet de conclure, puisqu'ici la science rejoint le féminisme : on ne naît pas femme, ni homme d'ailleurs, on le devient. Bref, en démocratie, l'anatomie ne doit plus conditionner son destin ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

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