Intervention de Patrice Verchère

Séance en hémicycle du 21 février 2013 à 15h00
Prévention de et lutte contre la violence en milieu scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Verchère :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'école a pour première mission d'instruire les enfants. La transmission des connaissances doit être son principal objectif. Ce n'est que s'ils s'instruisent que les enfants peuvent s'épanouir, grandir, acquérir des diplômes pour obtenir, à la fin, un emploi.

Pour cela, il faut promouvoir le bien vivre ensemble, qui est une condition nécessaire pour apprendre, parce qu'instruction et éducation, qualité des apprentissages, qualité de vie et de relation vont de pair.

Mais l'école peut aussi s'avérer un lieu dangereux, voire terrifiant. Les faits de violence dans les établissements scolaires, dont sont victimes tant les élèves que les personnels, représentent un souci majeur pour les responsables éducatifs.

Ces agissements mettent en péril la réussite scolaire et l'égalité des chances. L'acte pédagogique constitue la première réponse à cette violence.

Si les atteintes aux personnes prennent le plus souvent la forme de menaces et de violences verbales, de vols ou de tentatives de vol, ainsi que de dégradations, de graffitis ou de tags sur les biens et le matériel, elles peuvent aussi être d'une tout autre nature.

Permettez-moi de profiter de ce texte sur la prévention et la lutte contre la violence en milieu scolaire pour attirer votre attention, chers collègues, madame la ministre, sur ce que l'on nomme « les jeux dangereux », phénomène trop souvent sous-estimé mais bien présent dans nos cours d'école.

Observé dans le milieu scolaire comme dans le cadre familial, le phénomène des jeux dangereux et des pratiques violentes reflète une réalité diverse.

On distingue les « jeux » de non oxygénation des « jeux » d'agression, intentionnels ou contraints, baptisés de plus d'une centaine d'appellations différentes par les enfants et les adolescents. Les « jeux » de non oxygénation, d'évanouissement, de strangulation ou de suffocation sont tournés vers l'expérimentation du corps – « trente secondes de bonheur », « rêve bleu », « rêve indien », « jeu du cosmos », le plus connu étant le « jeu du foulard ».

Ce type de « jeu » consiste à freiner l'irrigation sanguine du cerveau par compression des carotides, du sternum ou de la cage thoracique, pour ressentir des sensations intenses. Si certains jeunes ont pratiqué ce « jeu » sous la contrainte ou la pression, la plupart l'ont fait de leur plein gré.

Les « jeux » d'agression sont ceux où il est fait usage de la violence physique gratuite, généralement par un groupe de jeunes envers l'un d'entre eux.

On distingue les « jeux » intentionnels auxquels les jeunes participent de leur plein gré tels que le « jeu » du cercle infernal, celui de la cannette, du petit pont massacreur ou de la mêlée, des « jeux » contraints, auxquels l'enfant qui subit la violence du groupe n'a pas choisi de participer – le « jeu » des cartons rouges, celui de la ronde, de la mort subite ou de la couleur.

La participation à ces « jeux » est généralement motivée par le sentiment d'appartenir à un groupe, par le désir de suivre le leader, ou par intimidation.

Cette liste est loin d'être exhaustive : de nouveaux « jeux » paraissent régulièrement et se développent au gré de l'imagination foisonnante des enfants et des modes véhiculées par les médias, telles que le catch, par exemple.

Cela suppose une vigilance constante aux nouvelles formes que revêtent les « jeux » dangereux.

Si on distingue bien ces « jeux » des actes de violence ou de délinquance, il s'agit tout de même de pratiques dangereuses dont on ne mesure pas toujours les conséquences.

Les conséquences physiques et psychologiques de ces pratiques pour les « joueurs » ou les victimes sont extrêmement importantes, pouvant aller des séquelles physiques aux lésions cérébrales, irréversibles ou non, au coma voire au décès.

Les répercussions psychologiques pour les enfants les plus jeunes peuvent se traduire par des phobies scolaires, voire un état de stress post-traumatique plus ou moins prononcé.

La lutte contre les « jeux » dangereux et les pratiques violentes se poursuit en partenariat avec les associations agréées au niveau national, l'Association de parents d'enfants accidentés par strangulation et SOS Benjamin, mais aussi avec l'éducation nationale, qui doit faire en sorte qu'à toutes les étapes de leur scolarité, les élèves comprennent ce qu'est un comportement à risque.

Bien sûr, l'école s'attache à mieux accompagner les actions à mettre en oeuvre dans les établissements scolaires pour sensibiliser les jeunes sur ces pratiques, mais l'école ne peut pas tout.

Toutefois, les caractéristiques de ces « jeux », aux conséquences physiques et psychologiques graves, sont autant de facteurs associés et de signes qui doivent alerter et favoriser la vigilance de tous, notamment des parents.

L'instauration d'un dispositif graduel visant à responsabiliser les parents qui manqueraient à leurs responsabilités, tel est l'esprit de la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui.

Si elle était adoptée, les parents se trouveraient davantage impliqués. Il convient d'instaurer un dialogue, afin de leur faire prendre conscience, à eux et à leurs enfants, de la nécessité du respect et de la protection de leur corps et de leur vie, mais aussi de celle des autres.

Je terminerai par une question à Mme la ministre. Suite au suicide, vendredi dernier, à Bourg-Saint-Maurice, d'un adolescent de treize ans qui était harcelé et régulièrement frappé par certains de ses camarades, la presse rappelait qu'en France 10 % des collégiens sont harcelés et 6 % subissent un harcèlement que l'on peut qualifier de sévère à très sévère, le harcèlement pouvant aller des moqueries aux insultes, des brimades aux menaces, jusqu'aux coups, au racket ou aux violences sexuelles. Une grande campagne avait été lancée fin janvier 2012, sous l'impulsion de votre prédécesseur, Luc Chatel, pour lutter contre le harcèlement à l'école, par le biais de spots télévisés, de l'ouverture d'un site internet – www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr –et d'un numéro vert national. Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, si cette campagne sera renouvelée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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