Intervention de Kristalina Georgieva

Réunion du 19 février 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Kristalina Georgieva, commissaire européenne à la coopération internationale, à l'aide humanitaire et à la réaction aux crises :

Il faudrait que je me renseigne pour vous répondre précisément sur le partenariat différencié avec l'Algérie qui n'entre pas dans mon portefeuille. Je vous transmettrai les informations dès que je les aurai récoltées.

En tant que commissaire à l'aide humanitaire, je partage le point de vue selon lequel le Sahel doit représenter une priorité pour l'Europe et je compte le défendre au sein de l'UE. Cette région fait face à de nombreuses difficultés qui vont probablement s'accroître à l'avenir. L'UE a développé une stratégie pour le Sahel, mais elle doit s'enrichir de nouveaux programmes – voyez là le fruit de mon expérience à la Banque mondiale.

La misère de la population malienne nous a incité à faire davantage pour ce pays dans la programmation budgétaire de la période 2014-2020. L'attente de la France en matière d'augmentation des ressources investies par l'UE dans cette région est justifiée, non seulement parce que votre pays contribue à 20 % du budget de l'Union, mais également parce que le Sahel possède un caractère stratégique pour l'Europe. Nous touchons là à la sphère de nos intérêts et pas seulement à celle de l'amitié.

L'aide humanitaire attribuée à cette région démontre l'importance qu'elle revêt à nos yeux. Ainsi, nous n'avons jamais autant dépensé pour le Sahel qu'en 2012. Nous avons consacré 1,3 milliard d'euros l'année dernière pour faire face aux catastrophes, notamment climatiques, advenues dans le monde. Le Sahel a bénéficié d'une part significative de cette aide – 337 millions d'euros – afin d'éviter que ne s'y reproduise la situation de la Corne de l'Afrique. Au sein de cette enveloppe, 115 millions d'euros ont été investis au Mali. Nous souhaitons poursuivre – et même accroître – cet effort afin que cette région puisse se relever. Aux fonds mobilisés pour la formation des troupes maliennes, il convient d'ajouter 20 millions d'euros provenant, entre autres, de l'instrument de stabilité.

Comme j'ai eu l'occasion de le dire à M. Canfin, ministre délégué chargé du développement, nous allons tout faire pour aider la région sur le plan humanitaire. La difficulté principale réside dans les capacités d'absorption de cette manne par ces pays. S'agissant de l'aide alimentaire, la politique de l'UE consiste à fournir de l'argent et des bons alimentaires aux populations plutôt que des denrées, afin que les aliments soient achetés sur les marchés locaux. Notre action repose sur le soutien à l'agriculture locale et sur la lutte contre la dépendance à l'aide extérieure. Elle a été définie à la suite de notre participation à la Convention internationale sur l'aide alimentaire. Nous travaillons avec des organisations spécialisées et contrôlons l'action de nos partenaires afin de nous assurer de la distribution effective de nos aides. Nous ne procurons des vivres que dans les régions où l'agriculture locale a disparu.

Certains pays ont atteint quelques Objectifs du millénaire. Comment allons-nous poursuivre ces efforts au-delà de 2015 ? Répondre à cette question est essentiel, car la pauvreté n'est pas seulement mauvaise d'un point de vue moral, elle nourrit également l'extrémisme et le terrorisme qui mettent en péril notre sécurité.

Un consensus existe maintenant pour reconnaître que les cibles en matière de lutte contre la pauvreté ne peuvent être isolées des autres objectifs de la politique de développement. Ainsi, le changement climatique constituera le plus grand défi à l'avenir. Nous devons donc élaborer de nouveaux projets qui le prennent en compte. Notre dessein vise à éradiquer la pauvreté et la faim, dont la persistance ne devrait pas être acceptée par les hommes et les femmes du XXIe siècle. Pour ce faire, nous avons besoin de trouver de nouveaux financements qui ne proviennent pas seulement des donateurs traditionnels – les Européens, les Américains, les Australiens, les Japonais –, mais également des pays qui se sont récemment enrichis. Nous devons porter ce message à la Chine, au Brésil, à la Russie et à l'Inde – même si cette dernière doit d'abord faire face à la pauvreté de son peuple.

Il peut s'avérer parfois plus facile de travailler avec des régimes non démocratiques. Cependant, la démocratie est bien plus bénéfique à terme. Je viens d'un pays qui a été de l'autre côté du rideau de fer et suis donc particulièrement sensible au respect du droit des peuples à vivre et s'exprimer librement. Nous avons l'obligation de promouvoir un système politique dans lequel chacun peut être entendu.

Je n'hésite pas à faire état des menaces que fait peser sur le destin des populations une croissance démographique mal maîtrisée. Lors d'une conférence à Addis-Abeba, tenue à un moment où la famine frappait durement la Somalie et la Corne de l'Afrique, je n'ai pas voulu éluder la question démographique, car une telle attitude n'aurait rendu service à personne. J'ai ainsi expliqué que lorsque le Kenya est devenu indépendant, sa population était à peine supérieure à celle de mon pays, la Bulgarie : 8,1 millions d'habitants contre 7,9. Aujourd'hui, le Kenya compte 40 millions d'habitants, quand la Bulgarie n'est peuplée que de 7,5 millions de personnes – trajectoire révélant d'ailleurs un problème d'une nature différente. J'ai expliqué que je n'imaginais pas à quoi ressemblerait mon pays si 40 millions d'individus y vivaient. Ces mots m'ont valu des applaudissements de la part des représentants des pays africains qui sont même venus me remercier à la fin de la conférence. L'UE agit pour aider les pays concernés à régler ce problème, l'assistance humanitaire ne constituant qu'une partie de cette politique. À titre d'exemple, nous soutenons un programme au Tchad qui consiste à donner une chèvre – animal très important dans ce pays – à un enfant qui termine sa sixième année d'école, afin de les encourager à poursuivre leurs études. L'un des axes de notre politique est de soutenir la scolarisation des filles. Au Niger, nous appuyons un programme qui permet d'accroître le contrôle des naissances. Dans une des cliniques mettant en oeuvre cette politique, j'ai rencontré l'imam local qui m'a expliqué son soutien à cette action par un verset du Coran stipulant que les naissances devaient être espacées pour la santé de la mère et des enfants. Je suis néanmoins d'accord sur le fait que nous devons faire davantage pour accompagner ces sociétés.

Je n'ai pas répondu à la question portant sur la recherche et l'innovation sur le développement de la résistance à la sécheresse, car ce sujet relève du portefeuille de la recherche, mais je sais que l'attention et le financement accordés à ces thèmes augmentent.

En guise de conclusion, je tiens à réitérer ma gratitude envers la France pour son action au Sahel et, plus spécifiquement, au Mali. Je peux vous assurer que votre pays ne se tient pas seul dans ce combat. La Commission européenne s'engage pour transformer le destin du Mali et celui de la région tout entière. Je nourris de grands espoirs dans la réussite du programme AGIR-Sahel, centré sur le développement économique et social. L'aide au développement de l'UE doit atteindre 0,7 % de son RNB et nous avons tous un effort à fournir pour atteindre ce niveau qui nous engage.

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