Intervention de Emeric Bréhier

Séance en hémicycle du 21 février 2013 à 15h00
Prévention de et lutte contre la violence en milieu scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmeric Bréhier :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues, je m'exprime ici au nom de l'ensemble des députés SRC, qui ont renoncé à intervenir dans la discussion générale, pour laisser davantage de temps de parole à nos collègues de l'UMP.

Je voudrais d'ailleurs louer ici leur constance. En effet, quelques jours après avoir abrogé la loi Ciotti, nous voici de nouveau réunis pour discuter de plusieurs de ses dispositions. Mais souffrez, chers collègues, que les membres du groupe SRC fassent preuve, eux aussi, de cohérence : ce que nous avons abrogé récemment, nous ne souhaitons pas, quelques jours après, le rétablir.

Avec ce texte, notre collègue rapporteur entend donc créer un « choc de responsabilisation » des parents d'élèves auteurs de violences en milieu scolaire, en instaurant un dispositif « graduel », allant jusqu'à la suspension ou la suppression des allocations familiales. Notre collègue fait ainsi revivre la fameuse loi Ciotti, qui proposait le même outil pour gérer la question de l'absentéisme scolaire.

Malheureusement, monsieur le rapporteur, cet outil a, selon nous, déjà montré son inutilité. C'est d'ailleurs vous-même qui le signifiez dans votre rapport, en signalant qu'entre 2011 et 2012 – période durant laquelle la loi Ciotti était, si je ne m'abuse, en vigueur –, les faits de violence dans les établissements scolaires ont sensiblement augmenté.

L'automaticité de la sanction que vous préconisez de fait ne permettra pas plus que dans le cadre de la loi Ciotti de faire le « tri » entre les familles de bonne foi et les autres. De la même manière, votre proposition oublie que les questions d'échec scolaire, d'absentéisme ou de violence sont particulièrement liées à la situation sociale des enfants.

Permettez-moi, enfin, de m'arrêter sur ce lien si étroit que vous établissez – comme votre collègue Éric Ciotti avant vous, et je salue, là encore, votre cohérence – entre la responsabilité directe des parents et les agissements de leurs enfants. Madame la ministre, lors de votre audition par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour préparer le débat relatif à l'abrogation de la loi Ciotti, vous avez très simplement rappelé la réalité : « Si l'absentéisme résultait de l'incapacité ou de la désinvolture des parents, le même phénomène serait constaté à l'école primaire. Il ne commence à être significatif qu'à la fin du collège et en début de lycée, notamment en lycée professionnel. » Monsieur le rapporteur, ce qui était vrai pour l'absentéisme l'est au moins autant pour les violences, ce qui ne peut nous amener qu'à une seule et même conclusion.

En approfondissant l'analyse de votre proposition de loi, on ne peut que constater que les réponses que vous proposez pour lutter contre les violences scolaires appartiennent à un modèle qui n'a plus cours dans aucun pays. Les États-Unis, qui avaient un temps développé une politique de « tolérance zéro » extrêmement sévère, ont avoué l'échec de celle-ci pour instaurer un système efficient en matière de discipline scolaire. Parallèlement, toutes les politiques ayant montré leur efficacité, en Finlande, en Suisse ou au Canada, sont toutes fondées sur le même modèle, à savoir l'information des élèves, la formation des professeurs, l'échange et, surtout, le règlement des problèmes dans l'école et non au-dehors.

Vous l'aurez compris, ce texte ne répond pas, selon nous, à la question de la violence en milieu scolaire. Il n'y répond pas car il entend faire revivre des solutions anciennes, déjà testées et qui ont déjà montré leur inefficacité et leur injustice.

Depuis mai 2012, ne vous en déplaise, une autre vision de l'école et de son rôle dans notre société est à l'oeuvre. Une vision où les questions des violences à l'école, de l'échec scolaire et de l'absentéisme sont envisagées sous l'angle de multiples facteurs ; une vision qui remet l'élève au coeur de l'action, car les élèves d'aujourd'hui sont les citoyens et les acteurs économiques de demain ; une vision qui se donne les moyens de son ambition ; une vision qui ose engager une véritable refondation pédagogique ; une vision qui sait que le redressement de notre pays, son avenir, passent par la refondation de son école. Et je ne doute pas que chacun sur ces bancs partage cette vision.

Jean Jaurès, que nos collègues de l'UMP citent avec gourmandise en quelques occasions, exhortait ainsi nos prédécesseurs en 1910 : « Il faut que toutes nos idées soient imprégnées d'enfance, c'est-à-dire de générosité pure et de sérénité. » Cette proposition de loi n'est marquée ni du sceau de la générosité ni de celui de la sérénité. Il est donc temps de la rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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