Intervention de Nicole Maestracci

Réunion du 20 février 2013 à 9h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Maestracci :

Madame Bechtel, avec la QPC, l'évolution continue du Conseil constitutionnel vers le statut de juridiction est devenue patente. Il constitue désormais une véritable cour constitutionnelle, même s'il ne peut pas être directement saisi, selon la procédure allemande, par les justiciables. Son influence s'exerce sur les juridictions de l'ordre administratif ou judiciaire, car, même si chacune d'elles conserve ses prérogatives, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'impose à la Cour de cassation et au Conseil d'État.

Les relations entre le juge constitutionnel et le législateur relèvent d'un équilibre subtil. Le Conseil a toujours rappelé que la loi était l'expression de la volonté générale et qu'il n'avait pas à s'immiscer dans les pouvoirs du Parlement, pouvoirs que celui-ci exerce néanmoins dans les limites de la Constitution. Cependant, ce principe général est interprété de manière de plus en plus large. Si le Conseil n'a pas à contrôler la responsabilité politique du Parlement, il pèse les différentes manières qui pourraient lui permettre d'atteindre ses objectifs. Sur ce point, la jurisprudence est constante et claire. En outre, le Conseil constitutionnel envisage désormais le droit sous une nouvelle optique, depuis que la QPC l'invite à réfléchir sur des questions issues de son application.

Monsieur Fenech, lorsque j'ai présidé la MILDT, j'ai appliqué une politique visant à concilier les logiques différentes du ministère de l'Intérieur, de la Santé, de la Défense... Je n'ai pas participé à des états généraux en 2001. J'ai centralisé le plus de données possible sur les substances psychoactives. J'ai notamment développé l'Observatoire français des drogues et de la toxicomanie, et alloué des moyens à la recherche, car, pour faire des choix politiques éclairés, il faut disposer de connaissances indiscutables. Le rôle de la présidente d'une mission interministérielle consiste non à définir les politiques, mais à éclairer le débat. Je n'ai d'ailleurs proposé aucune modification de la législation, qui est demeurée constante, sauf sur deux points : la création des centres de soins en addictologie, qui portent non seulement sur les drogues illicites mais aussi sur l'alcool et le tabac, et la légalisation des politiques de prévention des risques. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas à me prononcer sur une éventuelle modification de la loi, à moins que le Conseil constitutionnel ne soit saisi d'un nouveau texte.

Madame Untermaier, aucune juridiction française ne publie les opinions personnelles ou différentes de ses membres, comme le fait la Cour européenne des droits de l'homme. Dans notre pays, le secret des opinions est souvent présenté comme une garantie d'indépendance et un moyen de résister aux pressions. En outre, la publication d'opinions différentes pourrait freiner la rapidité de réaction du Conseil. Cela dit, le débat n'est pas clos. Il est probable que l'exigence de transparence fera évoluer les pratiques. Le fait de connaître la manière dont s'élaborent les décisions peut être un plus pour la démocratie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion